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date dernière modification : 17/10/02

Chronique du 14 octobre 1997

A l'affiche : "La Liste de Papon"

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14 octobre 1997

A l'affiche : "La Liste de Papon"

Deuxième partie

Ainsi de nombreuses factures relatives à des frais exposés à l'occasion d'arrestations ou de transferts de Juifs figurent au dossier notamment dans une chemise, saisie au cours de l'instruction, portant la mention 'factures déportation'. Elles concernent (le transfert à DRANCY de Léon LIBRACH, les opérations menées contre les Juifs les 15 et 18 juillet 1942, le 26 août 1942, le 21 septembre 1942, le 26 octobre 1942, le 2 février 1943, le 7 juin 1943).

L'information a démontré que Pierre GARAT et Jacques DUBARRY rendaient systématiquement compte des actions qu'ils menaient à Maurice PAPON. Celui-ci a d'ailleurs indiqué que le chef du Service des Questions Juives de la Préfecture était 'dépositaire de ses instructions': dès l'organisation des premières rafles, Maurice PAPON avait délivré à Pierre GARAT une habilitation à caractère permanent lui permettant de demander à toutes les autorités de faciliter sa tâche. Jacques DUBARRY a bénéficié par la suite de la même faculté.

Le concours de Maurice PAPON aux faits criminels visés dans les poursuites s'est encore manifesté par les pouvoirs qu'il a exercés en fait:

- sur les autorités de police et de gendarmerie en leur adressant des ordres d'arrestations de Juifs, en leur ordonnant des transferts de la prison du Fort du Hâ au camp de MERIGNAC, du camp de MERIGNAC au camp de DRANCY, en signant des réquisitions pour escorter des convois à destination de DRANCY et en leur prescrivant des mesures d'enquête ou destinées à localiser les Juifs. La preuve de ses agissements rejoint d'ailleurs, bien que Maurice PAPON conteste avoir disposé de pouvoirs sur la police, sa propre appréciation selon laquelle il existait une relation logique et imposée par 'la forces des choses' entre l'Intendance de Police et le Service des Questions Juives.

- sur le directeur du camp de MERIGNAC en prescrivant à la police d'amener des Juifs aux fins d'internement et en lui donnant des ordres, en lui fournissant les moyens matériels nécessaires à son action notamment le carburant.

Le zèle du Service des Questions Juives dans l'application rigoureuse des mesures antijuives est encore attesté par les instructions relatées par l'inspecteur NIEL dans son rapport du 25 juillet 1942 ayant trait à 'l'oubli' de la famille WEISS lors de la rafle des 15 et 16 février 1942. Pierre GARAT écrit d'ailleurs dans son rapport du 18 juillet 1942 que 'l'autorité allemande a témoigné sa satisfaction des conditions générales dans lesquelles elle (l'opération) s'est déroulée'. Dans un rapport du 1er février 1944 émanant de la délégation régionale de la SEC, le rédacteur indiquait que lors des arrestations du 10 au 11 janvier 1944 ses inspecteurs ont agi en liaison directe avec les services de la Préfecture représentés par Monsieur DUBARRY et Madame EYCHENNE pour régler les cas litigieux et il se félicitait de la compréhension mutuelle des autorités allemandes et françaises.

Outre cette action continue, Maurice PAPON et le Service des Questions Juives de la Préfecture placé sous ses ordres ont apporté leur concours à l'occasion de chacune des opérations menées à l'instigation des autorités allemandes contre la communauté juive:

1 - Le 6 juillet 1942, Maurice PAPON a requis le Commandant de Gendarmerie de BORDEAUX pour conduire LIBRACH Léon à DRANCY en donnant toutes directives pour ce transport.

Le Service des Questions Juives de la préfecture agissant sous son autorité a délivré les bons de transport et a été destinataire des factures concernant ce transfert.

2 - Maurice PAPON a apporté son concours aux arrestations des 15 et 16 juillet 1942 et à l'organisation du convoi du 18 juillet 1942:

- Il a signé après y avoir apporté des modifications, le rapport du 3 juillet 1942 établi par Pierre GARAT détaillant les difficultés d'organisation de l'opération d'arrestations massives et de déportation des Juifs projetée par les autorités allemandes.

- Il a encore signé le même jour une habilitation à Pierre GARAT demandant aux autorités de faciliter au maximum sa tâche dans le cadre de la 'mission spéciale' qui lui était confiée.

- Il a laissé établir par le Service des Questions Juives les listes de Juifs à arrêter à la demande des autorités allemandes alors que Jean LEGUAY avait demandé d'attendre.

- Il a permis la communication à la SIPO de la liste des Juifs français internés ou incarcérés alors qu'il relevait lui-même dans un rapport du 14 juillet 1942 que la remise d'une telle liste pourrait avoir 'pour conséquence la déportation de Juifs français à laquelle les autorités allemandes avaient renoncé'.

- Il a donné instruction à GARAT de se faire tenir au courant heure par heure des opérations d'arrestations.

- Il a donné des directives à Pierre GARAT pour la location d'autobus pour transporter les internés du camp de MERIGNAC à la gare Saint-Jean et pour la réservation de wagons de voyageurs pour leur transfert à DRANCY.

Pierre GARAT, aujourd'hui décédé, agissant sous l'autorité de Maurice PAPON a aussi concouru à ces opérations:

- Il est allé recueillir les instructions du chef de la SIPO de BORDEAUX.

- Il a établi les listes de Juifs demandées par les Allemands à partir du fichier tenu par le Service des Questions Juives de la Préfecture, le fichier des étrangers ou les listes communiquées par les services de police.

- Il a répondu aux demandes du Préfet des Landes et du Sous-Préfet de BAYONNE sur les problèmes de communication des listes de Juifs.

- Il s'est fait tenir au courant heure par heure par les services de police du déroulement des opérations d'arrestation.

- Il a procédé le 18 juillet, au camp de MERIGNAC, à un examen de situation des Juifs arrêtés en présence du chef de la SIPO.

- Il a signé le 18 juillet un ordre de mission au Commissaire TECHOUEYRES pour commander l'escorte du convoi.

3 - Maurice PAPON a concouru aux opérations de déportations de Juifs du 26 août 1942:

- Il a donné des instructions à la Gendarmerie Française le 8 août 1942 pour qu'elle assure le transfert au camp de MERIGNAC des Juifs arrêtés pour passage irrégulier de la ligne de démarcation, cet ordre ayant une importance toute particulière dès lors que les autorités allemandes avaient indiqué que leurs effectifs ne leur permettaient pas d'assurer ces transferts et plusieurs personnes dont des mineurs, transférés du camp de MERIGNAC dans ces conditions ayant été comprises dans le convoi du 28 août 1942.

- Il a communiqué à la SIPO le 8 août 1942 la liste des Juifs internés à MERIGNAC entre le 29 juillet et le 6 août 1942, liste sur laquelle figuraient de nombreux mineurs arrêtés avec leurs parents.

- Il a été destinataire du compte rendu fait par GARAT le 21 août 1942 de son entretien avec DOBERSCHUTZ dont il avait référé aux autorités centrales de VICHY le 28 et sachant que la mesure de déportation s'appliquerait à tous les Juifs quels que soient leur âge ou leur nationalité, il n'a pris aucune mesure pour assurer la dispersion des enfants juifs placés dans des familles d'accueil.

- Il a signé le 28 août 1942 une réquisition au Commandant de Gendarmerie afin qu'il fournisse le nombre de gendarmes nécessaires à l'escorte du convoi de la gare Saint-Jean à DRANCY, étant précisé qu'il ressort de l'information que le concours de la gendarmerie pouvait être accordé sur un ordre verbal et que Maurice PAPON avait le pouvoir de requérir la gendarmerie pour escorter des convois de Juifs puisqu'il signera une telle réquisition le 1er février 1943.

Le Service des Questions Juives et son chef Pierre GARAT, sous l'autorité de Maurice PAPON, sont ici encore intervenus à tous les stades de la préparation et de l'organisation de ce convoi:

- Pierre GARAT s'est rendu à deux reprises les 31 juillet et 21 août 1942 avec l'autorisation de Maurice PAPON à des convocations de DOBERSCHUTZ pour prendre acte des exigences allemandes concernant le transfert des Juifs arrêtés pour franchissement irrégulier de la ligne de démarcation et pour préparer le convoi du 26 août.

- Pierre GARAT a suggéré la désignation du Commissaire TECHOUEYRES, au nom duquel il avait déjà établi un ordre de mission pour le précédent convoi, comme chef d'escorte ainsi qu'il résulte d'une note manuscrite du 22 août 1942.

- Le Service des Questions Juives a reçu le 17 août 1942 de la déléguée de l'UGIF la liste des enfants juifs dont les parents avaient été arrêtés dans la nuit du 15 au 16 juillet 1942 avec l'adresse de personnes qui les avaient recueillis et a provoqué l'intervention des services de police ou d'un garde champêtre pour qu'ils soient amenés au camp de MERIGNAC, étant précisé que compte tenu de l'intervention de Maurice PAPON le 8 août 1942 en vue de la libération des mineurs de 21 ans et de la réponse négative de LUTHER du 21 août 1942, il est inconcevable que Pierre GARAT ait pu procéder à un tel regroupement sans en référer à son chef hiérarchique.

- Des factures ont été établies à l'ordre du Service des Questions Juives de la Préfecture pour le transport le 25 août 1942 de 4 enfants juifs de SAINT-MICHEL-DE-FRONSAC et BRANNE à LIBOURNE parmi lesquels les enfants PLEWINSKI et pour le transport le même jour de SALLES à BORDEAUX des enfants Nelly et Lucienne STOPNICKI.

- Pierre GARAT a été destinataire d'une liste établie par le directeur du camp de MERIGNAC comportant le nom de 10 enfants juifs arrivés au camp de MERIGNAC le 18 août 1942 avec indication des noms et adresses des familles susceptibles de les recueillir, sans qu'aucune mesure ne soit prise pour les soustraire à une déportation dont l'imminence était connue depuis le 21 août.

- Pierre GARAT a assisté le 26 août 1942 à un 'examen sommaire' effectué par l'autorité allemande et a laissé partir en déportation des mineurs de 15 ans.

- Pierre GARAT a poursuivi sa mission jusqu'à DRANCY.

4 - Même si comme il le prétend, Maurice PAPON était absent de BORDEAUX du 19 au 28 septembre 1942, il a néanmoins concouru à l'organisation du convoi du 21 septembre 1942 dans la mesure ou:

- on relève parmi les personnes transférées à DRANCY Arlette et André SZTAJNER, mineurs de 15 ans qui étaient internés à MERIGNAC depuis le 18 août 1942, alors que le directeur du camp de MERIGNAC en signalant leur arrivée au camp à Pierre GARAT avait indiqué l'adresse de personnes susceptibles de les recueillir. Malgré les menaces de déportation qui passaient sur eux compte tenu du précédent convoi du 26 août 1942 ayant inclu des mineurs, il les a maintenus séquestrés et aucune mesure n'a été prise pour les soustraire au danger qu'ils couraient.

- Il faut rappeler que le 8 août 1942 Maurice PAPON avait adressé au chef de la SIP la liste des Juifs internés au camp de MERIGNAC du 29 au 6 août comprenant de nombreux enfants arrêtés avec leurs parents. Or les Juifs déportés à DRANCY étaient soit déjà internés au camp de MERIGNAC soit détenus à la Section Allemande du Fort du Hâ.

- Maurice PAPON a indiqué que pour chaque convoi on constatait la mise en jeu du même scénario et qu'il n'avait pas d'ordre particulier à donner à GARAT, correspondant habituel de DOBERSCHUTZ et de LUTHER. Grâce à l'ordre de mission permanent donné par Maurice PAPON à Pierre GARAT, le Service des Questions Juives a fonctionné de façon habituelle apportant son concours à l'opération décidée par la SIPO dans des conditions analogues à celles de juillet et août 1942.

- Pierre GARAT s'est ainsi rendu au camp de MERIGNAC le 21 septembre 1942 accompagné d'un officier allemand et a assisté à l'appel des internés devant faire partie du convoi désignant même Madame REILLE pour l'y inclure et a procédé 'au triage'. Néanmoins douze enfants ont été compris dans ce convoi et aucune intervention spécifique n'a été faite en leur faveur.

5 - Les arrestations massives du 19 au 20 octobre 1942 et le convoi du 26 octobre 1942.

Ici encore le Service des Questions Juives a concouru aux opérations décidées par les autorités allemandes avec l'accord de son chef hiérarchique Maurice PAPON qui a reconnu avoir annoté de sa main la lettre du chef de la SIPO adressée le 19 octobre 1942 à la Préfecture de la Gironde pour faire connaître les exigences allemandes concernant cette nouvelle opération menée contre les Juifs étrangers.

- Il convient de noter que le 10 septembre 1942 Maurice PAPON avait transmis au commandant de la SIPO 345 fiches classées par ordre alphabétique adressées par les services de police ou par les mairies en juillet et août 1942 par suite de la circulation des étrangers.

