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date dernière modification : 22/07/02

Chronique du 21 Janvier 1998

Michel Slitinsky s'explique

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Le président Castagnède

Il fait le point sur les témoins présents avec l'huissier. « Mme Moquay est absente, je ne suis pas surpris qu'elle ne soit pas là, elle s'est déplacée déjà à deux reprises, elle s'est trouvée mal et je lui avais laissé le choix de venir ou de ne pas venir. Faites venir monsieur Gonzales. (...) La cour a en mémoire votre témoignage, vous pouvez le reprendre là où vous en étiez ou faire un résumé de ce que vous avez dit. »


André Gonzales

« Je vais reprendre mon témoignage là où il en était, j'étais en train d'évoquer la lettre du père d'Alice à son épouse, il disait « nous partons vers une adresse inconnue, n'envoyez plus de courrier ». Dès le courrier reçu, je me suis empressé d'aller voir Alice, ce qu'elle redoutait, c'est que ce soit la première et dernière lettre de son père. En effet au camp de Mérignac la rumeur circulait que « dans le camp on écrit une dernière lettre, et qu'après, on ne recevait plus de nouvelles quand les gens partaient dans ce qu'on croyait être des camps de travail. »


Si de telles informations parvenaient aux prisonniers, alors, il semble difficile de croire que les responsables et les fonctionnaires ne savaient pas. Alice supportait mal son internement, les conditions étaient difficiles, les baraques en bois, mal nourrie, les souris, la promiscuité, la précarité, les toilettes, le doute... Elle m'écrit et me demande d'intervenir auprès d'un de mes amis qui avait des relations à la police, on est début novembre, sa mère avait écrit le 21 octobre à la préfecture. Les voisins des Slitinsky avaient envoyé une pétition demandant la libération d'Alice et de la remettre en liberté. L'ami voit Garat, il lui dit qu'il ne peut rien faire, la dossier est aux mains des allemands. Alice commence à désespérer, elle n'a pas de nouvelles de sa libération, elle ne reçoit plus de lettres et le 30 Novembre, elle nous écrit « Ici, j'entends des bruits et on parle de l'arrivée d'un lieutenant, c'était Doberschultz, le 2 décembre, il arrive au camp et ordonne la libération d'Alice, avec madame Wolf et madame Léon et le 5 décembre, Rousseau, le directeur du camp les libère. Dans les archives, on trouve une lettre de Rousseau qui écrit le 5 décembre pour dire qu'il a bien exécuté la libération d'Alice. Curieusement, le 7 décembre, Papon écrit qu'il a reçu l'autorisation de libérer Alice. Quand on examine la chronologie des faits, on ne trouve aucune trace d'une démarche de Papon pour libérer Alice, contrairement à ce qu'il a affirmé dans les médias. Bien au contraire, le service des questions juives a tout fait pour maintenir Alice au camp, sa libération est acquise le 22 octobre lors de l'examen contradictoire entre Garat et Doberschultz, il est dit « maintenir pour libération » il a fallu attendre 40 jours, pour obtenir une libération effective. Et encore, elle n'intervient que quand Doberschultz l'ordonne autoritairement. Ce comportement ne me surprend pas, plus tard, à l'évocation de son internement, Alice disait que ce qu'elle supportait le plus difficilement, ce n'était pas les conditions physiques, mais l'angoisse et la peur permanente « J'avais l'impression qu'on me faisait attendre pour partir dans le prochain convoi vers Drancy. ». Le 19 décembre, 2 policiers reviennent à la maison, arrêter Alice et sa mère. Heureusement, par précaution, le lendemain de sa libération, elle avait changé d'adresse et était partie vivre chez des amis, elle téléphonait à un voisin monsieur Vigié, un coiffeur, avant de venir à la maison prendre des affaires. C'était une bonne précaution, le lendemain du passage de la police, elle téléphone, le voisin l'informe du passage de la police et de la mise sous scellé de la maison. Après, elle est partie dans un appartement, une cave aménagée, cours Saint Louis, avec des faux papiers que je lui avait procuré. En 1947, Alice reconnaît place Gambetta devant le kiosque à côté du Régent, il est toujours là je crois, un des deux policiers qui l'avait arrêté. Elle l'apostrophe en public, ils se sont enfuis, elle les suit et mène une enquête et apprend qu'ils sont toujours en activité. C'est à ce moment, qu'ils ont porté plainte devant le tribunal militaire, ils obtiennent un non lieu et sont acquittés. »


Le président Castagnède " J'ai bien suivi votre déposition, c'est vrai que sur le dossier de votre épouse, il y a ce document relatif à l'examen contradictoire du 20 octobre, il est fait mention de trois personnes conservées au camp, il est noté « Slitinsky Alice pour libération ». Schinazi père et fils, on en reparlera. Wolf, non juive et madame Léon n'est pas sur ce document. Un autre document, une lettre du 22 octobre de la mère d'Alice, c'est la demande d'intervention de votre belle-mère à la préfecture, un document où on s'écarte de votre déposition, c'est un document en allemand il est signé Papon, n'est pas daté, Objet : Police de sécurité Le Bouscat, c'est un document en allemand, on a pas l'original en français, il est dit « lors des arrestations de juifs étrangers, la personne de race juive de nationalité française Alice Slitinsky, et son père Abraham, de race juive et de nationalité russe à la suite de l'intervention de sa mère paralysée et impotente. Demande la libération d'Alice Slitinsky suite à l'examen contradictoire, où il est dit... Il est signé Papon, pour le préfet. »


