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date dernière modification : 22/07/02

Chronique du lundi 20 octobre 1997

NUMÉROS D'ÉQUILIBRISTES

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Les numéros d'équilibristes sont ceux de nos témoins du jour... Aujourd'hui, l'audience reprend avec 4 témoins. Dans nos rangs, commence à s'élever un vent de lassitude, mais il faut le dire, la plupart d'entre nous ont un âge élevé. Heureusement les 80 témoins initiaux cités par la défense sont passés à une trentaine. Et il faut bien l'avouer, on assiste au même rituel, les témoins de moralité de Papon ne sont guère à la hauteur de leur tâche, imprécis, n'ayant connu Papon qu'à une date postérieure aux faits reprochés, ils témoignent de sa résistance mais à travers des on dit ou ils pensent que Papon n'auraient pas du démissionner. Soit encore Papon ne connaissait rien de la solution finale, soit encore il ne pouvait pas faire autrement. Après leur déposition, le ministère public puis nos avocats s'attachent à démonter leur témoignage, souvent avec un certain succès, quand d'eux-mêmes ils n'enfoncent pas Papon. Puis maître Varaut intervient, très légèrement, suivi de Papon avare de paroles, suivi de la maintenant traditionnelle remarque ou question complémentaire de Maître Klarsfeld souvent pertinente qui se fait réprimander par le président Castagnède. C'est maintenant devenu un rituel. Et l'audience d'aujourd'hui n'y a pas coupé.