- Pierre GARAT accompagné d'un autre membre du Service des Questions Juives et d'officiers allemands a remis aux policiers français les listes de personnes à arrêter au dernier moment pour éviter des fuites.

- Se référant à une conversation avec Pierre GARAT du 22 avril 1942, DOBERSCHUTZ demandait à la 'Préfecture' de faire transférer par la police française 7 juifs détenus à la prison militaire du Fort du Hâ au camp d'internement de MERIGNAC pour qu'ils soient joints au convoi du 26 octobre.

- Pierre GARAT a participé entre le 20 et le 26 octobre 1942 avec les autorités allemandes au cours duquel la situation des personnes arrêtées fut examinée. Il a néanmoins laissé figurer sur les listes des mineurs de 15 ans, fait que Maurice PAPON ne pouvait ignorer et en faveur desquels aucune intervention spécifique n'a été faite.

6 - Le convoi du 27 novembre 1943 - Déportation de Sabatino SCHINAZI.

Maurice PAPON et le Service des Questions Juives placé sous son autorité a encore concouru à la déportation de Sabatino SCHINAZI qui fut inclus dans le convoi du 27 novembre 1943. En effet:

- Jacques DUBARRY avait été averti un mois auparavant de l'éventualité d'un nouveau transfert à DRANCY,

- Malgré les démarches entreprises par l'épouse de Sabatino SCHINAZI tant auprès de Maurice PAPON, qu'auprès de Pierre GARAT et du Cabinet de Maurice SABATIER, Sabatino SCHINAZI, de nationalité française, conjoint d'une femme qui avait été déclarée non juive après enquête de la SEC du 10 avril 1943 et qui n'était pas déportable selon les 'accords' OBERG-BOUSQUET était néanmoins maintenu en état de séquestration et compris dans le convoi du 27 novembre 1943.

7 - Les arrestations du 20 au 21 décembre 1943 et le convoi du 30 décembre 1943.

Le concours apporté aux opérations décidées par les autorités allemandes par Maurice PAPON et par le Service des Questions Juives placé sous ses ordres ressort encore de l'instruction:

- les listes utilisées par la SIPO pour procéder aux arrestations massives de Juifs ne pouvaient avoir été établies qu'à partir des renseignements communiqués par le Service des Questions Juives,

- parmi les personnes déportes on relève 6 mineurs qui bien qu'autorisés à quitter BORDEAUX par les autorités allemandes ont été arrêtés puis séquestrés au camp de MERIGNAC sans qu'aucune démarche spécifique n'a été faite pendant les neuf jours ayant séparé leur arrestation de leur déportation, alors que le Service des Questions Juives n'ignorait pas qu'ils figuraient sur la liste établie par le directeur du camp de MERIGNAC le 23 décembre 1943. Pourtant à la même période le Préfet Régional fait état dans ses observations adressées à la délégation régionale du Commissariat aux Questions Juives le 27 septembre 1943 d'un certain nombre de personne 'ayant dû par la suite être libérées du camp d'internement de MERIGNAC' à la site 'd'arrestations inutiles'.

8 - Les arrestations du 10 janvier et le convoi du 12 janvier 1944.

Maurice PAPON et le Service des Questions Juives placé sous son autorité ont concouru aux opérations menées à l'instigation des autorités allemandes contre les Juifs:

- Maurice PAPON a participé étroitement avec les autres membres de l'administration préfectorale aux négociations avec les chefs de la SIPO qui ont précédé les arrestations de tous les Juifs par la police française et aux démarches tentées auprès du gouvernement de VICHY.

- compte tenu de la forme de la demande des autorités allemandes qui visait 'tous les Juifs', les listes de personnes à arrêter n'ont pu être établies que par le Service des Questions Juives à partir des renseignement dont il disposait comme ce fut le cas pour l'arrestation des Juifs grecs en novembre 1942.

- Le Service des Questions Juives sous la direction de Jacques DUBARRY a assuré la logistique de la rafle.

- dans la journée du 11, Jacques DUBARRY a participé en compagnie de l'inspecteur DEHAN de la SEC et de MAYER de la SIPO à un contrôle des arrestations qui a amené la libération immédiate de 15 personnes. Il a entrepris des tractations afin d'obtenir le maintien à MERIGNAC de personnes appartenant à certaines catégories,

- Maurice PAPON a rédigé le 12 janvier 1944 des instructions écrites demandant à Jacques DUBARRY d'entreprendre des 'interventions 'intuitu personnae' pour faire libérer les Juifs intéressants' au nom de Maurice SABATIER et de lui rendre compte dès que possible des résultats pour qu'il 'puisse faire appel le cas échéant auprès de Monsieur NHARICH', ce qui établit qu'il avait des rapports privilégiés avec cet officier, aucune intervention spécifique n'étant faite en faveur des mineurs de 15 ans notamment les 5 enfants de la famille TORRES dont Jacques DUBARRY n'a pu manquer de signaler la présence à Maurice PAPON,

il en sera de même dans les rapports du 13 janvier et du 3 février 1944 signés par Maurice PAPON

- le 12 janvier 1944 Maurice PAPON a confirmé par écrit la demande de mise à la disposition du Commissariat Central de deux cars de voyageurs pour assurer le transport des personnes arrêtes de la Synagogue à la gare Saint-Jean,

9 - LE CONVOI DU 13 MAI 1944

Le concours apporté par Maurice PAPON et le Service des Questions Juives placé sous son autorité à l'opération de déportation de Juifs décidée par les autorités allemandes pour le 13 mai 1944 a consisté dans les instructions qu'il a données à Jacques DUBARRY d'effectuer toutes diligences en vue du recensement des Juifs hospitalisés pour la constitution des listes requises par les Allemands. Il était hautement prévisible que le recensement demandé par les autorités allemandes serait le prélude à une nouvelle mesure de déportation.

****

***

L'instruction a établi que Maurice PAPON avait une connaissance précise que la politique antijuive menée par le gouvernement de VICHY depuis la signature de l'armistice. En effet, il a occupé à partir d'octobre 1940, le poste de Directeur de Cabinet du Secrétaire Général pour l'administration au Ministère de l'intérieur, au moment où étaient prises les premières lois discriminatoires contre les Juifs. Quand il va rejoindre son poste de secrétaire général à BORDEAUX, la quasi-totalité des textes législatifs organisant l'exclusion, le fichage et la persécution des Juifs était déjà en vigueur. Trois grandes rafles de Juifs avaient été faites à Paris les 14 mars, 20 août et 12 décembre 1941. La rafle du 20 août 1941 concerna 4.232 hommes Juifs dont 1.500 Français parmi lesquels 6 avocats réputés du barreau de Paris dont l'arrestation fut largement diffusée dans la presse à des fins de propagande.

Les internements de Juifs étaient devenus de plus en plus nombreux au cours de cette période tant en zone libre qu'en zone occupée. Les camps de PITHIVIERS et de BEAUNE-LA-ROLANDE (Loiret) et le camp de DRANCY ouverts en 1941 étaient affectés exclusivement aux internés juifs de zone occupée comme le confirme la circulaire du Ministère de l'Intérieur du 31 janvier 1942.

Les affirmations de Maurice PAPON selon lesquelles il aurait dû quitter VICHY en raison de ses sentiments bien connus pour être défavorables au gouvernement de l'époque et selon lesquelles il n'aurait pas eu le choix d'avoir le Service des Questions Juives de la Préfecture dans ses attributions sont contredites par les faits. Il est en effet inconcevable qu'un fonctionnaire dont la loyauté au gouvernement de VICHY pouvait passer pour douteuse soit nommé Secrétaire Général d'une des plus importantes préfectures de France et de zone occupée, se trouvant de surcroît en zone interdite où l'occupation allemande était particulièrement présente et où les rapports avec l'occupant étaient spécialement délicats. En outre, Maurice SABATIER connaissait Maurice PAPON de longue date et c'est lui qui l'avait pressenti pour devenir Secrétaire Général de la Gironde. Il avait une confiance particulière en Maurice PAPON comme en témoigne l'étendue des délégations qu'il lui a consenties dans des domaines aussi sensibles que les affaires nées de l'occupation et le Service des Questions Juives. Il est encore inconcevable que Maurice SABATIER n'ait pas informé Maurice PAPON des attributions qui seraient les siennes à BORDEAUX avant qu'il accepte le poste de secrétaire général. C'est donc en pleine connaissance de ce que le Service des Questions Juives de la préfecture serait placé sous son autorité et aurait à pratiquer une politique antijuive, que Maurice PAPON a accepté son affectation à BORDEAUX.

Maurice PAPON ne saurait être fondé à invoquer les instructions données le 8 janvier 1942 à la BBC, par le Lieutenant-Colonel TISSIER aux fonctionnaires et magistrats demeurés en France, dans la mesure où elles avaient un caractère purement incitatoire en conseillant d'entraver au maximum les instructions des occupants et de recueillir le maximum de renseignements et ne sauraient en aucun cas justifier des opérations tendant à la livraison de personnes en vue de leur déportation.

La sentence du Jury d'honneur réuni à la demande de Maurice PAPON par le Comité d'action de la résistance rendue le 15 décembre 1981, relève à l'unanimité: 'Au nom même des principes qu'il croyait défendre et faute d'avoir été mandaté par une autorité qualifiée de la Résistance française, pour demeurer à son poste, Monsieur Maurice PAPON aurait du démissionner de ses fonctions au mois de juillet 1942.'

Dès son arrivée en Gironde, Maurice PAPON a eu connaissance de la mise en place au plan local, comme au plan national, d'une politique d'arrestations et de déportations massives à l'instigation des autorités allemandes. L'ensemble des événements ne pouvait lui laisser aucune incertitude sur la suite des événements.

Ainsi: le rapport de GARAT du 2 juillet 1942 sur 'l'évacuation des Juifs';

la demande par les Allemands de la liste de Juifs français détenus à MERIGNAC faisant l'objet du rapport signé par Maurice PAPON le 14 juillet 1942 au Préfet délégué auprès du Ministre de l'Intérieur; les informations recueillies par Maurice SABATIER lors de la réunion des Préfets Régionaux, organisée le 6 juillet 1942 par BOUSQUET pour les aviser de la politique d'arrestation et de déportation massive des Juifs conclue avec les autorités allemandes - dont il est improbable que Maurice SABATIER ne les ait pas communiquées à un collaborateur aussi proche que Maurice PAPON tant en raison de ses attributions que des liens de confiance qui les unissaient. La réunion du 11 juillet 1942 par Maurice SABATIER de ses plus proches collaborateurs ayant trait entre autres à la déportation de 40.000 Juifs de zone occupée et de 10.000 Juifs de zone non occupée. Il convient de noter que ce terme de 'déportation' est d'ailleurs repris par Maurice PAPON dans le rapport précité du 14 juillet 1942.

Les craintes qu'on pouvait avoir quant au sort des Juifs n'ont pu qu'être renforcées lorsque le 8 août 1942 OBERG exposa au cours d'une conférence aux Kommandeurs des SS et aux Préfets régionaux de zone occupée réunis à Paris - à laquelle Maurice SABATIER a participé et dont Maurice PAPON reconnaît avoir par la suite été informé - les modalités de l'action coordonnée des polices allemande et française contre les terroristes et les 'ennemis de l'Allemagne'.

BOUSQUET reprendra d'ailleurs ces instructions dans une note circulaire adressée aux préfets de région de la zone occupée le 13 août 1942. Là encore Maurice PAPON a nécessairement eu connaissance de ce document.

Les renseignements recueillis par Pierre GARAT lors de son entretien avec DOBERSCHUTZ le 21 août 1942 et le rapport de Pierre GARAT au Préfet Régional du 29 août 1942 à la suite de son voyage à DRANCY et de son entretien avec Jean LEGUAY confortaient encore les craintes qu'on pouvait avoir sur le déclenchement du plan de persécution de la communauté juive annoncé par les Allemands.

Maurice PAPON a pu aussi constater dès le 21 août 1942 lorsque les autorités allemandes ont refusé de libérer les vieillards et les enfants juifs arrêtés et ont ordonné au contraire que les 18 enfants qui avaient été interpellés lors de l'arrestations de leurs parents les 16 et 17 juillet 1942 puis placés auprès de personnes de confiance, soient transférés à DRANCY que les Allemands n'entendaient nullement respecter les 'accords' OBERG-BOUSQUET.

La réalité d'une déportation à l'est, hors du territoire allemand, a été portée à la connaissance de Pierre GARAT lorsque Marie REILLE a réussi à revenir d'AUSCHWITZ après une intervention parisienne en septembre 1942 et qu'elle s'est présentée au Service des Questions Juives de la Préfecture pour faire régulariser sa situation. La politique d'aryanisation des biens des Juifs impliquait aussi le départ sans retour de ceux-ci. Ainsi, figure au dossier un article de presse du 20 juillet 1941 publié sous la signature de Louis THOMAS intitulé 'l'aryanisation = expropriation' et se terminant par la remarque: 'L'intérêt général est d'ailleurs évident: il s'agit d'aider un certain nombre de Français à devenir propriétaire au moment où les Juifs campés sur la terre de France vont quitter ce pays.'