Maître Vuillemin


« Il [l'original en français ] est au dossier et daté du 7 novembre. »


Le président Castagnède " J'ai un autre document, du 11 novembre, « madame, en réponse à votre lettre, j'ai l'honneur de vous confirmer la libération de votre fille, signé Papon. » ». Michel dit que le courrier n'a jamais été reçu. « Un autre document, du 7 décembre « j'ai l'honneur de vous faire savoir que les autorités allemandes accordent la libération de mesdames Wolf, Léon et de mademoiselle Slitinsky. J'ai un autre document ou on voit une liste avec la mention manuscrite des nationalités, je vois que madame Léon Marguerite est allemande, madame Wolf Henriette est Tchèque. » Le président Castagnède cherche et trouve la lettre citée par Maître Vuillemin. Le tampon est du 11 novembre, je suis surpris par cette date, parce que le 10 novembre il y a la demande de confirmation de l'ordre de libération aux allemands et la veille, on écrit à madame Slitinsky. Papon, je vous repose la question, reconnaissez-vous l'écriture de la note qui rend compte de l'examen contradictoire. »


Papon

« J'ai toujours une grande incertitude mais il me semble que c'est celle de Garat. »


Le président Castagnède " Vous avez entendu la déposition du témoin, vos explications s'imposent, comment le service des questions juives est-il intervenu, j'attends vos explications. »


Maître Vuillemin « Je souhaite verser le chaînon manquant. Doberschultz écrit à la préfecture de libérer Alice suite à la lettre de Papon »


Le président Castagnède " Je suis toujours étonné de voir apparaître les documents au compte goutte, elles auraient été utiles à l'instruction. »


Maître Vuillemin « Je ne l'ai que depuis quelques jours. »


Le président Castagnède " Je vous repose la question, pourquoi ces interventions, à quoi correspondaient-elles ? »


Papon « Je m'en rapporte à l'analyse et au processus que vous avez décrit. La seule anomalie que je trouve, c'est pourquoi la lettre par laquelle nous enjoignons de libérer Alice au directeur du camp n'arrive qu'après. Ce doit être le fait qu'avant, il y a eu des entretiens verbaux. C'est une lettre de confirmation. »


Le président Castagnède " Je n'ai pas fait d'analyse, je voudrais que vous expliquiez pourquoi alors qu'il y a un accord de principe de la libération d'Alice, vous attendez si longtemps. Est-ce bien ainsi qu'il faut interpréter les choses ? Qui intervient ? Pourquoi ce délai ? Qui a le pouvoir ? Le 22 octobre, le principe est acquis, on libère le 5 décembre et grâce à l'intervention de la mère d'Alice à qui on a répondu le 11 novembre . »


Papon « Ce n'est qu'un préjugé favorable, les autorités françaises ne peuvent pas libérer de leur propre initiative. Il faut l'accord des allemands. On garde Alice pour la protéger. » Rires dans la salle.


Le procureur général Desclaux

à André Gonzales « Monsieur, vous avez dit que pour votre épouse, c'était plus dur, il y a une angoisse permanente, la peur, c'était le temps qui s'écoule et sa libération promise qui n'arrivait pas. »


André Gonzales « Tout à fait, la décision était suspendue à l'arrivée de Doberschultz. »


Le procureur général Desclaux « Nous nous rappelons que le 19 octobre, Luther adresse une note à la préfecture, il faut arrêter les juifs étrangers, vous êtes d'accord. »


Papon « Oui »


Le procureur général Desclaux « Garat se trouve rue du Maréchal Joffre, il donne les directives à la police, il donne les listes aux policiers français pour arrêter les juifs étrangers, vous êtes d'accord ? »


Papon « Les listes sont remises par les allemands à Garat. »


Le procureur général Desclaux « Sur ces listes, il y a Abraham, Michel et Alice, ils sont français, comment expliquez-vous cela ? »


Papon « Je ne me l'explique pas, c'est surprenant. »


Le procureur général Desclaux « Garat a les listes, il les vérifie ? »


Papon « Ce n'est pas possible, Garat a les listes le matin pour le soir, il n'a pas le temps. »


Le procureur général Desclaux « Vous avez toujours dit que Garat a les listes avant et vous avez toujours dit que Garat est là pour intervenir pour sauver des juifs. C'est très grave, c'est le rôle essentiel que vous attribuez à Garat, il peut regarder les anomalies, il peut regarder les nationalités, Alice est sauvée par miracle, Bernard Fogiel lui n'a pas cette chance. »


Papon « On avait pas le temps de regarder.


