date dernière modification : 22/07/02 Analyse
de la deuxième semaine d'audience J'ai choisi cette semaine de m'interroger sur cette notion de pardon introduite jeudi 17 par un témoin, mais sous-jacente depuis longtemps dans ce procès pour crimes contre l'humanité. Si cette contribution soulève vos réactions, merci de participer à cette réflexion. " Le pardon est-il possible sans la reconnaissance des faits ? " Cette question fondamentale posée par Maître Zaoui au Révérend Père Lelong, venu absoudre Papon de ses péchés, venu supplier le jury de donner son pardon à Papon, résume bien le fond de la question. D'ailleurs, le Père rédempteur l'a bien reconnu lui-même en donnant raison à Maître Zaoui. En écho, on peut opposer deux réactions. D'abord celle de la honte à travers Maître Varaut qui demande à la cour de faire acte de repentance (c'est selon ses propres termes à la mode) envers son client Papon. La réponse du président Castagnède, indirecte puisque dans un autre contexte, est suffisante : " Maître Klarsfeld, il ne m'échappe pas qu'ici se trouvent les victimes de l'ignominie. Qu'ici, le cri de douleur l'emporte sur la douleur. " La deuxième réaction vient de Simone Weill qui se disait prête à pardonner aux bourreaux nazis, mais posait fort justement la question corollaire : " Qui demande pardon ? ". A défaut d'excuses, de remords, il nous faut des explications, la connaissance (et la reconnaissance) des faits. Reconnaître les faits, c'est faire acte de justice. Et pour nous, faire acte de justice, c'est enterrer nos morts. Maître Levy résumait magnifiquement cette idée " NOUS, LES PARTIES CIVILES, REPRESENTONS 1560 PERSONNES, DES ENFANTS DES VIEILLARDS QUI ONT POUR SEULE SEPULTURE CETTE COUR D'ASSISES ". Nous avons un besoin fondamental de faire le deuil de nos morts. C'est ce que ne comprennent pas ceux qui disent " Pourquoi si tard - Pourquoi 50 ans après ". Nous sommes hantés par les fantômes de nos morts. Nous aussi, nous aspirons au repos. Nous ne voulons plus comme, Eliane, par exemple, chaque fois qu'on sonne à notre porte, croire d'un désespoir fou, que ce sont nos parents qui rentrent des camps de la mort. Ce travail, Serge Klarsfeld l'a commencé avec son mémorial. Dire les noms, les poser sur une page, les voir dans une liste de victimes, c'est déjà les enterrer un peu. C'est aussi ce que j'attends de la justice, terminer le travail de Klarsfeld et comme dans son mémorial, je veux les faits, rien que les faits, sans effet de manche, sans fioritures. Les faits comme en octobre 1961 se suffisent à eux-mêmes. En opposé de la justice qui est forcement collective, je vois la conscience qui est forcément individuelle. Je suis de ceux pour qui la conscience individuelle et les devoirs qu'elle impose l'emportent sur la justice et l'obéissance imbécile à la loi. Etre soi-même, penser par soi-même plutôt que comme Papon, pleurer des larmes de crocodile un certain Noël 1943 et obéir aux ordres iniques sans conscience. Le pardon lui aussi a deux faces - une face collective, la repentance et une face individuelle. Alors, en absence de remords et
d'excuses, pardonner pour cacher les faits à la manière de Maître
Varaut ou d'Amouroux ? NON. © Copyright 1997, J.M. Matisson
|
||
© Affaire Papon - JM Matisson |