Mais, mieux encore, il ressort de très nombreux éléments du dossier que Maurice PAPON, dès les premières opérations menées contre les Juifs, a acquis la conviction que leur arrestation, leur séquestration et leur déportation vers l'est les conduisaient inéluctablement à la mort.

Le compte rendu d'audience devant le Tribunal Militaire de NUREMBERG en date du 8 avril 1948 résume la politique de persécution menée par HITLER en Allemagne dès 1933, sous le regard des autres nations, telle qu'elle avait été clairement annoncée par 'Mein Kampf', puis concrétisée par la prise des premières ordonnances antijuives:

'Lorsque les nazis prirent le pouvoir en 1933, la persécution des Juifs devint la politique officielle du Gouvernement... 'Mein Kampf' n'était pas une publication privée... Le parti nazi a sans cesse crié sa haine des Juifs aux oreilles du monde... Partout les dirigeants nazis insultaient les Juifs et les livraient à la risée et au mépris de l'opinion publique. En novembre 1938, une bande de voyous inspirée et organisée par les SS se rua sur les Juifs d'Allemagne. Des synagogues furent détruites, des Juifs éminents furent arrêtés et jetés en prison, une amende collective d'un milliard de marks fut imposée, des ghettos furent créés et les Juifs furent dès lors obligés sur ordre de la Police de Sûreté de porter une étoile jaune sur la poitrine et dans le dos.'

En France, il n'en ira pas différemment.

Les premiers éléments de sa conviction sur le sort réservé aux Juifs, Maurice PAPON les a puisés dans le contenu des études qu'il a suivies.

En 1936, après avoir obtenu licence en droit, certificats d'études supérieures d'économie politique et de droit public, de psychologie et de sociologie, il est diplômé de l'Ecole des sciences politiques, berceau de l'enseignement des formes et techniques comparées de gouvernement ainsi que des principes juridiques fondateurs de l'Etat de Droit et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, venus du Siècle des Lumières. Maurice PAPON, qui, comme l'a relevé, parmi d'autres, Jacques SOUSTELLE, Commissaire de la République à BORDEAUX à la Libération, connaît la langue allemande et la langue anglaise, pouvait alimenter sa culture de toutes sortes de lectures lui révélant au jour le jour l'accélération de l'Histoire de son temps.

Jean LISBONNE, qui a rencontré Maurice PAPON en 1932 alors qu'il était élève officier de réserve à SAINT-CYR, disait déjà:

'J'ai eu l'occasion de me trouver avec Maurice PAPON du fait, notamment, que nous avions une formation juridique commune... Nous conversions très souvent et échangions nos points de vue. A cette époque où se profilait la doctrine national-socialiste, notre opinion à l'un et à l'autre a toujours été la crainte de voir HITLER gagner de plus en plus de terrain. Pratiquant les langues étrangères, nous avons eu par les journaux et par les camarades qui s'étaient rendus en Allemagne des échos des tendances national-socialistes.'

Le rappel, ensuite, des fonctions qu'a occupées Maurice PAPON au début de sa carrière d'administrateur, montre qu'il était amplement informé, par voie professionnelle, des desseins formés contre les Juifs.

En 1936, il est attaché au cabinet du sous-secrétariat d'Etat à la Présidence du Conseil, puis, en 1937, au cabinet du sous-secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères, d'où il assiste, en témoin privilégié et renseigné, à la mise en oeuvre de la politique nazie en Allemagne qui provoque aussitôt une importante vague d'immigration en France de toute une population juive fuyant la persécution.

Il rejoint ensuite le secrétaire général pour l'administration au ministère de l'Intérieur dont il dirigea le cabinet jusqu'au mois de mai 1942. Sous la responsabilité de son ministre de tutelle sont alors prises, après l'Armistice dont la Convention ne contient aucune disposition relative aux Juifs, les premières lois portant statut des Juifs et autorisant l'internement des étrangers parmi eux sur simple décision préfectorale.

Puis il assiste à la prise des lois et ordonnances aggravant ce statut en prescrivant le recensement des Juifs, en créant le Commissariat aux Questions Juives, en institutionnalisant l'étoile jaune dont le port sera rendu obligatoire au moment où il arrive à BORDEAUX, toutes mesures signant de leurs dénominations mêmes leur caractère discriminatoire à l'encontre d'une importante fraction de la population sans cesse grossie des nouveaux flux d'immigrés fuyant les camps de concentration, après les massacres perpétrés par les Einzatzgruppen suivant la course des armées allemandes vers l'est.

Sa connaissance de cette politique dévastatrice est encore renforcée, avant même sa nomination à BORDEAUX, par l'exercice de ses fonctions au cabinet du Directeur adjoint des Affaires Départementales et Communales, Maurice SABATIER, qui lui confèrent, notamment, le contrôle de la sous-direction de l'Algérie, laquelle est intéressée par l'abondante législation visant la communauté juive d'Algérie, circonstance de nature à combattre son affirmation, devant le Conseiller Instructeur à qui il déclarait le 31 mai 1989:

'Mes activités, comme celles d'ailleurs de Maurice SABATIER, au sein du Ministère de l'Intérieur du Gouvernement de VICHY n'avaient rien à voir avec les Questions Juives puisqu'il s'agissait des problèmes de l'Administration Départementale et Communale, voire même Régionale.'

La persécution, qui s'est entre-temps étendue à une grande partie de l'Europe continentale dans le sillage de la guerre, illustre dès lors les propos tenus publiquement par HITLER dans son discours au Reichstag du 30 janvier 1939 qui annonçait que si l'on devait en arriver à la guerre, cela signifierait l'extermination de la race juive en Europe, propos repris dans un article presse allemand en 1941 sous la signature de GOEBBELS qui confirmait: 'Nous vivons précisément l'accomplissement de cette prophétie', enfin, propos rappelés dans le 'Rapport final sur la déportation des Juifs d'Europe avec le concours des Affaires Etrangères' présenté lors du procès de NUREMBERG.

Toujours en poste à VICHY, Maurice PAPON ne peut non plus avoir ignoré les premières vagues d'arrestations massives de Juifs qui se sont publiquement déroulées à Paris les 14 mai, 20 août et 12 décembre 1941, au cours d'opérations dont la presse a spectaculairement rendu compte, réalisées sur plusieurs journées dans les différents arrondissements de la capitale occupée et visant des milliers de Juifs tant étrangers que français, dont une partie des notables parisiens de cette communauté.

Le Commissariat aux Questions Juives, s'adressant à l'Amiral DARLAN, Vice-Président du Conseil, commente les opérations qui ont débuté le 20 août et en révèle le climat: 'Les autorités allemandes viennent de procéder à l'arrestation de 3.000 Juifs français et étrangers, principalement dans le 11e arrondissement, qu'ils ont transportés au camp de DRANCY.

'Les Allemands ont fait ces arrestations massives sans aucune discrimination mais ils ont déclaré qu'ils envisageaient volontiers des mesures de faveur à l'égard des Juifs anciens combattants. Ce sont les autorités allemandes de l'ambassade qui ont pris l'initiative de ces arrestations, ce dont la Préfecture de Police ne peut que se féliciter, car cette mesure a été très opportune au moment où les Juifs, grisés par la résistance russe, relèvent la tête et escomptent déjà la défaite allemande et la victoire britannique.'

Mais l'attention du public sera aussi attirée sur 'les mesures de faveur envisagées' par les Allemands à l'égard des victimes qui lui sont ainsi désignées. Un rapport du Commissaire de Police de la vieille de COMPIEGNE à propos du transfèrement, à la demande des autorités allemandes, le 20 mars 1942, de 178 Juifs du camp Royallieu à Paris, pour être dirigés sur le camp de DRANCY, et assuré par 100 gendarmes français, relate les conditions de l'opération réalisée sur un parcours de plus de deux kilomètres séparant le camp de la Gare alors que les détenus marchent enchaînés deux par deux, beaucoup d'entre eux arborant à la boutonnière les insignes d'officier et de chevalier de la Légion d'honneur, de la médaille militaire et de la croix de guerre, donnant l'impression de gens affamés.

Ainsi, un haut fonctionnaire du Gouvernement de VICHY, successivement en poste auprès d'organes très agissants, d'abord Présidence du Conseil, puis Ministères des Affaires Etrangères et de l'Intérieur, organes disposant au surplus de moyens d'information - et de contrôle de cette information - sûrs, fiables et protégés, permettant d'exploiter toutes les sources, y compris les productions clandestines, et d'apprécier la concordance des renseignements recueillis par leur capacité d'en isoler les éléments de propagande perturbateurs, ne pouvait d'ores et déjà avoir de doutes sur la finalité des rafles qu'il allait contribuer à organiser à BORDEAUX à la demande des nazis et dont les Juifs allaient être victimes comme leurs coreligionnaires allemands persécutés avant la guerre.

D'ailleurs sur place, alors qu'au printemps a été présentée au public bordelais l'exposition itinérante 'Le Juif et la France', le Capitaine SEZILLE, Directeur de l'Institut d'Etudes des Questions Juives, l'avait lui-même annoncé lors d'une conférence à l'Alhambra en termes péremptoires: 'Le Juif doit disparaître pour le bien des générations futures.'

La connaissance qu'a Maurice PAPON de cette volonté déjà ancienne et affirmée d'élimination des Juifs qui guide sans répit l'action des nazis va s'enrichir encore de sa propre expérience alors que, Secrétaire Général de l'une des plus importantes préfectures de France, il va se trouver au centre du dispositif territorial de persécution.

En effet, les regroupements et transferts vers DRANCY s'intensifient et se succèdent très vite sans discrimination, visant tout aussi bien les enfants qui seront déportés dès le mois d'août, pour finir par atteindre massivement les vieillards même âgés de plus de 70 ans, y compris ceux qui sont en traitement dans les hôpitaux, hospices et maisons de retraite dans lesquels ont ne les laissera pas finir leurs jours, et dont la liste sera remise par la préfecture en réponse à la demande allemande du 16 février 1944.

Ces opérations donnent lieu, dès le début de l'année 1942, à la multiplication des instructions du Ministère de l'Intérieur, dont les services tiennent des statistiques, à l'effet de respecter les quotas et cadences imposées par les autorités allemandes, d'éviter toute fuite des intéressés, de prendre toutes mesures pour rechercher ceux qui se soustrairaient à leur appréhension, y compris ceux qui se blessent en s'évadant ou ceux dont l'arrestation a été oublié, tel le ménage WEISS comprenant le père, la mère et une fillette de 7 ans résidant au BOUSCAT.

Le 8 septembre 1942, le Chef de la Kommandantur 529 à BORDEAUX écrit à la Préfecture de la Gironde sous le couvert de GARAT en termes explicites:

'Vous êtes prié de vous présenter lundi 14 septembre 1942... pour faire votre rapport sur la situation de l'élimination juive. Prière d'apporter les documents et statistiques.'

Est ainsi, très tôt, nécessairement mise à néant dans l'esprit de Maurice PAPON, la légende colportée d'une déportation massive en vue de la confiscation, au profit de l'Allemagne, d'un important réservoir de main-d'oeuvre nécessité par la poursuite de l'effort de guerre.

D'ailleurs, à la différence du processus d'enrôlement des jeunes travailleurs astreints au Service du Travail Obligatoire, les regroupements de Juifs qui ont suivi les grandes rafles parisiennes conduites au grand jour, s'exécutent désormais dans la clandestinité de la nuit à l'effet, certes, de réduire tout risque d'évasion et de dispersion de la communauté dont les membres ont l'interdiction de déplacer leur résidence, mais aussi dans le souci de prévenir les réactions du reste de la population dont les rapports des préfets ont traduit la vive émotion.

En outre, les conditions dégradantes du traitement imposé aux Juifs de tous âges, entassés dans des wagons à bestiaux, dépourvus d'hygiène, enchaînés si nécessaire - ainsi que le rappellent les rapports d'escorte -, puis regroupés au camp de DRANCY dont des documents de septembre 1941, décembre 1941 et mars 1942 révèlent l'inhumanité, ne s'expliquent pas autrement que par l'intensité du mépris dans lequel ils sont tenus et qui n'annonce pas autre chose que leur prochaine élimination physique, une fois qu'ils ont été dépossédés de leurs biens aryanisés et vendus à l'encan, des outils de travail indispensables à leur simple survie, du viatique qui leur est confisqué dès leur arrivée dans les camps et soigneusement consigné sur les 'états nominatifs des Juifs ayan t déposé une somme lors de leur déportation', significatifs, comme d'ailleurs le renvoi à leurs expéditeurs du courrier adressé aux internés de MERIGNAC, du peu d'espoir que l'on pouvait concevoir de leur retour, tout étant fait comme si, d'ores et déjà, les Juifs n'existaient plus.