Le procureur général Desclaux « Garat a les listes, il doit les vérifier. »


Papon « Ce n'est pas possible, Garat a les listes le matin pour le soir. »


Le procureur général Desclaux « Au sujet des listes, vous avez toujours dit que Garat avait les listes avant, vous avez toujours dit que Garat est là pour intervenir, pour sauver les personnes, c'est très grave, c'est le rôle essentiel que vous donnez à Garat. Il peut regarder les nationalités. Alice est sauvée par miracle, Bernard Fogiel, lui n'y échappera pas. »


Papon « Il n'avait pas le temps de regarder. »


L'interrogatoire de Papon se poursuit ainsi, Papon continue de nier, de se défausser sur Garat, sur les allemands, etc. Arrive alors le tour des avocats des parties civiles.


Maître Touzet

Il regrette l'absence de madame Moquay qui aurait permis de contrer les mensonges éhontés de l'accusé. Car contrairement à ses affirmations d'aujourd'hui, il a toujours déclaré qu'il était le responsable de la libération d'Alice et que sa famille aurait dû le remercier. Il remonte à la déclaration initiale à la préfecture du père de Michel, Abraham. Retrace le scénario qui conduit à sa déportation et conclut « Alice et Michel sont français, ces oublis montrent la carence criminelle de Papon. » « Que fait la préfecture ? Rien » « Ce sont des négligences criminelles, les délais de la préfecture sont mortels, ils font courir des risques criminels. » Le président Castagnède intervient de temps en temps pour essayer de faire avancer l'audience, rappelle les points qui ont déjà été évoqués.


Puis Maître Klarsfeld

Il reprend Papon sur le cas des enfants. « Je constate Alice Smil, 2 ans, Léonie Smil 6 ans, Bernard Fogiel, on en a parlé. N'y a-t-il pas une volonté préfectorale de déporter les enfants avec les parents, de chasser de la région tous les juifs, de débarrasser la région ? »


Papon « La question est indigne »


Maître Klarsfeld « Vous dites, les allemands se méfient de la préfecture , mais Garat rencontre Doberschultz, les allemands préviennent la préfecture, est-ce de la méfiance ? »


Papon « Cela ne prête pas à conséquence. »


Maître Klarsfeld « Vous avez été visité le camp de Mérignac ? »


Papon « Non, ... »


Maître Klarsfeld « Je rappelle que ni Leguay, ni Bousquet ne rendent visite au camp de Drancy. Ils ne s'y déplacent pas et envoient des subordonnés. »


Maître Boulanger

« Je rappelle que Papon construit sa défense à partir de séquences séparées, mais l'ensemble ne tient pas. Il vient de nous dire on a pas les listes, elles arrivent trop tard, on a pas le temps de vérifier, or pendant l'instruction, il affirme qu'il est résistant et qu'il a informé les personnes, s'il les informent c'est qu'il a les listes, alors quand ment-il ? Aujourd'hui ou au cours de l'instruction ? »


Le président Castagnède " Cette question a déjà été posée par moi, la réponse de l'accusé est acquise au débats. Je suis inquiet, on devait aborder le convoi de novembre et on est toujours sur celui d'octobre »


Maître Chazal

Il intervient dans le même sens comment Papon peut-il affirmer qu'il vérifie le cas d'Alice Slitinsky alors qu'on lui dit Alice Slitinsky pour libération.


Le président Castagnède « je rajoute à ce que vous dites, le cas de Marguerite Léon qui n'apparaît qu'ici. »


Papon « Le maître est un mauvais élève, Il est inattentif. »


Maître Chazal « Ici, c'est un cas sans problème, on vous dit « Pour libération » et qu'est-ce que vous faites ? Vous vérifiez !! »


Maître Vuillemin intervient « On sait que les allemands donnent les listes à Garat, et Garat les donne aux Feld gendarmes. » Suit une altercation entre Boulanger et Vuillemin.


Le président Castagnède s'énerve, les coupe « Non, Maître Vuillemin, vous ne pouvez pas dire cela. C'est une interprétation, on ne sait pas d'où viennent les listes »


Maître Vuillemin continue en rajoutant un je suppose.


Le président Castagnède " En Octobre 89, Papon, sur le convoi d'octobre, vous déclarez « Rodés par les événements, mieux organisés qu'auparavant, nous avons pu sur la base des listes entre parenthèse les listes remises par les allemands à Garat, nous avons pu sur la base de ces listes prévenir le maximum de juifs. » et plus loin « De toute manière, la police ayant été saisie, c'est alors que j'avertissais un certain nombre de familles menacées par l'intermédiaire de personnes de la préfecture, mesdames Eychenne, Moquay, Chassagne qui informaient le Père Dieuzayde »


Il faut bien reconnaître que les histoires de résistant racontées par Papon sont savoureuses, ce sont les « Belles histoires de l'oncle Paul » C'est Papy fait de la résistance. Papon affirme que c'est grâce à ce réseau (Jade Amicol) et à madame Ters que sur les 400 juifs qui devaient être arrêtés, seulement 41 le sont...