Le premier témoin est Jean Bozi, 77 ans, ancien député de la Corse, ancien préfet honoraire. Son discours est assez lénifiant, entrant dans une multitude de détails inutiles, on a presque eu droit aux menus, et ne serait-ce le lieu cela en aurait été comique. Le président Castagnède a même été obligé de le couper pour qu'il en vienne aux faits. Sa déclaration se résume à " Avant de déposer, je voudrais dire aux familles des victimes ma très profonde compassion - J'ai rencontré deux fois Papon, 1 fois en Corse, j'ai vu 2 personnalités connues, Arthur Giovani député communiste et Paul Jacobi, anciens résistants qui tenaient Papon en très haute estime - En Alsace, j'ai vécu l'épilogue judiciaire d'Oradour sur Glane, et j'ai vu combien la population pouvait être solidaire avec des hommes qui avaient été forcés à accomplir des actes inhumains - Sous préfet de Vichy, j'ai connu le drame des populations françaises d'Egypte et j'ai connu les tribulations du peuple juif de France. " (Ma mère à mes côtés me demande :"il est témoin de qui, de quoi ?" Dans ma perplexité, je lui souffle : "de Jéhovah", peut-être).Le président Castagnède l'interrompt alors et lui demande de recentrer son propos. " J'ai retrouvé Papon et je l'ai rencontré fréquemment pendant 4 ans de 1962 à 1966, j'étais chef de cabinet de Roger Frey, qui m'a dit tout le bien qu'il pensait de Papon. J'ai apprécié le libéralisme profond de Papon, il se heurte aujourd'hui à un lynchage médiatique " ...Devant la protestation de la salle, le président Castagnède intervient et rétablit le calme. Puis le témoin évoque le rôle de Papon dans l'aide qu'il a apporté à la communauté israélite pour une sombre affaire de sacrificateurs officiels ou officieux. Puis termine par une émouvante " demande de pardon des deux côtés qu'elle que soit l'issue du procès ".Un juré pose une question, " Quand avez-vous été sous-préfet de Vichy ? "Jean Bozi " Non pas de Vichy, mais à Vichy "Le procureur général Desclaux " Nous ne sommes pas ici, pour donner un pardon, mais pour juger les faits. 20 ans après, le témoin a-t-il évoqué avec Papon son rôle à Bordeaux de 1942 à 1944 ? "Jean Bozi " Quand j'étais chargé de la sécurité de De Gaulle, celui-ci avait une grande estime pour Papon. "Le procureur général Desclaux " Répondez à la question, Papon vous a t-il parlé de son rôle ? "Jean Bozi " Non, jamais "Maître Klarsfeld " Vous aviez 25 ans pendant l'occupation, quelle était votre position sur les sévices qui ont été commis ? "Jean Bozi " Merci de me poser la question, quand j'étais étudiant, et que j'ai vu l'étoile jaune, j 'étais bouleversé "Maître Klarsfeld " Quelle a été votre position sur le rôle qu'a joué l'administration ? "Jean Bozi " Scandaleuse "Maître Lorach " Mais beaucoup d'entre eux ont fait ce que leur devoir leur commandait "Jean Bozi " Papon n'avait pas conscience du sort atroce réservé aux juifs quand il signait, j'en ai la conviction absolue "Maître Lorach " Qu'entendez-vous par remplir son devoir ? "Jean Bozi " Je prends l'exemple du Super NAP, cela n'aurait pas été possible si aucun fonctionnaire n'avait fait son devoir ".Maître Lorach " En quoi Papon a fait son devoir ? "Jean Bozi " Papon obéissait à un état légal. Un fonctionnaire doit soit démissionner soit rester, si tous avaient démissionné, la milice aurait fait le sale boulot. "Maître Klarsfeld " D'après vous la politique nazie était-elle humaine ou inhumaine ? "Jean Bozi " Inhumaine et scandaleuse "Maître Klarsfeld " Pourquoi les nazis voulaient prendre les juifs pour les emmener vers l'Europe de l'Est ? " Jean Bozi " Cela correspondait aux désirs salauds et déments d'Hitler " Maître Klarsfeld "Pourquoi les nazis tenaient-ils tant aux juifs en 1942 ? "Jean Bozi " Pour les exterminer "Le président Castagnède reformule la question et se fâche contre Maître KlarsfeldJean Bozi " Non, je n'ai connu la solution finale qu'en 1944 "Le président Castagnède " Si vous ne saviez pas en 1942, que pensiez-vous du sort qui leur était réservé ? "Jean Bozi " Je l'ai condamné de la façon la plus nette "Le président Castagnède " Je reprends la question, qu'est-ce que le jeune homme de 1942 pensait du sort réservé aux juifs ? "Jean Bozi " Je ne me posais pas la question "Maître Klarsfeld " Etes-vous au courant des notes d'informations mensuelles diffusées dans l'administration ? "Jean Bozi " Oui, j'en ai rédigé moi-même "Maître Klarsfeld " Avez-vous eu connaissance de cette note du préfet de Corse en 1942 Les échos des mesures prises contre les juifs soulèvent l'opinion, la population ne comprend pas qu'on livre les juifs à l'Allemagne ? "Jean Bozi " Non "Maître Levy " Vous avez dit Papon n'avait pas conscience de ce qu'il signait, quelle est votre opinion de Papon lorsqu'il signait les ordres d'arrêter et d'amener des vieillards et des grabataires hors des hospices "Jean Bozi " Je ne savais pas "Maître Levy " Si vous ignoriez comment pouvez-vous dire que Papon n'avait pas conscience de ce qu'il signait. Ou bien, vous saviez ou bien vous ne saviez pas "Jean Bozi ne répond pas vraiment.Maître Levy " Avez vous eu connaissance de la sentence du Jury d'honneur disant que Papon aurait du démissionner dès 1942 ? "Jean Bozi " Oui " Le président Castagnède " Considérez-vous que vous êtes en désaccord avec ses conclusions ? "Jean Bozi " J'ai tendance à penser que Papon ne savait pas le sort atroce réservé aux juifs "Maître Jacob, pour la ligue des droits de l'Homme surenchérit " Maintenant que vous savez la sentence du Jury d'honneur. Pensez-vous que Papon aurait du démissionner du fait qu'il a organisé des wagons de juifs pour Drancy ? Je demande une réponse par oui ou par non ".S'ensuit une vive altercation entre Maître Varaut et Maître Jacob.Le président Castagnède calme le jeu et Jean Bozi répond " En conscience, depuis que je sais ...je fais des réponses en fonction de mes états d'âme, un jour je dis "j'aurais démissionné", un jour je dis "je serais resté". "Maître Boulanger poursuit " Vous avez parlé dans votre déposition de sort atroce, qu'entendez-vous par sort atroce ? "Jean Bozi " La déportation "Maître Boulanger " Qu'est-ce qui fonde votre position aujourd'hui ? "Jean Bozi " Ma connaissance des faits, le travail des historiens "Maître Boulanger s'étonne de sa non connaissance des faits en 1942 et cite une note du 21 août 1942 signée de Garat à son retour de Drancy et adressée à PaponJean Bozi " Par contre, les enfants dont les parents ont été déportés le 18 juillet dernier devront partir pour Drancy d'où ils rejoindront prochainement leurs parents. J'ai essayé de savoir si ce convoi est le prélude d'une déportation. L'officier m'a répondu d'une manière évasive. En fait j'ai acquis la certitude par l'allure générale de la discussion que le séjour à Drancy sera de courte durée et que les intéressés seront déportés. "Puis, Maître Boulanger continue " Le mot déportation est utilisé à trois reprises, avez-vous toujours la conviction que Papon n'avait pas connaissance du sort atroce réservé aux juifs ? "Jean Bozi " Non, je ne suis pas encore convaincu " etc.. etc...