Mais, malgré la clandestinité dans laquelle s'efforcent d'agir maîtres d'oeuvre et exécutants de ce sinistre programme, sa poursuite elle-même va provoquer des réactions et retentissements dont le haut fonctionnaire qu'est Maurice PAPON, déjà au fait de l'idéologie qui le sous-tend, de l'appareil législatif et policier qui le précipite et du dispositif logistique qui le rationalise, ne peut ignorer l'ampleur.

Secrétaire Général de la Préfecture de la Gironde, il est affecté à un nouveau poste de responsabilité qu'il a accepté en connaissance de son importance en zone dite interdite pour y administrer les populations sinistrées par la guerre, sous l'autorité de Maurice SABATIER qui lui délègue aussitôt la partie capitale de ses pouvoirs réservés intéressant l'occupation allemande, poste qui le met en relation, aussi, avec les autorités civiles et religieuses, avec l'occupant, enfin avec sa propre hiérarchie jusqu'au niveau le plus élevé de l'Etat.

Il va d'abord être le témoin de la terreur éprouvée par la communauté juive elle-même, dont des milliers de sujets refusent de porter l'étoile jaune et tentent de franchir la ligne de démarcation qui traverse la région en vue de fuir la zone occupée et au mépris des graves sanctions encourues alors que les suicides se multiplient au camp de MERIGNAC et qu'au risque de leur vie des Juifs désespérés tentent de s'évader des trains les convoyant à DRANCY.

Samuel SCHINAZI, arrêté en octobre 1941 pour faits de résistance, incarcéré au Fort du Hâ puis interné au camp de MERIGNAC où il restera jusqu'en mars 1943 déclare: 'Nous avions tous conscience dans le camp de MERIGNAC que d'être incorporé à un convoi pour DRANCY signifiait que nous allions trouver la mort dans un camp de déportation pour l'Allemagne.

'Pendant mon incarcération au Fort du Hâ, je pensais que les gens déportés en Allemagne partaient dans des camps de travail ou étaient internés jusqu'à la fin de la guerre. Mais quand je suis arrivé au camp de MERIGNAC, petit à petit, j'ai appris au cours de conversations l'existence de chambres à gaz et de l'extermination systématique des Juifs déportés. Nous avions su cela, je pense, vraisemblablement par des réfugiés juifs allemands qui avaient fui leur pays et qui avaient été repris en France.

'Au début, les gens pensaient que ce n'était peut-être pas tout à fait vrai, mais rapidement nous avons été parfaitement conscients du sort qui nous était réservé. Nous vivions dans une angoisse permanente.'

Diverses émissions radiophoniques étrangères, captées par les services français, révèlent aussi dès le mois d'août 1942 le terrible sort qui attend les Juifs. Toutes ces informations sont confirmées par de nombreuses dépêches d'agences de presse du monde entier qui dénoncent de manière répétitive et tout au long de la guerre le massacre des Juifs et en précisent les conditions d'extermination.

Au mois de décembre 1942, Anthony EDEN, Secrétaire d'Etat britannique aux Affaires Etrangères fait une déclaration à la chambre des Communes sur la politique allemande d'extermination des Juifs pour confirmer les informations venant du gouvernement polonais et communiquées aux gouvernements alliés quant au traitement et au sort réservés aux Juifs. Cette déclaration est également diffusée par les agences de presse.

Le 17 décembre 1942, l'agence TASS transmet une déclaration conjointe des gouvernements de Belgique, des Etats-Unis d'Amérique, de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, de Grèce, du Luxembourg, de Norvège, de Pologne, des Pays-Bas, de Tchécoslovaquie, de l'URSS, de Yougoslavie et du Comité national français sur l'extermination de la population juive en Europe par ordre des autorités hitlériennes, qui indique, notamment, que la Pologne a été convertie en 'abattoir nazi nø 1' pour les Juifs et que le nombre des victimes des massacres s'élève à plusieurs centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants.

Sur le territoire français, malgré la censure et les risques encourus, plusieurs dignitaires de l'Eglise se sont élevés, dans des lettres pastorales lues en chaire et dont la distribution a été largement assurée, contre le traitement réservé aux Juifs en se référant expressément aux droits imprescriptibles de la personne humaine et en manifestant leur angoisse sur le devenir de ces victimes.

Le premier d'entre eux, Jules-Gérard SALIEGE, archevêque de TOULOUSE:

'Que des enfants, des femmes et des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d'une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.'

Puis, Pierre-Marie THEAS, évêque de MONTAUBAN, ville natale de René BOUSQUET:

'A Paris, par dizaines de milliers, des Juifs ont été traités avec la plus barbare sauvagerie. Et voici que dans nos régions on assiste à des spectacle navrants: des familles sont disloquées, des hommes et des femmes sont traités comme un vil troupeau et envoyés vers une destination inconnue avec la perspective des plus grands dangers.'

Et encore, Jean DELAY, évêque de MARSEILLE:

'Arrêter en masse, uniquement parce qu'ils sont juifs et étrangers, des hommes, des femmes, des enfants, qui n'ont commis aucune faute personnelle, dissocier les membres d'une même famille et les envoyer peut-être à la mort, n'est-ce pas violer les lois sacrées de la morale et les droits essentiels de la personne humaine et de la famille, droits qui viennent de Dieu?'

Enfin, le cardinal GERLIER, archevêque de LYON:

'Nous assistons à une dispersion cruelle des familles où rien n'est épargné, ni l'âge, ni la faiblesse, ni la maladie. Le coeur se serre à la pensée des traitements subis par des milliers d'êtres humains et plus encore en songeant à ceux qu'on peut prévoir.'

Toujours à LYON en cette même période au cours de laquelle Maurice PAPON fait remettre aux autorités allemandes, en les vouant ainsi à la mort, des enfants placés dans des familles d'accueil ou confiés au Grand Rabbin après l'arrestation de leurs parents, le révérend père CHAILLET, animateur, sous l'égide du cardinal GERLIER, de l'association Les Amitiés Chrétiennes, soustrait aux Allemands 84 enfants juifs dont les parents ont été internés au camp de VENISSIEUX. Dans son rapport au Gouvernement de VICHY, le Préfet Régional de LYON relate le 1er septembre 1942, en évoquant le révérend père CHAILLET:

'Il réitéra devant moi ses déclarations invoquant sa conscience de prêtre catholique qui l'invitait à considérer comme un dépôt sacré les enfants des 'malheureux Juifs' partis en exil et 'sans doute à la mort', maintint son refus de nous rendre les enfants',

et, évoquant le Cardinal GERLIER:

'Le cardinal... me déclara que le geste des Amitiés Chrétiennes avait la signification d'une protestation de l'Eglise contre la remise des Israélites étrangers aux autorités occupantes, que c'était pour lui une obligation morale impérieuse que de les protéger, ayant reçu dépôt de ces enfants des mains de leurs parents, que son attitude enfin n'était point dirigée contre le Gouvernement mais contre le gouvernement allemand - Ma protestation, ajouta-t-il, est même de nature à renforcer le gouvernement français dans ses rapports avec les autorités occupantes car elle montre ainsi à l'Allemagne les difficultés intérieures que crée en France la remise des Juifs.'

En répression, par arrêté du 1er septembre 1942, le Préfet du Rhône assignait le révérend père CHAILLET à résidence. Sur ordre donné à BERLIN, cette mesure était transformée en arrestation.

Le Comité National de l'Eglise Réformée exprime aussi son angoisse dans un communiqué du 22 septembre 1942 destiné à être lu en chaire le 4 octobre: '... la loi divine n'admet pas que des familles voulues par Dieu soient brisées, des enfants séparés des mères, le droit d'asile et sa pitié méconnus, le respect de la personne humaine transgressé et des êtres sans défense livrés à un sort tragique...'

Ce communiqué relayait la lettre que le pasteur Marc BOEGNER écrivait au Maréchal PETAIN le 20 août 1942 et qui révèle la connaissance acquise par les Juifs et les Eglises du destin des déportés: 'La vérité est que viennent d'être livrés à l'Allemagne des hommes et des femmes réfugiés en France pour des motifs politiques ou religieux, dont plusieurs savent d'avance le sort terrible qui les attend.'

Cette livraison a eu lieu... 'dans des conditions d'inhumanité qui ont révolté les consciences les plus endurcies.'

'Vice-Président du Conseil ècuménique des Eglises Chrétiennes qui groupe toutes les grandes Eglises en dehors de l'Eglise catholique romaine, je ne puis pas ne pas vous faire part de l'émotion profonde éprouvée par les Eglises de Suisse, de Suède, des Etats-Unis, à la nouvelle connue déjà dans le monde entier, de ce qui s'accomplit en ce moment même en France.'

Le 28 août 1942, la protestation adressée à VICHY par le Consistoire Central Israélite traduisait en termes plus précis encore l'analyse faite par les dirigeants de la Communauté juive du programme d'extermination élaboré par les nazis:

'Le Consistoire Central ne peut avoir aucun doute sur le sort final qui attend les déportés, après qu'ils auront subi un affreux martyre. Le chancelier du Reich n'a-t-il pas déclaré dans son message du 24 février 1942: 'Ma prophétie, suivant laquelle au cours de cette guerre, ce ne sera pas l'humanité aryenne qui sera anéantie, mais les Juifs qui seront exterminés, s'accomplira. Quoique nous apporte la bataille et quelle qu'en soit la durée, tel sera son résultat final.'.'

'Ce programme d'extermination a été méthodiquement appliqué en Allemagne et dans les pays occupés par elle, puisqu'il a été établi par des informations précises et concordantes que plusieurs centaines de milliers d'Israélites ont été massacrés en Europe orientale, ou y sont morts, après d'atroces souffrances, à la suite des mauvais traitements subis. Enfin, le fait que les personnes livrées par le Gouvernement français ont été rassemblées sans aucune discrimination, quant à leurs aptitudes physiques, que parmi elles figurent des malades, des vieillards, des femmes enceintes, des enfants, confirme que ce n'est pas en vue d'utiliser les déportés comme main-d'oeuvre que le Gouvernement allemand les réclame, mais dans l'intention bien arrêtée de les exterminer impitoyablement et méthodiquement.'

C'est la peur inavouée d'intervenir dans l'accomplissement de l'atroce destin des Juifs qui, après le mois d'octobre 1942, pousse le Commissaire TECHOUEYRES dans son refus de participer à toute nouvelle opération contre eux après, dit-il, s'être entretenu avec le Grand Rabbin COHEN qui lui avait fait part de son inquiétude sur le sort des enfants transférés à DRANCY.

Maurice PAPON, lui, qui a choisi de s'interroger à maintes reprises au cours de l'instruction sur le sort judiciaire réservé aux Juifs internés à DRANCY et contraints d'y procéder à la sélection de leurs coreligionnaires en vue de la constitution des convois vers l'est, n'était pas non plus un Français ordinaire. Homme de culture raffinée et administrateur de valeur reconnue, dont Yvette CHASSAGNE dira, en un propos qu'il qualifiera d''élucubrations', qu'il en savait 'sans doute plus que l'homme de la rue', Maurice PAPON a préféré demeurer à son poste. Cela, le Jury d'honneur, réuni à sa demande, le lui a unanimement reproché dans 'la sentence rendue à son encontre', ainsi que l'a définie le révérend père Riquet, laquelle, sans même pouvoir se fonder sur l'ensemble des pièces de la procédure pénale, concluait cependant le 15 décembre 1981 qu'il aurait dû démissionner de ses fonctions au mois de juillet 1942.

Ainsi Maurice PAPON, par son parcours personnel et socioprofessionnel, qui l'a mis au contact médiat et immédiat de sources d'informations privilégiées, multiples et concordantes sur le déroulement en Europe, et spécialement en FRANCE et à BORDEAUX, du programme hitlérien d'extermination des Juifs au service duquel il a placé la logistique des bureaux de la Préfecture, rouage indispensable du processus de destruction, a eu, dès avant sa prise de fonctions, une connaissance claire, raisonnée, circonstanciée et continue du dessein formé par les nazis d'attenter à la vie de ces personnes, constitutif de préméditation, même s'il a pu demeurer dans l'ignorance des conditions exactes de leurs souffrances ultimes et des moyens techniques utilisés pour leur donner la mort.

Il existe dès lors des charges suffisantes contre lui de s'être rendu coupable de complicité d'assassinats.

QUALIFICATION DES FAITS.