Le président passe en revue les différents cas des personnes sauvées. Madame Moquay, qui ne viendra finalement pas témoigner n'est plus à la préfecture depuis mars 1942. « Vous admettez qu'il y a une légère différence et le mot est faible, un singulier écart avec vos dépositions, avec les faits. » « C'est une 1° contradiction. » « 2° Contradiction, vous parlez du Père Dieuzayde, mais en octobre 1942, il n'est pas à Bordeaux, comment expliquez-vous vos contradictions ? » « Vos explications vont sur des voies de garage » « Passons au cas de madame Ters, elle dit avoir sauvé une famille, les Donte, finalement, après enquête, la famille a bien été sauvée et prévenue mais une autre personne, 3° contradiction. »


L'avocat général Robert prend le relais,

« Je remarque en passant que Papon selon les versions et les dépositions change les heures de réception des listes par les allemands, au lieu de parler de contradictions de Papon, l'avocat général Robert parle de repentir, 1° repentir, 2° repentir. Sur l'évocation de ce 2° repentir Papon affirme « Ne comptez pas sur moi, pour faire acte de repentance. » L'avocat général Robert conclut « Donc sur quatre témoins, trois vous contredisent. »


Maître Klarsfeld conclut ce passage sur la résistance de Papon en se posant la question de savoir pourquoi Papon n'a pas plutôt informé son grand ami, le grand Rabbin Cohen ? Reste donc à l'histoire de Papon, le cas du témoin décédé, il ne pourra donc pas contredire ces propos. Il s'agit de madame Eychenne, adjointe de Garat et grande résistante selon Papon, mariée avec un milicien, elle divorce pour tomber dans les bras de Garat, membre d'un parti fasciste, en somme tout le portrait d'une résistante... On comprend mieux pourquoi avec de tels réseaux de résistance, les allemands sont restés si longtemps maîtres de la France.


Le président Castagnède " J'appelle Michel Slitinsky. »

Arrive enfin le moment du témoignage attendu de Michel Slitinsky, celui grâce à qui le procès a pu avoir lieu. Il se bat depuis 1947 pour écrire la mémoire de la Shoah à Bordeaux, celui qui connaîty le mieux le dossier. C'est un résistant authentique, engagé dans la lutte armée à 17 ans. Michel qui n'a eu de cesse depuis la libération de chercher et de trouver les auteurs et les responsables de la déportation de son père. Et comme le dit la défense, le premier et le principal accusateur de Papon.

Le président Castagnède " Vous êtes partie civile dans ce dossier pour Abraham Slitinsky, l'accusé est poursuivi de complicité de séquestration, de complicité d'arrestation et de complicité d'assassinat. Pour Alice Slitinsky, l'accusé est poursuivi de complicité de séquestration, de complicité d'arrestation. Pour vous-même enfin, l'accusé est poursuivi de complicité de tentative d'arrestation puisque vous vous êtes échappé par votre action. Monsieur, je vous écoute. »


Michel Slitinsky « A l'heure où nous sommes, et pour faire économie de notre temps, je parlerai directement de la rafle d'octobre 1942, puisque je suis un garçon en sursis depuis ce 19 octobre. Mais je suis aussi un témoin direct des faits. Nous sommes chez nous, nous habitons 3 rue de la Chartreuse, notre foyer compte quatre personnes, Abraham, mon père 62 ans, [ né le 04 mars 1880 à Elisabethgrad en Russie, convoi de Mérignac à Drancy le 26 octobre 1942, déporté à Auschwitz le 06 novembre 1942 ] Esther ma mère, 58 ans, ma soeur Alice 23 ans, et moi 17 ans. Je viens de quitter la scolarité depuis peu et à cause du problème que pose le statut des juifs. Les petits métiers sont interdits aux juifs et mon père ferme son magasin le 5 janvier 1941. Je suis obligé de travailler, en tant qu'ancien nageur des girondins et grâce à monsieur Paduch, qui est capitaine des pompiers, il a camouflé le fait que j'étais israélite et me fait entrer dans ses bureaux. Le capitaine Paduch m'assiste au stade des chartrons, il était avec l'équipe des Girondins qui gagne la coupe de France en 1941. On travaille dans ses bureaux à l'ébauche d'une résistance et d'un plan qui permettent aux bateaux dans les bombardements de conserver leur gîte et de ne pas chavirer pendant que les lances des pompier sont en action.