Quand Papon intervient en dernier, il déclare " Je ne peux pas laisser dire que le service des questions juives a signé des arrestations ou que moi-même j'ai envoyé des juifs au camp de Drancy. Je veux qu'on me produise la pièce où j'ai signé des arrestations. "


Le second témoin Michel Didier, 56 ans, professeur honoraire des Arts et Métiers à connu Papon en 1978. N'a que des éloges à son égard.Le président Castagnède " Quand vous avez appris les graves accusations portées contre Papon, quelle a été votre réaction ? "Michel Didier " Etonnement et stupeur "L'avocat général Robert " Avez-vous connaissance des attributions de Papon pendant la guerre à Bordeaux ? "Michel Didier " Absolument aucune information ".Puis Maître Touzet l'interroge sur l'UNIDEC, fondée par Papon, en fait-il partie et connaît-il un certain Pawlewski ?Michel Didier " Oui, je connais UNIDEC, j'en fais partie et Pawlewski a publié chez ECONOMICA. (La maison d'édition, ECONOMICA est un élément dont on reparlera plus tard.)


Le troisième témoin est Jacques Genton, Sénateur. Il a lui aussi une très bonne image de Papon qui était très bien accueilli partout où il allait. Il a connu Bourgès Monaury qui lui a dit Papon était résistant, il en témoigne. Il pense que Papon a bien fait de rester en poste. Cite en s'emmêlant quelques peu les pattes sur le cas de Saint Amand, où les allemands ont tués 30 familles juives en représailles à une action de la résistance, voulant montrer par là que si le sous préfet n'avait pas abandonné son poste, il aurait pu sauver les 30 familles juives. Démonstration douteuse qui laisse un mauvais goût, surtout quand pressé par les avocats, il déclare que c'est finalement la faute de la Résistance (non selon ses propres termes pas la résistance mais un maquis) si les 30 familles juives ont été exterminées dans le puits du Guery.Finalement, Maître Zaoui lui explique que le cas a déjà été jugé dans le procès Touvier, que les comptes rendus d'audience contredisent sa version.Et finalement Maître Klarsfeld lui apprend que la milice locale n'était composée que d'un seul milicien.Jacques Genton répond alors " Ca ne change pas grand chose à mon problème "et Maître Klarsfeld lui rétorque " A vous non, mais pour la mémoire des victimes cela change beaucoup de choses. "Enfin, Maître Touzet ne comprend pas son témoignage sur Bourgès Monoury " Quand après les révélations du Canard Enchaîné, vous dites que Bourgès Monoury vous répond qu'il n'aurait pas gardé un tel homme si les accusations étaient vraies, je ne comprends pas qu'il ne vous pas parlé plutôt ou aussi de ses actes de résistance ? "

Un incident intervient entre Maître Varaut et Maître Boulanger quand le premier déclare que Jean Moulin n'a pas démissionné mais a été révoqué en 1942 et qu'il a appliqué toutes les lois d'exclusion.Maître Boulanger répond " C'est inadmissible, Jean Moulin est révoqué le 18 Octobre les lois datent du 3 Octobre IL S'EST TRANCHÉ LA GORGE, LUI. IL N'A FAIT DÉPORTÉ PERSONNE LUI. "
Et à ma grande surprise, le président Castagnède rajoute CE N'EST PAS LE LIEU DE PORTER DES ACCUSATIONS CONTRE JEAN MOULIN, ET SI CELA DEVAIT ETRE LE CAS, JE NE LE LAISSERAI PAS FAIRE.


Le quatrième témoin, Lai Kamara, 51 ans n'apportera rien, trop jeune pour avoir connu la guerre, il soulèvera quelques éclats de rire quand il évoquera le GRAND HUMANISME de Maurice Papon, avec preuves à l'appui des voyages humanitaires de Papon en Argentine. Bizarrement le témoin oublie d'évoquer une certaine poignée de mains entre Pinochet et Papon dans un pays voisin.


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Page mise à jour le 14 octobre, 2002

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