Reprenant pour l'essentiel l'argumentation développée lors de ses interrogatoires, Maurice PAPON soutient dans ses mémoires déposés le 23 février 1996 et le 5 mars 1996:

- que Maurice SABATIER apparaît au vu de l'instruction comme le complice de René BOUSQUET, Secrétaire Général de la police lui-même complice des autorités allemandes, auteurs principaux des arrestations illégales et des séquestrations, que son action ne révèle aucune intention de s'associer aux crimes commis par les autorités allemandes et que la complicité n'est pas punissable;

- que le concours des forces de police françaises n'a été apporté que sur ordre express des autorités hiérarchiques;

- que ses interventions n'ont apporté aucune aide ou assistance aux crimes commis par les autorités allemandes et n'ont concouru en aucune manière à leur réalisation, ces interventions s'étant bornées à des rapports et comptes rendus à l'autorité hiérarchique;

- que ses interventions sont postérieures aux arrestations et séquestrations arbitraires perpétrées par les autorités allemandes et ne sauraient constituer des actes de complicité;

- qu'on ne peut lui reprocher aucun fait qui puisse être qualifié de complicité criminelle, effective personnelle et intentionnelle qui puisse se rattacher au crime principal, qu'en application de l'article 121-1 du Code Pénal nul n'est responsable que de son propre fait et que sa responsabilité n'est pas engagée notamment en ce qui concerne la communication du fichier des Juifs à l'autorité allemande;

- que le complice ne doit ignorer aucun des aspects de l'action à laquelle il contribue et notamment que les arrestations conduisaient irrémédiablement à la déportation et à l'extermination;

- qu'il n'avait aucune connaissance de la politique d'extermination des Juifs mise en oeuvre par les nazis et que notamment la déclaration des cardinaux avait été faite en zone libre et avait été censurée;

- qu'il ne résulte pas de l'instruction l'existence à son encontre d'une identité d'intention avec l'auteur du crime principal et la volonté délibérée d'adhérer et de s'associer à un plan concerté d'élimination programmée de manière systématique d'une catégorie de la population sur le fondement d'une idéologie totalitaire, au sens de la jurisprudence de la Cour de Cassation;

- qu'au contraire, il a manifesté non un esprit de collaboration, mais un esprit de résistance qui apparaît dans les circonstances de la cause par son action dans la Résistance reconnue par la sentence du Jury d'Honneur réuni à l'initiative du Comité d'Action de la Résistance et par les témoignages recueillis;

- que le régime de VICHY n'a pas eu de politique hégémonique et que la mise en cause de ce régime doit conduire à prononcer un non-lieu en sa faveur;

- que les arrestations de JUNIK, KURCHIN, HARTH et BRAUN le 27 juin 1942, l'arrestation de quatre Juifs d'origine grecque le 6 novembre 1942, l'arrestation des Juifs d'origine hongroise BLEUER, KATZ GASPAR et BRAUN en mars 1943, l'internement du Hollandais DOLLE ainsi que le convoi du 2 février 1943 ne sont pas compris dans la saisine de la Chambre d'Accusation;

- que l'article 114 du Code Pénal doit trouver application mais que dans ce cas, il justifie d'avoir agi en tant que fonctionnaire, par ordre de ses supérieurs pour des objets du ressort de ceux-ci;

- qu'aucun acte personnel ne peut lui être reproché en ce qui concerne la séquestration des Juifs internés à MERIGNAC dès lors qu'il s'agissait d'étrangers internés en application de l'ordonnance du 4 février 1940 ou pour information aux ordonnances allemandes ou encore de condamnés de droit commun;

- qu'il est fondé à invoquer l'ordre de l'autorité légitime comme le prévoyait l'article 347 du Code Pénal, la contrainte exercée par les autorités allemandes et les dispositions de l'ordonnance du 28 novembre 1944.

L'incrimination de crime contre l'humanité applicable aux faits commis avant l'entrée en vigueur du nouveau Code Pénal résulte de la loi du 26 décembre 1964 tendant à constater leur imprescriptibilité qui se réfère à la Résolution des Nations Unies du 13 février 1946 qui prend acte de la définition des crimes contre l'humanité telle qu'elle figure dans la charte du Tribunal Militaire International du 8 août 1945.

La charte du Tribunal Militaire International institué à NUREMBERG par l'accord interallié signé à LONDRES le 8 août 1945 comporte en annexe le statut de ce Tribunal dont l'article détermine les actes soumis à la juridiction du Tribunal et l'article 6 C donne la définition des crimes contre l'humanité. Ainsi constituent des crimes contre l'humanité:

'... l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tous autres actes inhumains commis contre les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rendant dans la compétence du Tribunal ou en liaison avec ce crime...'

Selon ce même texte: 'Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toute personne en exécution de ce plan...'

En premier lieu, il convient donc de procéder à la qualification des faits selon les définitions du droit commun et en second lieu, de rechercher si les faits ainsi qualifiés relèvent de la catégorie des crimes contre l'humanité.

a) qualification au regard des incriminations du code pénal

Certaines des inculpations notifiées à Maurice PAPON ne peuvent être maintenues.

En toute hypothèse en ce qui concerne les violences subies par les victimes au regard des éléments de fait, notamment l'absence d'indications sur les incapacités subies il n'est pas possible de les prendre en considération car elles ne pourraient constituer qu'un délit correctionnel insusceptible comme tel de servir de fondement à un crime contre l'humanité.

L'inculpation d'attentats aux libertés individuelles ne peut pas non plus être retenue. En effet, le fait pour un fonctionnaire français d'agir à l'instigation d'agents d'une puissance étrangère pour se rendre complice d'actes attentatoires à la liberté dans l'intérêt exclusif de la puissance occupante et pour la poursuite de sa politique criminelle à l'encontre des Juifs, rend inapplicable les dispositions de l'ancien article 114 du Code Pénal devenu article 432-4. Dès lors les arrestations et séquestrations illégales tombent uniquement sous le coup des articles 224-1 et suivants du Code Pénal.

14 octobre 1997

A l'affiche : "La Liste de Papon"

Troisième partie

L'inculpation d'enlèvements, entraînements, détournements ou délacements de mineurs de plus ou de moins de quinze ans suivis de mort ne peut non plus être retenue. En effet, depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code Pénal, cette infraction, du fait de la minorité de plus de quinze ans, et du fait que l'intention homicide avec préméditation a été retenue, doit s'analyser en l'espèce, et pour les seuls mineurs de quinze ans, en, d'une part, des crimes aggravés d'enlèvements et de séquestrations prévus et réprimés par l'article 224-5 du Code Pénal, et, d'autre part, des crimes d'assassinat, et, pour les mineurs de plus de quinze ans, en crime d'arrestation, d'enlèvement, de détention ou de séquestration prévu par l'article 224-1 du Code Pénal ainsi qu'en crime d'assassinats.

Maurice PAPON, par les actes qu'il a lui-même accomplis dans le cadre des opérations menées contre la communauté juive en donnant des instructions en vue du fichage des Juifs et en communiquant des listes de Juifs aux services de police allemands et tous renseignements nécessaires les concernant, en organisant la préparation matérielle des convois, en donnant à cette fin tous ordres de transfert et en prenant toutes réquisitions utiles, a personnellement concouru en connaissance de cause aux arrestations suivies d'internements et de déportation des 15 juillet 1942, du 20 octobre 1942, du 20 au 21 décembre 1943, du 10 janvier 1944 ainsi qu'aux séquestrations suivies de déportations de personnes déjà internées au camp de MERIGNAC du 21 août 1942, du 21 septembre 1942, du 25 novembre 1943 et 13 mai 1944 menées à l'instigation de nazis auquel il a apporté son aide et son assistance.

Les actes ou instructions de Maurice PAPON tendant à faciliter la remise ou à remettre aux autorités allemandes des personnes, dont certaines étaient mineures de quinze ans, appartenant à la communauté juive, arrêtées ou détenues à cette fin dans le camp d'internement de MERIGNAC ou son annexe de BACALAN constituent à sa charge des actes de complicité par aide et assistance des crimes d'arrestations et de séquestrations arbitraires avec la circonstance qu'une partie des victimes était mineure de quinze ans commis par les agents du IIIe Reich. Ces crimes sont caractérisés dès le moment où les responsables allemands ont obtenu la remise effective entre leurs mains des personnes concernées. Ils se sont poursuivis pendant toute la durée de la déportation de celles-ci et de leur détention dans les camps d'extermination soit plus d'un mois.

La même qualification criminelle sera retenue dans le cas où les victimes ont été exterminées avant que leur séquestration ait duré un mois, toute possibilité de libération volontaire étant exclue de ce fait.

Il ressort encore de l'instruction que l'ensemble des personnes visées par les plaintes avec constitution de partie civile ont été arrêtées et séquestrées afin d'être déportées selon un plan minutieusement préparé à l'avance dans des camps où les autorités allemandes avaient programmé leur extermination. Seules quelques-unes d'entre elles ont réussi à échapper à leur mort programmée pour des raisons indépendantes de la volonté de leurs assassins. Il ressort clairement du dossier que Maurice PAPON qui connaissait la politique maintes fois affirmée par les nazis d'éliminer le peuple juif s'est rendu complice en connaissance par aide et assistance des assassinats et tentatives d'assassinats commis par eux.

L'information a ainsi mis en évidence contre Maurice PAPON, dont les moyens de défense s'apparentent à ceux de René BOUSQUET, Jean LEGUAY, Maurice SABATIER, et au-delà à ceux des accusés de NUREMBERG, et qui n'a d'ailleurs jamais désavoué les persécutions menées contre les Juifs, des charges suffisantes de s'être rendu complice des crimes d'arrestation et de séquestration a duré plus d'un mois, de tentative d'arrestations et de séquestration arbitraires, d'assassinat et de tentative d'assassinat commis à l'instigation des autorités allemandes:

1ø - complicité d'arrestation et séquestrations illégales avec la circonstance qu'elles ont duré plus d'un mois et complicité d'assassinat concernant Timée GELLER, Samuel GELLER, Benjamin LIBRACH, Abraham Slitinsky, Anna RAWDIN, Mendel HUSETOWSKI, Euta Jeannette HUSETOWSKI, Icek FOGIEL, Rachel Louba FOGIEL, Hirsch ALISVAKS, Antoinette ALISVAKS, Sjajudko PLEVINSKI, Emmanuel PLEVINSKI, Sabatino SCHINAZI, Victor HADDAD, Mona BENAIM, Paulette BENAIM, Georgette BENAIM, Estreja TORRES, Louis TORRES, Ernest TORRES, Esther TORRES, Maklauf MOUYAL, Gaston BENAIM, LOEL Erika épouse JACOB, Max JACOB, Selma JACOB, Sarah JACOB, DAVID Rachel épouse LEVY, DA COSTA Noémie veuve LEON;

2ø - complicité d'arrestation et de séquestrations illégales ayant duré plus d'un mois avec cette circonstance que les victimes étaient mineures de quinze ans et complicité d'assassinat concernant: Bernard FOGIEL, Henri PLEVINSKI, Jeanine PLEVINSKI, Jacqueline JUNGER, Jacques JUNGER, Nelly STOPNICKI, Rachel STOPNICKI, Monique HADDAD, Jeannine HADDAD, David DRAI, Michel DRAI, Léon DRAI, Jacqueline DRAI, Louise TORRES, Raymond TORRES, Rachel TORRES, Simone TORRES et Georges TORRES;

3ø - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois et complicité d'assassinat concernant: Malko SZPECTOR épouse STALKOSKI, Dora SZPECTOR, Anna SZPECTOR, Jeanne GRUNBERG, Jacqueline GRUNBERG, Charlotte GRIFF, toutes ayant été arrêtées par les Allemands pour franchissement irrégulier de la ligne de démarcation, internées à leur demande au camp de MERIGNAC où elles ont été séquestrées illégalement puis transférées au camp de DRANCY et de là à AUSCHWITZ où elles ont été exterminées;

4ø - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois avec cette circonstance que les victimes étaient mineures de quinze ans et complicité d'assassinat concernant: Jeannette GRIFF, Maurice GRIFF, Simon GRIFF, Léon GRIFF, Arlette SZTAJNER, André SZTAJNER, tous ayant été arrêtés par les Allemands pour franchissement irrégulier de la ligne de démarcation, internés à leur demande au camp de MERIGNAC où ils ont été séquestrés illégalement puis transférés au camp de DRANCY et de là à AUSCHWITZ où ils ont été exterminés;

5ø - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois et complicité d'assassinat concernant:

- Léon LIBRACH, en requérant le commandant de Gendarmerie de BORDEAUX pour conduire l'intéressé de MERIGNAC au camp de DRANCY le 8 juillet 1942 sur des instructions de la SIPO du 9 juin 1942 qui mentionnaient sa qualité de juif et en donnant toutes directives utiles pour l'escorte et les bons de transport, le Service des Questions Juives qu'il avait sous ses ordres étant destinataire des factures concernant ce transfert.

Depuis le rapport de GARAT du 2 juillet 1942, Maurice PAPON était informé de ce que 'l'évacuation' de tous les Juifs âgés de 16 à 45 ans était ordonnée par les autorités allemandes. Léon LIBRACH a été ensuite transféré à AUSCHWITZ où il a été exterminé.

- Adolfe BENIFLA qui avait été arrêté par la police française en septembre 1941 avant la prise de fonction de Maurice PAPON et se trouvait interné au camp de MERIGNAC depuis avril 1942, qui a été transféré à DRANCY le 16 juillet 1942 puis à AUSCHWITZ le 19 juillet 1942 où il a été exterminé.

- Saadia BENAIM et Simon DRAI qui se trouvaient dans des camps de travailleurs et qui avaient été internés au camp de MERIGNAC depuis mars 1942. Ils ont été transférés à DRANCY le 26 août 1942 et de là à AUSCHWITZ le 18 septembre 1942 où ils ont été exterminés.