La nuit du 19 octobre, on vient frapper à notre porte, mon père me dit « on est pris comme des rats », il faut dire monsieur le président, que nous ne sommes pas au courant des rafles de juillet. La stratégie de la préfecture à cet égard est claire, ils procèdent aux rafles la nuit pendant le couvre feu qui interdit aux gens de sortir de chez eux. Les rafles se passent toujours de la même manière, elles ont lieu quand les volets sont fermés et ainsi elles passent inaperçues. Mon père descend, il y a deux policiers, on nous demande de faire nos valises, je descends avec ma soeur, elle me pousse et essaie de négocier avec les policiers, mais c'est en vain, elle n'y arrive pas. A partir de ce moment, je suis dressé sur trois marches d'escalier, il faut dire que notre maison est sur notre magasin, et il y a un escalier qui conduit vers les soupentes, et je me dresse là, je dis cela comme une anecdote et contrairement à ce qu'affirme l'accusé, je me précipite avec un fer à repasser vers les deux policiers, je les frappe et les bouscule et arrache les plombs du compteur. Les policiers vont au fourgon dans la rue prendre une lampe, je dis à ma soeur d'aller se cacher au grenier et ma mère me dit de me cacher dans un petit placard. Ma soeur est prise, elle est en pyjama. Pendant qu'ils l'emmènent au fourgon, je suis resserré comme un crapaud, il me vient à l'idée, l'imagination vient vite quand on est acculé. Je pense me cacher entre le rideau et la fenêtre. Mais ma mère me dit non, ce n'est pas une bonne idée. Alors je monte au grenier et je me cache près du vasistas dans la cheminée. Oh non, ce n'est pas de l'héroïsme, c'est juste pour sauver ma peau. Ils interrogent ma soeur, qui leur dit que je suis passé par là et ils croient que je suis sur les toits. Plus tard, avant que le fourgon ne parte, j'attends deux heures, il est 4 heures du matin, . Quand le fourgon part, je viens voir ma mère, puis complètement affolé, je prends ma bicyclette et vais voir monsieur Gonzales. Affolé, je lui dis, voilà on vient d'arrêter ma famille. Alors, il prend lui aussi sa bicyclette et part voir un de ses amis qui connaît une personne qui travaille à la police. Il va à la permanence, au fort du Hâ, mais là on lui dit, que les personnes arrêtées sont internées au camp de Mérignac. Il se rend là-bas, et rencontre un boulanger qui accepte de faire passer les messages. Il obtient de lui la possibilité de communiquer deux fois par semaine. Je veux rappeler que nous en pleine guerre, les conditions sont difficiles, mais on trouve des gens qui nous secourent.


Je reste huit jours chez Gonzales, mais il y a une petite cour intérieure et pour aller aux toilettes, il faut la traverser et les voisins sont curieux et ils guettent, aussi au bout d'une semaine, je vais chez Isard-Beauhard qui possèdent un atelier de mécanographie, là a été imprimé le première tract antinazi. Il y règne un esprit de résistance, on y écoute la radio anglaise. Déjà dans mon école, il existait cet esprit de résistance, les maîtres refusaient de chanter « Maréchal, nous voilà », on parlait de la BBC, c'était une école du courage, ma famille vient d'Ukraine, elle a fuit les pogroms tsaristes, mon père travaille ouvrier dans une usine de guerre et ma mère travaille aux nouvelles galeries. Je suis resté un mois chez ces gens. Un camarade d'école, Jacopi, me dit un jour, je connais quelqu'un en Charente Maritime qui a une ferme, rien ne me faisait peur, on prônait le retour à la terre. J'y vais , je rejoins cette ferme, quelques mois On vivait dans des conditions difficiles, ils ne parlaient pas français mais un patois, je ne disais pas qui j'étais ni ce que j'avais subi. Je disais que j'étais étudiant et que je mettais en pratique le retour à la terre. J'ai reçu une pièce d'identité, grâce à une idée, j'avais une pièce d'état civil, cela m'a permis de dire que j'avais perdu ma carte d'identité dans les vignes. Oui, on travaillait dans les vignes. Je me suis rendu à la mairie de Jonzac, on me donne un formulaire, je le remplis et le remet avec cette fiche d'état civil et un mois après, j'avais ma carte d'identité. Je m'appelais Jeanjean. Mais je voulais me battre, c'était mon souci. J'ai trouvé une filière qui me conduisait à Rochefort auprès de mariniers qui devaient me conduire à Londres. A l'époque, on était chétif et j'avais 17 ans, mais j'en paraissais 15. Le monsieur m'a dit, on ne prend pas les enfants, reviens dans deux ans. Quelques mois, après, je retourne à Bordeaux et je suis reçu par la famille Brunet, des gens très courtois, très agréables, patriotes et gaullistes. Le père Brunet m'a testé, il m'a dit « voilà mon gars, il est difficile de rentrer dans la résistance » et un jour, il me dit « C'est d'accord, tu pars dans 15 jours avec mon fils Claude » Son fils, Daniel était chef d'un maquis dans le Puy de Dôme. Ce fut une première expérience difficile, à l'époque, il fallait passer la ligne de démarcation, les Feld gendarmes montaient à Montpon, nous sommes arrivés sans ennuis, et là nous sommes repartis à cheval, sur la route de St Amand Moron. Non, pas là, ça c'est le domicile de Papon, je m'excuse, ce hiatus me fait rire. C'était à Saint Germain l'Embron, J'ai vécu au maquis avec des jeunes gens, mais j'étais le plus jeune. Il y avait beaucoup de réfractaires du STO. Notre maquis était alimenté par le réseau Gallia, et la plupart étaient originaires de Bordeaux et des Charentes Maritimes. On menait une vie collective, on était nombreux, et ce qui m'a plu, c'était les soirées pendant lesquelles on débattait de ce qui se passerait après guerre, des principes démocratiques, de comment permettre à la société d'être à l'abri de nouveaux risques, c'est là que nous avons pris conscience de nos responsabilités. Ans le Cantal, je participe à des opérations de sabotage, de récupération d'armes. Nous étions très cloisonnés, c'était très strict entre les civils et nous. Les opérations de récupération de parachutage se faisaient par les civils paysans avec des attelages à chevaux. C'était en septembre 1943. En mars 1944, nous avons reçu l'ordre de nous rassembler dans le Cantal, c'était un rassemblement très important car il fallait arrêter les troupes allemandes qui remontaient du Sud vers la Normandie. Nos chefs étaient tenus au courant de la stratégie depuis Londres. Je me suis retrouvé à Deux Verges, comme j'étais le plus ancien dans la clandestinité je suis devenu adjoint d'un colonel. Vous vous rendez compte, je n'avais que 18 ans et demi. J'étais chargé du ravitaillement, c'est à dire que je devais trouver de quoi nourrir 4 à 5 cent bonhommes. Puis plus tard 1500. La région était très accidentée, les combats furent importants, il y a eu beaucoup de morts, sur 2500 engagés dans les combats nous avons perdu 250 jeunes. Nous avons rejoint La Truyère, et là, nous avons été attaqués par les allemands et nous avons subi de lourdes pertes. J'ai eu de la chance, je n'ai pas eu de blessures, nous menions un vrai combat de guérilla. Puis j'ai fait la campagne de France, j'ai participé à la libération de Saint Flour, de Clermont Ferrand, on est allé ensuite à Dijon. Je n'avais qu'un short et une paire de sandales. Les conditions étaient très difficiles quand on est arrivé en Alsace, les combats étaient durs, très durs. Il y avait un front établi, je faisais parti du 4° régiment des tirailleurs marocains. J'ai été blessé aux mines de potasse, c'était une blessure superficielle, j'ai continué et j'ai libéré Mulhouse et Colmar. Je venais de fêter mes vingt ans. J'ai eu une pneumonie et j'ai été évacué et soigné dans un hôpital. Je suis retourné à Bordeaux, j'ai retrouvé ma soeur et ma mère. Ma soeur était secrétaire dans une banque et elle a été nommée directrice d'une agence. Ma soeur m'a expliqué qu'elle avait rencontré devant le Régent, place Gambetta les deux policiers qui étaient venus nous arrêter. Elle avait fait son enquête et nous avons porté plainte auprès du commissaire Chatelier. Le commissaire Chatelier qui se disait résistant à étouffé l'affaire. J'ai rejoins mon corps dans la forêt noire et j'ai retrouvé mes amis, j'ai été gérant d'un foyer militaire. On avait peur qu'un réseau nazi ne se reconstitue dans la forêt noire, il apparaissait que toutes les troupes d'élite des SS, des nazis, de la milice, de la Sipo étaient cachées dans la forêt noire. Mais, on ne savait pas où ? Et on ne parlait pas allemand. Il y a eu un reportage qui a été diffusé, il nous mettait en garde contre la résurgence du nazisme, on projetait des films sur les camps de concentration et on obligeait les populations à venir les regarder et on observait les réactions des gens. On a alors, sollicité les quelques juifs du maquis et on nous a chargé d'une mission de dénazification. Il y avait avec nous deux alsaciens qui parlaient allemand. Je le comprenais parce que je connaissais le Yiddish, mais je ne le lisais pas. Un jour, on arrête un homme qui avait un sac d'armes, on retrouve dans sa ferme un important stock de munitions et d'archives, Je vais vous surprendre peut-être, parce que Papon a toujours dit que c'était faux mais c'étaient des archives de la Kommandantur de Bordeaux. Un des alsaciens m'a dit que c'était des archives qui venaient de Bordeaux. Je lui ai dit « Je reviendrai te voir, gardes les, je reviendrai te voir et je les prendrai plus tard après la guerre. » On a laissé deux hommes, mais après, ils ont été dessaisis par les services armés.


Onze après, je suis revenu voir des amis, c'était comme un pèlerinage avec les amis, j'ai pris ces documents, les ai mis dans la voiture et quand je suis rentré chez moi, j'ai regardé ces documents de plus près. Ils désignaient les échanges entre la préfecture et la Feld Kommandantur, ils concernaient des réquisitions d'immeuble, de personnel, un seul de ces documents était signé Papon pour le préfet le secrétaire général, je n'ai apprécié cette signature que beaucoup plus tard. Il était en français et désignait sept ouvriers de la Régie du Gaz pour le STO. Bien sûr, j'ai travaillé dans différentes institutions et j'ai fréquenté aux archives municipales, Jean Cavignac. Je me suis intéressé dès 1972 à leurs archives. A force, Jean Cavignac est devenu mon ami et un jour, il m'a proposé des documents dont je vais parler 15 ans après. A l'issue de la guerre, j'ai porté plainte, mais à l'époque, je n'avais pas d'avocats, nous étions un peu naïfs, nous n'avons jamais été informé de la suite donnée. Quand j'allais demander des nouvelles, on me refoulait et on me disait « on ne retrouve pas votre dossier », j'ai bien compris qu'il y avait quelque chose de curieux derrière tout ça. Il y avait quelque chose de gênant et ce qui est sûr, c'est qu'ils avaient une mauvaise gestion du dossier. En 1966, un de mes amis, Lucien Steinberg a reçu une autorisation de Michel Debré pour faire des recherches et il m'a associé. Je gardais les articles des grands procès des collabos, j'avais des relations avec l'université. En 1966, c'était le temps des premières machines à photocopier, j'ai pu photocopier tous les documents des affaires Dehan, KDS et de mon affaire. Mais pour le dossier de ma plainte, on n'a trouvé que trois documents, ils n'apportaient pas grand chose, si ce n'est que Duchon et Fredou concordaient dans leurs déclarations pour dire qu'il fallait rechercher le donneur d'ordre du côté de la préfecture et du service des questions juives. Je suis longtemps resté, je l'avoue, incertain sur le résultat de mes recherches que j'ai pu boucler en 1982 avec l'ouverture de l'instruction du procès. Le juge Nicod a eu accès aux pièces des archives. A l'issue de l'instruction après ma plainte, on a évoqué le fait que la commission rogatoire avait été écartée. Pourquoi l'a-t-on écartée ? Elle mettait en cause le pouvoir préfectoral, j'ai compris que les autorités militaires ne voulaient pas mettre en cause Sabatier qui était le numéro 2 de l'armée. On ne met pas en cause son patron. Ce non lieu a permis d'empêcher de compromettre Sabatier. Quand l'ordonnance d'épuration est publiée sous la main de René Cassin, il était bien question d'éloigner les anciens fonctionnaires compromis dans l'arrestation des juifs et des résistants. Cusin, après la guerre s'est conduit de façon cavalière, Papon a été son adjoint, Chapel préfet des Landes, Garat que l'accusé accable, sous préfet de Blaye après avoir été directeur de cabinet de Gazagne. Si on regarde la police, il y a eu aussi les mêmes promotions importantes, Bonhomme devient commissaire principal à Bordeaux et à Nantes. Techoueyres pareil, Cusin nomme Abel Bonnard, qui était secrétaire de cabinet de l'éducation de l'éducation sous Vichy, avec comme adjoint, Monsieur Georges qui est un truand. Tout cela pour montrer que l'épuration n'a pas eu lieu à Bordeaux. Malgré Tixier. C'est malsain. Cusin sait en 1945, qu'il va être interrogé par Tixier sur la présence de hauts fonctionnaires avec des titres de résistance douteux. Mais Cusin prend les devants, et demande de garder les fonctionnaires en place. Tixier dit « Non, on doit écarter tous les fonctionnaires de Vichy » mais Cusin passe outre.