6ø - complicité de la séquestration illégale ayant duré plus d'un mois et tentative d'assassinat:

- de Moïse BENIFLA qui avait été arrêté en 1942 dans des circonstances ignorées, avait été séquestré au camp de MERIGNAC depuis lors puis transféré à DRANCY le 28 août 1942. Il fut ensuite interné dans plusieurs camps dont celui de PITHIVIERS, de BEAUNE-LA-ROLANDE avant d'être admis à l'Hôpital ROTHSCHILD à PARIS jusqu'à la Libération, ce qui lui permit d'échapper à sa mort programmée.

- de Jules JACOB, arrêté sur dénonciation pour infraction à la législation économique. Il avait été condamné à quatre mois et deux semaines d'emprisonnement par le Tribunal de la Feldkommandantur le 4 mai 1942 et indiqué présent au camp de MERIGNAC le 16 mai 1942. Il a été déporté à DRANCY par le convoi du 26 août 1942. Selon les déclarations de son fils il aurait été détenu dans plusieurs camps de concentration allemands jusqu'à la fin de la guerre échappant à sa mort programmée.

7ø - complicité de l'arrestation et la séquestration illégales ayant duré plus d'un mois et de la tentative d'assassinat:

- Daniel SCHINAZI qui avait été arrêté en 1942, détenu au Fort du Hâ pendant plusieurs mois avant d'être séquestré au camp de MERIGNAC. Il figure cependant sur la liste des personnes arrêtées le 23 décembre 1943. Transféré à DRANCY le 30 décembre 1943, il réussissait à s'évader en cours de route échappant à sa mort programmée.

- Robert LEON, arrêté le 11 janvier 1944, séquestré au camp de MERIGNAC, avait été transféré le 12 janvier à DRANCY d'où il sera renvoyé à BORDEAUX le 15 mai 1944 et intégré à l'organisation TODT ce qui lui permit d'échapper à sa mort programmée.

8ø - complicité de séquestration illégale ayant duré plus d'un mois de:

- René JACOB arrêté en même temps que son père Jules pour infraction, il avait été arrêté. Un avis portant le paraphe de Pierre GARAT signale son arrivée au camp de MERIGNAC le 22 avril 1942 à la SIPO. René JACOB a été libéré le 25 août 1942, ayant ainsi été séquestré arbitrairement sous l'autorité de Maurice PAPON pendant plus d'un mois.

- d'Alice Slitinsky s'étant déroulée en même temps et dans des circonstances analogues à la tentative dont était victime son frère Michel et celle-ci ayant été internée au camp de MERIGNAC du 20 octobre 1942 au 9 décembre 1942 date de sa libération.

9ø - complicité de la tentative d'arrestation illégale de Michel Slitinsky commise à BORDEAUX dans la nuit du 19 au 20 octobre 1942, Pierre GARAT ayant remis aux policiers la liste des Juifs à arrêter les policiers français accompagnés de Feldengendarmes s'étant présentés au domicile de la famille Slitinsky au vu de la liste ainsi remise et Michel Slitinsky n'ayant pu se soustraire à son sort qu'en s'échappant par les toits.

Les interventions de Maurice PAPON telles qu'énumérées à propos de l'imputabilité des faits, contrairement à ce qu'il soutient, sont antérieures ou concomittantes aux arrestations et séquestrations illégales et assassinats perpétrés à l'instigation ou par les autorités allemandes: notamment la tenue et la mise à jour du fichier des Juifs et des étrangers qui servait de base aux arrestations et leur communication aux autorités allemandes chargées de mettre en oeuvre la persécution des Juifs, contacts préalables aux arrestations massives entre le Service des Questions Juives de la préfecture et les autorités allemandes, la préparation des arrestations massives, intervention du Service des Questions Juives lors des arrestations et la participation au 'triage' des Juifs devant être déportés à DRANCY, l'organisation du transport et de la surveillance des convois par le même service.

Cette aide se rattache directement aux faits d'arrestation et de séquestration illégale et d'assassinat commis par les autorités allemandes qui n'auraient pu avoir lieu sans elle. Elle a été apportée en pleine connaissance de ce qu'elle concernait la déportation et l'extermination de membres de la communauté juive, choisis uniquement en raison de critères raciaux ou religieux, dès la note rédigée par Pierre GARAT le 2 juillet 1942 et surtout la conférence du Préfet Régional en date du 14 juillet 1942. Cette aide a été apportée personnellement par les ordres signés par Maurice PAPON ou par les instructions données par lui au Service des Questions Juives de la Préfecture.

b) QUALIFICATION AU REGARD DU CRIME CONTRE L'HUMANITE

Il convient dans un deuxième temps de rechercher si les actes de complicité criminelle pouvant être reprochés à Maurice PAPON ont été accomplis dans les circonstances, et pour les motifs qui caractérisent les crimes contre l'humanité tels que définis par l'article 6 C du statut du Tribunal Militaire International, dont la teneur a été rappelée plus haut.

Il n'est pas contestable que les arrestations et séquestrations de personnes et de mineurs de quinze ans et les transferts massifs et répétés de personnes du camp de MERIGNAC au camp de DRANCY ont eu pour victimes des personnes choisies en raison de leur appartenance à la 'race juive' ou à la 'religion israélite'.

Il convient en second lieu de rechercher si par son action, Maurice PAPON s'est volontairement et en connaissance de cause associé à une politique gouvernementale ou étatique d'extermination, de persécution inspirée par des motifs politiques raciaux ou religieux étant précisé qu'aux termes du statut au Tribunal Militaire International de NUREMBERG et de son interprétation juridictionnelle, il est de principe que seule la politique d'un pays européen de l'Axe est susceptible d'être incriminée de la sorte.

Or il ressort que dans l'ensemble des cas, dont la Chambre d'Accusation est saisie, la décision initiale d'arrestation, d'internement et de transfert à DRANCY en vue d'une déportation ultérieure à AUSCHWITZ a émané du SIPO.SD. services de sécurité nazis, organisations déclarées criminelles par jugement du Tribunal Militaire International de NUREMBERG du 1er octobre 1946; Ces deux organisations constituant des instruments de l'Etat national socialiste dans sa politique d'hégémonie idéologique.

Maurice PAPON ne saurait invoquer l'état de contrainte dans lequel il se serait trouvé. En effet si l'on peut tenir pour acquis que les exigences allemandes ont été exprimées avec énergie et détermination et dans certains cas qu'elles ont été accompagnées de menaces de représailles contre les fonctionnaires de police français, il ne ressort pas de l'instruction que les pressions ainsi faites ont été d'une telle intensité qu'elles aient pu constituer une contrainte ayant aboli le libre arbitre de Maurice PAPON.

Il convient à cet égard de relever que notamment lors des arrestations du 19 octobre 1942 où 40 personnes sur les 400 que comportait la liste établie par les autorités allemandes ou encore chaque fois que des évasions ont pu se produire soit au cours des rafles ou pendant les transferts à DRANCY aucune représaille a été exercée contre les fonctionnaires français. Ainsi à l'occasion du convoi à destination de DRANCY du 25 novembre 1943, au cours duquel 5 évasions s'étaient produites, seule une enquête administrative a été diligentée par les autorités françaises à l'encontre des membres de l'escorte.

Maurice PAPON ne peut par ailleurs se prévaloir ni de l'ordre ou de l'autorité de la loi, ni de l'ordre de son supérieur hiérarchique, l'illégalité d'un ordre en matière de crime contre l'humanité étant toujours manifeste, ni enfin d'une responsabilité propre de ses subordonnés.

La qualité de membre de la Résistance invoquée par Maurice PAPON ne permet pas d'exclure qu'il ait apporté librement et en connaissance un concours personnel aux actes criminels perpétrés par les nazis à l'encontre des Juifs.

Il s'ensuit que Maurice PAPON, haut fonctionnaire, qu'il avait accepté en connaissance de cause, la responsabilité du Service des Questions Juives de la Préfecture de la Gironde a prêté un concours actif à l'exécution de faits criminels commis par le SIPO.SD. Ce concours s'est inscrit dans le cadre d'un plan concerté pour le compte de l'Allemagne nazie, pays de l'Axe pratiquant une politique d'hégémonie. La responsabilité de Maurice PAPON est engagée du seul fait de ses agissements personnels.

Les interventions et radiations du registre des Juifs invoquées par Maurice PAPON ne sauraient constituer qu'un élément relevant de la seule appréciation des juridictions de jugement au titre de l'appréciation de la peine.

RENSEIGNEMENTS:

Maurice PAPON est né le 3 septembre 1910 à GRETZ (Seine-et-Marne). Il est le cadet d'une famille de trois enfants. son père était notaire à ROMILLY-SUR-SEINE (Aube). A la suite d'une grave maladie, il avait abandonné son étude et avait créé la Société Française de Verreries Champenoises à REIMS. Sa mère est décédée en 1931 et son père en juin 1942.

Maurice PAPON a suivi ses études secondaires d'abord au lycée Montaigne, puis au lycée Louis-le-Grand à PARIS. A terme de ses études universitaires à la Faculté de Droit et à la Faculté des Lettres de PARIS, il a obtenu sa licence en Droit ainsi que des certificats d'études supérieures de psychologie et de sociologie. En 1933 ayant repris ses études, il obtiendra un DES de Droit Public et d'Economie Politique et en 1936 le diplôme de l'Ecole des Sciences Politiques.

Il accomplit ses obligations militaires au peloton des officiers de réserve de Saint Cyr et obtient le grade de sous-lieutenant au 23e Régiment d'Infanterie Coloniale à PARIS.

Il épouse en 1932 Paulette ASSO et de cette union naîtront trois enfants.

En août 1935 Maurice PAPON est nommé rédacteur au Ministère de l'Intérieur. Il poursuivra sa carrière de la façon suivante:

- en fin 1935, il est nommé Chef de Cabinet du Directeur adjoint des Affaires Départementales et Communales, Maurice SABATIER, avec lequel il a ainsi un premier contact;

- en mai 1936, il est attaché au Cabinet du Sous-Secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil, François de TESSAN dans le Gouvernement Léon BLUM. Il conservera des fonctions au Cabinet de François de TESSAN lorsque celui-ci deviendra Sous-Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères du Gouvernement CHAUTEMPS.

- en juin 1936, il est chef de Service des Travaux des Collectivités locales contre le chômage;

- en 1938, il retrouve ses fonctions au Ministère de l'Intérieur;

- en août 1940, Maurice PAPON est mobilisé comme lieutenant au 2e Régiment d'Infanterie Coloniale qui est envoyé en SYRIE. En janvier 1940, il est affecté aux Services Spéciaux avant d'être rapatrié en métropole pour raisons de santé en octobre 1940.

La suite de sa carrière jusqu'à la Libération a été évoquée avec le fond de l'affaire.

Tout au long de l'instruction Maurice PAPON a revendiqué son appartenance à la Résistance. Il a affirmé que dès juin 1942 il était entré en relation avec Jean POITEVIN et Gustave SOUILLAC du réseau JADE-AMICOL et que par ailleurs, il était 'honorable correspondant' du réseau Marco du SR KLEBER. Il invoque la sentence du Jury d'Honneur composé de chefs ou dirigeants nationaux de la Résistance, en date du 15 décembre 1981 qui a reconnu à l'unanimité 'qu'il est indéniable que Maurice PAPON, à compter de 1943, a rendu d'importants services à la Résistance française et que certaines initiatives courageuses, si elles avaient été décelées par les autorités allemandes auraient entraîné son arrestation et sa déportation'.

Le 25 octobre 1944 le colonel OLLIVIER, chef du groupe JADE AMICOL, a délivré une attestation indiquant que Maurice PAPON a contribué en tant qu'agent depuis janvier 1943 au travail effectué par ce réseau;

le lieutenant-colonel ARNOULD, liquidateur du réseau établissait le 15 novembre 1954 un rapport détaillant les activités de Maurice PAPON à savoir: fourniture de renseignements d'ordre militaire, administratif, économique et policier, établissement de fausses pièces d'identité pour les membres du réseau ou des réfractaires, fourniture de vêtements civils pour des aviateurs alliés, libération de quinze Français résistants et soustraction de dix réfractaires au STO dont la liste était jointe. Aucune allusion n'est faite aux interventions en faveur des Juifs dont Maurice PAPON se prévaut. Il en était d'ailleurs de même dans la notice individuelle rédigée par Maurice PAPON lui-même le 13 novembre 1944.

Cependant il ne ressort de l'instruction aucune certitude quant à l'appartenance de Maurice PAPON à la Résistance.

Force est de constater, d'abord, qu'il n'a obtenu son affiliation en qualité d'agent occasionnel aux Forces Françaises Combattantes, ce à dater du 1er janvier 1943, qu'au mois de juin 1958, quelques mois après sa nomination à la Préfecture de Police de PARIS, bien des années après l'expiration des délais généralement prescrits pour l'accomplissement des procédures de liquidation des réseaux.