En 1966, toujours sous le coup de ces recherches, je vois Delaunay qui est préfet de la Gironde, la loi dit que les archives ne sont accessibles qu'après 50 ans mais il m'accorde une autorisation, je me rends aux archives, mais l'autorisation n'a duré que 9 minutes. On m'a dit « l'autorisation est différée, voyez Delaunay et vous repasserez ». Je vois Delaunay, il me dit « patientez, il vous reste le recours des témoins individuels ». J'ai été voir monsieur Chanson, directeur des archives, il me reçoit et me dit « vous comprenez les archives sont explosives pour les fonctionnaires et leur famille ». Je lui dis que je comprends, mais qu'il me donne quelqu'un qui me contrôle, je ne cherchais que des informations sur les fusillés de Bordeaux. Mais à Bordeaux, il y a des tabous, on nous empêche, je termine un livre, j'ai deux métiers, et je dois recommencer tout à zéro, je rentre de la guerre avec une paire de sandales et un pantalon, mais quand on est jeune, on reprend le travail, et quand on a pas de diplômes, on a pas accès aux postes. Je passe un concours d'inspecteur du travail et je suis reçu premier. Je m'occupe de l'industrie du bâtiment. Je suis resté pendant trois ou quatre ans dans cette institution mais je ne pouvais pas rester sédentaire. J'ai fait du journalisme puis j'ai été commercial et cadre dans une entreprise de transport. Mon patron avait le certificat d'études et il était plus souvent sous les camions que dans les bureaux. Nous avons pourtant été une des entreprises les plus performantes de la région. Ma deuxième casquette, ce sont les livres, mon premier livre s'est vendu à 5 000 exemplaires. Il s'est vendu comme des petits pains. Je commence mon second livre quand je rencontre un ancien fonctionnaire de la préfecture. Il connaissait un rescapé juif et il me donne accès aux archives. J'étais un jeune péquin, c'était mal vu qu'un jeune parle du génocide de Bordeaux. J'ai travaillé pendant quinze jours, le nom qui apparaissait était celui de Garat. Celui de Papon n'apparaît pas, il y avait dissimulation, mais quand on s'obstine, on obtient des résultats. L'ami m'amène dans un autre centre d'archives, et là je fouille des documents intéressants, mais je ne continue pas, je n'avais pas assez de loisirs. En 1979, Cavignac me contacte et me dit « j'ai trouvé des documents qui concernent 1940 - 1944 et les familles israélites, mais je ne peux le faire classer avec le personnel des archives. ». Mon père avait créé un centre de secours et de fraternité israélite et aussi je connaissais beaucoup de noms. Je me suis dis, il y a pour huit jours de travail, j'ai mis trois mois à reconstituer les dossiers familiaux. Je pense être le seul en France à avoir fait ça, les dossiers comprennent les fiches individuelles et familiales, les échanges de correspondance. Ils m'ont beaucoup instruit sur le fonctionnement du service des questions juives à Bordeaux parce qu'il y avait beaucoup d'affaires contentieuses. J'ai pu ainsi reconstituer les généalogies familiales. J'ai pu découvrir qu'à Bordeaux, il y avait 340 foyers avec un mariage mixte, où il apparaît très nettement que la femme est catholique et que les conjoints auraient du être radiés. J'ai eu ainsi le décor entièrement reconstitué de la vie à Bordeaux. Il y avait les demandes de radiations et les premières démarches faites le 7 juin 1942 pour le port de l'étoile jaune. Il y a eu un bouillonnement, on a été surpris, on ne s'y attendait pas. Quand on a remis l'étoile, les trois, contre des bons de textile, dans certains endroits, on faisait même payer les gens. J'avais la nausée. J'y ai consacré beaucoup de temps, et mes collaborateurs me téléphonaient là-bas pour le travail. J'ai reconstitué tous les dossiers, la SEC a proposé 187 radiations au service des questions juives et la préfecture en a accepté 110 seulement. Je dis cela parce qu'on est toujours à la veille de connaître les sauvetages et les radiations de Papon. Je peux vous remettre ce dossier si vous le voulez, il contient des éléments importants qui peuvent permettre de faire avancer les choses. En 1979, je reconstitue le puzzle, il y a les Benzazon, les Haddad, les Benifla, tous mes voisins. Je leur ai dit que je reconstituais les bases des dossiers familiaux. J'ai pu ainsi fournir les bases d'un dépôt de plainte à tous ces gens qui ont connu un chemin de croix. J'ai continué, ainsi à reconstituer la mémoire juive de Bordeaux sous l'occupation mais il fallait aller plus loin. Fin 1980, j'ai découvert l'organigramme de la préfecture et cela m'a permis de voir le responsabilité de Papon, j'ai vu que ce n'était pas l'intendance régionale de police qui avait la responsabilité comme le prétend l'accusé. J'ai été résistant et quand on est résistant, on a qu'un seul but : se battre contre l'ennemi. Quand on est résistant, on ne peut avoir deux objectifs, se battre d'un côté et de l'autre servir le service des questions juives. On ne se compromet pas quand on est résistant, on combat. Varaut a dit « on peut être à la fois collabo et résistant ou résistant et collabo », mais quand on est juif, on a pas le choix. On ne peut que se battre. Dans le cadre de la rafle dont nous parlons, il y a un élément qui vient noircir les dires de Papon, je voudrais poser une question à l'accusé. La veille de la rafle, il y a une lettre de la préfecture qui demande à l'hôpital Saint André de livrer 6 grands malades et la lettre demande « Est-ce que les malades sont transportables ? ». Après la réponse, on retire 5 grands malades, à l'exclusion de Cyrulnik, dont deux grands cardiaques sous régime respiratoire. Cela doit rappeler des choses à l'accusé quand il a été à Haut Léveque ? Quelle a été l'intention de l'accusé quand il choisit ces grands malades que les allemands ne désignaient pas ? Pourquoi ? »