Bien que, dès le 25 octobre 1944, le colonel commandant le Groupe JADE-AMICOL du S.R. Interallié ait certifié que Maurice PAPON avait contribué en tant qu'agent, depuis janvier 1943, au travail effectué par le service, ce n'est qu'après maintes péripéties et rejets de demandes, illustrées par la polémique ayant longuement opposé à son sujet le Comité Départemental de la Libération au Commissaire de la République, Gaston CUSIN, à qui le Ministère de l'Intérieur avait dû rappeler qu'il y avait lieu d'appliquer à la région bordelaise l'ordonnance du 27 juin 1944 relative à l'épuration administrative,

au mois de mai 1958 que le colonel commandant le Groupe JADE-AMICOL a établi un rapport sur l'activité résistante de Maurice PAPON en expliquant que le chef direct de ce dernier, Victor SOUILLAC, ne l'avait signalée qu'en 1954 - ce qui avait donné lieu à un certificat du 15 novembre 1954.

Par ailleurs, les témoignages qu'a produits Maurice PAPON à l'appui de ses prétentions, pour la plupart d'entre eux indirects, sont entachés d'imprécisions voire de contradictions sur des points pourtant déterminants: ainsi, l'affirmation du R.P. RIQUET, qui devait d'ailleurs attendre la réunion du Jury d'Honneur pour acquérir sa conviction personnelle de la réalité des services rendus par Maurice PAPON à la Résistance, selon laquelle ce dernier aurait été mis en relation avec le Père DIEUZAYDE est combattue par la déclaration d'Alain PERPEZAT qui situe le départ de ce religieux de BORDEAUX au mois de juin de l'année 1942 et estime probable qu'il n'ait jamais rencontré le Secrétaire Général de la Préfecture; ou, encore, les versions divergentes quant à la fourniture par ce dernier de vêtements destinés à permettre la fuite d'aviateurs alliés.

En outre, parmi les diverses listes des membres des antennes locales du Réseau JADE-AMICOL ne figure jamais le nom de Maurice PAPON bien qu'au titre du groupe MONIOT soient inscrits les noms de SOUILLAC, PERPEZAT, POITEVIN, Odette MARCHAL... et alors qu'un rapport détaillé de MONIOT du 10 juin 1946 sur les activités de son réseau mentionne le nom d'autres membres de la Préfecture ou de l'Intendance de Police. Seule sur une liste nominative des agents du réseau dressée en janvier 1945 figure un certain 'PAPON' dont l'adresse est à LYON: le commandant ARNOULD, liquidateur du réseau, certifiera le 3 juin 1958 l'identité de personnes entre Maurice PAPON, Préfet de Police à PARIS, et Monsieur PAPON, signalé comme agent occasionnel du 1er janvier 1943 au 15 septembre 1944, sans s'expliquer cependant sur la singularité de l'adresse à LYON qui lui avait été alors attribuée.

Maurice PAPON n'a pas sollicité son homologation auprès du réseau KLEBER-NAP (noyautage des administrations publiques) auquel il s'est pourtant prévalu d'appartenir.

Enfin, malgré l'appréciation portée par le Chef de la SIPO de BORDEAUX, DHOSE, dont Maurice PAPON semble selon ses déclarations avoir apprécié l'intelligence et la finesse, lors de son interrogatoire le 28 juillet 1948 par les Renseignements généraux et qui estimait que si Maurice PAPON entretenait de bonnes relations, notamment avec NAHRICH, chef de la section II chargée des Juifs, mais qu'il était suffisamment habile pour ne pas se compromettre, les archives du BCRA relèvent que Maurice PAPON est contre la Résistance qu'il estime comme contraire aux intérêts du pays selon des renseignements à recouper du 21 janvier 1944, alors qu'un document établi par l'Etat-Major de l'Armée après la Libération et remis par le Colonel PAILLOLE au centre Jean-Moulin à BORDEAUX inclut Maurice PAPON dans la catégorie des collaborateurs.

Dans un autre ordre d'idées, Maurice PAPON soutient qu'il a procédé à 130 interventions individuelles ayant abouti à des radiations sur son intervention directe et à des dizaines de libérations.

Les vérifications opérées au cours de l'instruction sur des interventions précises ou l'audition de témoins cités par Maurice PAPON lui-même, comme ayant participé aux actes de sauvetage dont il aurait pris l'initiative en faveur de membres de la communauté juive, n'ont pas confirmé le bien-fondé de ces allégations.

Ainsi en ce qui concerne les actions menées par Madame EYCHENNE pour prévenir des membres de la communauté juive et par Madame CHASSAGNE qui aurait fait parvenir notamment en octobre 1942 des renseignements au Père DIEUZAYDE qui constituait le réseau JADE AMICOL: or Madame CHASSAGNE n'a travaillé à la Préfecture de BORDEAUX qu'à partir de 1943 et début 1944, de surcroît dans un service qui ne l'aurait pas amenée à avoir de contacts avec Maurice PAPON. Elle démentait avoir été contactée pour avertir des familles juives.

Madame MARTIN épouse MOQUAY, citée aussi par Maurice PAPON comme ayant transmis au Père DIEUZAYDE des listes de Juifs et de communistes destinés à la déportation a déclaré qu'elle avait travaillé à la demande du Père DIEUZAYDE dans le bureau du Commissaire POINSOT jusqu'au début de l'été 1942 au plus tard et qu'elle n'occupait plus cet emploi lors des rafles de Juifs. En outre, il résulte de ses déclarations et de celles de Monsieur PERPEZAT que le Père DIEUZAYDE avait quitté BORDEAUX en juin 1942, soit avant l'arrivée de Maurice PAPON soit au tout début de son séjour.

Quant à Madame EYCHENNE, décédée, il n'est pas vraisemblable qu'elle ait pu avertir des familles juives menacées de déportation. En effet, il ressort de l'instruction que son mari qui travaillait au Service des carburants de la Préfecture était devenu membre de la MILICE.

Madame THERS épouse JEUNET, témoin entendue à la demande de Maurice PAPON, avait affirmé avoir avisé à la demande de celui-ci une famille juive sans pour autant en préciser l'identité. Les investigations menées permettaient d'établir qu'il s'agissait de Madame BARGUES épouse D'HONDT qui contestait les propos de Madame THERS et affirmait avoir été aidée en réalité par Madame SOULAGE aujourd'hui décédée et par Madame BEQUIGNON qui a témoigné dans le même sens.

Madame SOULLIE a relaté dans sa déposition que Madame BOULUGUET HAZERA lui avait fourni des renseignements qu'elle lui avait dit provenir de Maurice PAPON. Or, il résulte d'une lettre du 8 mai 1980 adressée par le Président de l'Association Nationale des Amis de Jean MOULIN à Monsieur Jacques CHABAN-DELMAS que Madame BOULUGUET HAZERA ne figurait pas sur la liste des membres du réseau JADE-AMICOL et qu'elle aurait 'travaillé' pour le SD.

En ce qui concerne le souci de limiter au maximum les arrestations, il a été vu plus haut qu'en plusieurs occasions le Service des Questions Juives de la Préfecture a fait au contraire marque d'un certain zèle dans l'application des mesures qui lui étaient demandées (cas de la famille WEISS en juillet 42, maintien au camp de MERIGNAC de Daniel SCHINAZI malgré un rapport de la SEC ayant conclu à ce qu'il devait être considéré comme non juif et l'accord de la SIPO pour sa radiation du registre des Juifs).

Les documents relatifs aux radiations du registre des Juifs, saisis dans le cadre de l'instruction établissent que seules pouvaient obtenir leur radiation après un long délai, ce qui comportait des risques évidents compte tenu des arrestations et des déportations, les personnes qui apportaient les justificatifs prévus par la législation alors en vigueur. Ainsi Madame SNITER épouse VIEILLARD, mariée à un Juif mais non juive, a dû produire de multiples justifications et entreprendre des démarches qui se sont étalées sur 18 mois avant d'obtenir sa radiation. Ou encore Marie SILVA épouse REILLE qui bien que mentionnée comme non juive dès le 21 octobre 1941, se voyait à nouveau inscrite sur le registre des Juifs à la demande de Pierre GARAT avant d'être déportée le 21 septembre 1952. Elle fut libérée d'AUSCHWITZ sur intervention de M. ADMIRAND, directeur de la SEC, qui devra à nouveau intervenir pour qu'elle obtienne de la Préfecture des papiers d'identité ne comportant pas la mention 'Juifs'. De multiples exemples recueillis au cours de l'instruction établissent que les radiations n'étaient opérées qu'après accord de la SIPO qui était consultée par le Service des Questions Juives.

Le 17 décembre 1943, le Grand Rabbin COHEN réussissait à échapper à la police allemande qui s'apprêtait à l'arrêter. Au cours d'un interrogatoire du 6 septembre 1989, Maurice PAPON déclarait qu'au vu des informations recueillies par Pierre GARAT concernant les menaces dont faisait l'objet le Grand Rabbin COHEN, Maurice SABATIER et lui-même l'avaient mis en sécurité à l'Archevêché de BORDEAUX où Monseigneur FELTIN l'avait hébergé jusqu'à la fin de la guerre.

Entendu le 14 mai 1947, dans le cadre de l'information suivie contre Lucien DEHAN, le Grand Rabbin COHEN décrivait les conditions dans lesquelles il s'était échappé lors de son arrestation. Il ne mentionnait ni l'intervention de Maurice SABATIER et de Maurice PAPON ni son hébergement par Monseigneur FELTIN. Les allégations de Maurice PAPON encore ont été démenties de façon formelle par Sahra COHEN et Michel COHEN, les enfants du Grand Rabbin COHEN, entendus dans le cadre de la présente instruction, qui ont indiqué que le 17 décembre 1943, leur père avait réussi à quitter son logement au moment où la police allemande s'apprêtait à l'arrêter. Il avait réussi à gagner l'hôpital Saint-André où sa femme était hospitalisée sous la protection du Directeur de l'établissement Monsieur COQUERIOUX. Ils s'étaient d'abord réfugiés chez Madame LARIGAUDIERE puis auprès de la famille FAVRE. Michel COHEN avait fourni à ses parents de faux papiers pour qu'ils franchissent la ligne de démarcation et le Grand Rabbin COHEN avait pu rester caché jusqu'à la Libération chez le Docteur de MORANGIES à SAINT-PRIVAT-D'ALLIER à la suite de l'intervention de Monseigneur MARTIN, Evêque du Puy, tandis que son épouse était abritée en Saône-et-Loire. Enfin, les déclarations des enfants du Grand Rabbin ont été confirmées par le témoignage de Madame FAVRE épouse CHAILLOUX, fille des époux FAVRE. D'ailleurs Maurice PAPON lors de son interrogatoire du 30 mars 1995 modifiait ses déclarations.

Il convient de noter que le rapport du 15 novembre 1954 du lieutenant-colonel ARNOULD, liquidateur du réseau JADE-AMICOL auquel Maurice PAPON se prévaut d'avoir été affilié, ne mentionne pas l'activité qu'il aurait pu avoir en faveur des Juifs. De même l'état nominatif des Français libérés sur intervention de Maurice PAPON ne fait pas état de Juifs parmi les personnes soustraites à la déportation.

Si Maurice PAPON se prévaut d'avoir utilisé des cars et des wagons de voyageurs lors des transferts à DRANCY dans un but humanitaire et à la demande du Grand Rabbin COHEN, il convient cependant de noter que les wagons de voyageurs n'ont été utilisés que pour certains convois.

Les autres, notamment celui du 12 janvier 1944, se sont déroulés dans les conditions matérielles particulièrement dégradantes décrites par le commissaire civil de la gare Saint-Jean et par le chef d'escorte GOMILA. D'ailleurs Pierre GARAT transmettait aux autorités allemandes le 11 février 1943 un rapport du Commandant JOLIOT préconisant l'emploi de trains express uniquement pour des raisons de sécurité. Quant à l'emploi de cars pour le transfert du camp de MERIGNAC à DRANCY il s'explique par le souci de ne pas choquer l'opinion française par le fait que des rafles touchant toute une population y compris des vieillards et des enfants soient vues du public qui, comme le soulignait le préfet délégué BOUCOIRAN dans un rapport du 12 février 1944, déplorait le recours à la police française.

Après guerre, la carrière de Maurice PAPON s'est poursuivie dans les conditions suivantes:

- en octobre 1945, il est chargé des fonctions de Sous-Directeur de l'Algérie au Ministère de l'Intérieur puis de Chef de Cabinet exerçant les fonctions de Chef Adjoint de la commission des Antilles Guyane;

- le 21 janvier 1947 il est nommé Préfet de la Corse;

- d'octobre 1949 à début 1952, il occupe les fonctions de Préfet de Constantine;

- en 1952, il est nommé, Secrétaire général de la Préfecture de police de PARIS;

- de mai 1954 à juillet 1955, il est nommé Secrétaire général du Résident Général au Maroc;

- resté sans affectation quelque temps, il est élu Maire de GRETZ;

- en mars 1956, il devient Conseiller Technique du Cabinet du Secrétaire d'Etat à l'Intérieur;

- en mai 1956, il est à nouveau nommé Préfet, Inspecteur général de l'administration en mission extraordinaire pour la Région de l'Est Algérien à Constantine;

- en mars 1958, il devient Préfet de Police à PARIS, fonctions qu'il occupe jusqu'en 1967;

- en 1967-1968, placé en position hors cadre, il devient PDG de Sud Aviation et administrateur de Société d'Etudes de la Propulsion par réaction (SEPR);

- A sa retraite, en 1972, il reçoit le titre de Préfet de Police Honoraire.