Le président Castagnède " Vous faites allusion à un document du dossier dont on a pas parlé, quelle est la côte ? »


Michel Slitinsky s'approche de l'huissier et lui donne le document « Vous permettez »,


Le président Castagnède « Faites »


Michel Slitinsky « Je voulais lier cette question à une deuxième question. » Le président Castagnède lui demande de poser sa question maintenant; Michel voulait attendre la réponse de Papon. « Les allemands ne voulaient pas qu'on prenne les grands malades. Un document signé Garat, un compte rendu d'entretien téléphonique à Doberschultz, dit que les allemands demandent de ne pas interner 15 grands malades. Je ne comprends pas comment le service des questions juives se saisit de 5 grands malades alors que Garat téléphone à Doberschultz qui lui donne des instructions contraires ? »


Le président Castagnède lit les lettres, « Je connais ce document, mais l'autre, je le reconnais, il m'a complètement échappé. »


Maître Vuillemin vient au secours de Michel et cite la côte.

Le président Castagnède « C'est un document que je n'ai pas examiné. » Il le commente à l'écran. « Vous vous interrogiez si le chef de cabinet... »


Michel Slitinsky « Si, le document porte en en tête « questions juives », on voit la griffe de Garat, c'est donc bien du service des questions juives qu'il vient. »


Le président Castagnède " Je le découvre, il a échappé totalement à mon attention, je n'ai pas fait le choix de ne pas l'étudier lors de l'instruction, il m'a totalement échappé. »


Michel Slitinsky « Je veux parler des enfants de juillet 1942 et des procédures engagées par les familles juives pendant l'occupation. Mais on pourra en reparler demain si vous le souhaitez. »


Le président Castagnède " Je vais suspendre l'audience » L'écran s'éteint, le public se lève.


Le président Castagnède " J'ai l'impression qu'on se croit au cinéma, ce n'est pas parce que l'écran s'éteint que c'est terminé. Pour vos questions à l'accusé, il faut les poser toutes, l'effet de surprise est incompatible avec la justice. Il convient que je surveille qu'il n'y ait pas d'effet de surprise. S'il le faut on en reparlera, on y reviendra. Je lève l'audience. »

 


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Page mise à jour le 14 octobre, 2002

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