Dès 1967, Maurice PAPON entame une carrière politique. En juin 1968, il est élu député de SAINT-AMAND-MONTROND dans le Cher. Il est réélu dans cette circonscription en 1973 et 1978 comme candidat de la majorité d'alors. En 1972, il est élu Président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale et de 1973 à 1978, Rapporteur Général du Budget dans le cabinet de Raymond BARRE. De 1978 à 1981, il est Ministre du Budget. De 1971 à 1988, il est Maire de SAINT-AMAND-MONTROND (Cher).

Depuis 1981, il est Président du Conseil d'Administration d'une société anonyme déployant son activité dans le domaine de la verrerie.

Maurice PAPON est titulaire de nombreuses décorations françaises et étrangères notamment: commandeur de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre national du mérite, croix de la valeur militaire avec palme, croix de combattant volontaire de la Résistance.

La valeur professionnelle de Maurice PAPON est reconnue par tous; il a fait l'objet d'appréciations élogieuses et a été considéré comme un haut fonctionnaire brillant et de très grande valeur. Les témoins entendus à sa demande ont exprimé leur haute estime pour Maurice PAPON tant au plan professionnel qu'au plan humain.

Maurice PAPON a déféré à la convocation des experts psychiatres commis par le conseiller instructeur mais s'est refusé à toute exploration séméiologique de système de sa personnalité et de sa biographie. Les experts ont cependant conclu à ce que l'examen psychiatrique de l'intéressé ne met en évidence aucune manifestation clinique réalisant une maladie mentale évolutive ou constituée à la date du 5 juin 1989 et qu'il n'est apporté aucun élément permettant de penser que le sujet ait souffert de troubles mentaux au moment des faits qui lui sont reprochés.

PAR CES MOTIFS:.

LA CHAMBRE D'ACCUSATION, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant en Chambre du Conseil:.

Vu les articles 197, 198, 206, 210, 211, 214, 215, 216 et 217 du Code de Procédure Pénale,.

DIT que les mémoires des parties civiles et spécialement celui des parties civiles MATISSON, Slitinsky et autres ont été régulièrement déposés.

DIT que la procédure est régulière.

CONSTATE qu'elle n'est saisie que des faits visés dans les plaintes avec constitution de partie civile des 8 décembre 1981, 27 mars 1982, 15 avril 1982, 18 avril 1982, 19 avril 1982, 25 avril 1982 et de PAPO André déposé en avril 1982, le réquisitoire introductif du 29 juillet 1982 et les arrêts de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation des 11 février 1987, 9 décembre 1987 la désignant ainsi que par les plaintes avec constitution de partie civile des 18 novembre 1988, 3 février 1990 et 16 mai 1990 ayant donné lieu aux arrêts des 26 avril 1989 et 19 décembre 1990.

CONSTATE l'extinction de l'action publique par suite de leur décès en ce qui concerne Jean LEGUAY, Norbert TECHOUEYRES et René BOUSQUET.

REÇOIT en leur constitution de partie civile l'Association Indépendante Nationale des Anciens Déportés et Internés juifs, l'Amicale des Anciens Déportés Juifs de France, Internés et Familles de disparus, l'Association Amicale des Déportés d'Auschwitz et des camps de Haute Silésie, l'Association Fédération des Sociétés juives de France et l'Union des Etudiants juifs de France.

DIT n'y avoir lieu à suivre contre Maurice PAPON du chef de crime contre l'humanité en s'étant rendu complice de violences criminelles.

DIT que les faits poursuivis sous la qualification d'attentats aux libertés et d'enlèvements ou détournements de mineurs par fraude ou violences suivies de mort constituent en réalité les crimes de complicité d'arrestation et de séquestration a duré plus d'un mois, et que partie des victimes étaient mineures de quinze ans et de complicité d'assassinat.

DIT en conséquence qu'il résulte des pièces de la procédure et de l'instruction charges suffisantes contre Maurice PAPON d'avoir commis des crimes contre l'humanité en s'étant:

1ø) à BORDEAUX, courant juillet 1942 et jusqu'au 13 mai 1944 rendu complice des arrestations effectuées sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi par les représentants et agents du gouvernement allemand à l'encontre de personnes d'origine juive en fournissant sciemment aux auteurs de ces crimes l'aide et l'assistance nécessaires à la préparation ou à la consommation de leur action, en l'espèce en participant par des actes personnels et des instructions données à ses subordonnés aux opérations nécessaires aux arrestations arbitraires de:

Léon LIBRACH, RADWIN Liba ou Luba Rachel épouse FOGIEL, FOGIEL Jean Icek, HUSETOWSKI Abram Mendel, RAWDIN Jeannette Euta épouse HUSETOWSKI, MATISSON Antoinette épouse ALISVAKS, ALISVAKS Henri Hirsch, PLEVINSKI Sjajudko, PLEVINSKI Emmanuel, LIBRACH Benjamin, RAWDIN Anna, Slitinsky Abraham, GELLER Samuel, Slitinsky Alice, GELLER Timée, SCHINAZI Sabatino, HADDAD Victor, ELBAZ Nouna épouse BENAIM, BENAIM Georgette Messaouda, TORRES Estreya, TORRES Louis, TORRES Ernest, TORRES Esther, LEON Robert, LOEL Erika épouse JACOB, JACOB Max, JACOB Sehma, Jacob Sarah, MOUYAL Maklouf, DAVID Rachel épouse LEVY, DA COSTA Noemie épouse LEON, BENAIM Gaston Elie, SCHINAZI Daniel, LEON Robert.

Lesdites arrestations illégales ayant consisté en actes inhumains et en persécutions entrant dans le cadre d'un plan concerté et commis de façon systématique au nom et pour le compte d'un état pratiquant une politique d'hégémonie idéologique à l'encontre de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse et ayant ainsi revêtu le caractère de crimes contre l'humanité.

2ø) à BORDEAUX, courant juillet 1942 et jusqu'au 13 mai 1944 rendu complice des arrestations effectuées sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi par les représentants et agents du gouvernement allemand à l'encontre de personnes d'origine juive en fournissant sciemment aux auteurs de ces crimes l'aide et l'assistance nécessaires à la préparation ou à la consommation de leur action, en l'espèce en participant par des actes personnels et des instructions données à ses subordonnés aux opérations nécessaires aux arrestations arbitraires de:

PLEVINSKI Henri né le 8 juillet 1933, plevinski jeanne née le 16 août 1938, STOPNICKI Nelly née le 8 avril 1937, STOPNICKI Rachel née le 9 avril 1940, JUNGER Ida Jacqueline née le 29 novembre 1934, JUNGER Jacques né le 20 octobre 1938, FOGIEL Bernard né le 12 juillet 1936, HADDAD Monique née le 19 août 1940, HADDAD Jeanine née le 30 janvier 1942, BENAIM Paulette Rachel née le 28 février 1930, DRAI Michel né le 5 avril 1942, DRAI David né le 5 décembre 1932, DRAI Léon né le 12 février 1935, DRAY Jacqueline née le 7 février 1939, TORRES Georges né le 15 août 1940, TORRES Simone née le 25 avril 1938 TORRES Rachel née le 9 mars 1936, TORRES Louise née le 16 décembre 1930, TORRES Marcel né le 6 novembre 1929, TORRES Raymond né le 26 avril 1935,

- avec cette circonstance que les intéressés étaient mineurs de quinze ans au moment des faits,

- lesdites arrestations illégales ayant consisté en actes inhumains et en persécutions entrant dans le cadre d'un plan concerté et commis de façon systématique au nom et pour le compte d'un état pratiquant une politique d'hégémonie idéologique à l'encontre de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse et ayant ainsi revêtu le caractère de crimes contre l'humanité.

3ø) à BORDEAUX, courant juillet 1942 et jusqu'au 13 mai 1944 rendu complice des séquestrations effectuées sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, par les représentants et agents du gouvernement allemand à l'encontre de personnes d'origine juive en fournissant sciemment aux auteurs de ces crimes l'aide et l'assistance nécessaires à la préparation ou à la consommation de leur action, en l'espèce en participant par des actes personnels et des instructions données à ses subordonnés aux opérations nécessaires aux séquestrations arbitraires de:

Léon LIBRACH, RAWDIN Liba ou Luba Rachel épouse FOGIEL, FOGIEL Jean Icek, HUSETOWSKI Abram Mendel, RAWDIN Jeannette Euta épouse HUSETOWSKI, MATISSON Antoinette épouse ALISVAKS, ALISVAKS Henri Hirsch, PLEVINSKI Sjajudko, PLEVINSKI Emmanuel, GRUNBERG Jacqueline, LOCKER Jeanne épouse GRUNBERG, LIBRACH Benjamin, BENIFLA Adolfe, BENIFLA Moïse Maurice, BENAIM Saadia, DRAI Simon, WIERNICK Krejulda Charlotte épouse GRIFF, JACOB Jules, SPEKTOR Malka épouse STALKOSKI, SPEKTOR Dora épouse STALKOSKI, SPEKTOR Anna, RAWDIN Anna, Slitinsky Abraham, GELLER Samuel, Slitinsky Alice, GELLER Timée, SCHINAZI Sabatino, HADDAD Victor, ELBAZ Nouna épouse BENAIM, BENAIM Georgette Messaouda, TORRES Estreya, TORRES Louis, TORRES Ernest, TORRES Esther, LEON Robert, LOEL Erika épouse JACO B, JACOB Max, JACOB Sehma, Jacob Sarah, MOUYAL Maklouf, DAVID Rachel épouse LEVY, DA COSTA Noemie épouse LEON, BENAIM Gaston Elie, SCHINAZI Daniel, LEON Robert, René JACOB,

- avec cette circonstance que lesdites séquestrations arbitraires ont duré plus d'un mois,

- lesdites séquestrations illégales ayant consisté en actes inhumains et en persécutions entrant dans le cadre d'un plan concerté et commis de façon systématique au nom et pour le compte d'un état pratiquant une politique d'hégémonie idéologique à l'encontre de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse et ayant ainsi revêtu le caractère de crimes contre l'humanité.

4ø) à Bordeaux, courant juillet 1942 et jusqu'au 13 mai 1944 rendu complice des séquestrations effectuées sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, par les représentants et agents du gouverment allemand à l'encontre de personnes d'origine juive en fournissant sciemment aux auteurs de ces crimes l'aide et l'assistance nécessaires à la préparation ou à la consommation de leur action, en l'espèce en participant par des actes personnels et des instructions données à ses subordonnés aux opérations nécessaires aux séquestrations arbitraires de:

PLEVINSKI Henri né le 8 juillet 1933, PLEVINSKI Jeanne née le 16 août 1938, GRIFF Jeannette 1937, GRIFF Léon né le 19 janvier 1941, GRIFF Maurice né le 30 octobre 1935, STOPNICKI Nelly née le 8 avril 1937, STOPNICKI Rachel née le 9 avril 1940, JUNGER Ida Jacqueline née le 29 novembre 1934, JUNGER Jacques né le 20 octobre 1938, STAJNER Arlette née le 6 décembre 1939, STAJNER André né le 30 mars 1942, FOGIEL Bernard né le 12 juillet 1936, HADDAD Monique née le 19 août 1940, HADDAD Jeanine née le 30 janvier 1942, BENAIM Paulette Rachel née le 28 février 1930, DRAI Michel né le 5 avril 1942, DRAI David né le 5 décembre 1932, DRAI Léon né le 12 février 1935, DRAI Jacqueline née le 7 février 1939, TORRES Georges né le 15 août 1940, TORRES Simone née le 25 avril 1938 T ORRES Rachel née le 9 mars 1936, TORRES Louise née le 16 décembre 1930, TORRES Marcel né le 6 novembre 1929, TORRES Raymond né le 26 avril 1935.

- avec cette circonstance que lesdites séquestrations arbitraires ont duré plus d'un mois,

- avec cette circonstance que les intéressés étaient mineurs de quinze ans au moment des faits,

- lesdites séquestrations illégales ayant consisté en actes inhumains et en persécutions entrant dans le cadre d'un plan concerté et commis de façon systématique au nom et pour le compte d'un état pratiquant une politique d'hégémonie idéologique à l'encontre de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse et ayant ainsi revêtu le caractère de crimes contre l'humanité.

5ø) à Bordeaux le 20 octobre 1942, rendu complice de la tentative d'arrestation illégale de Slitinsky Michel effectuée sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, par les représentants et agents du gouvernement allemand en raison de son origine juive, en fournissant sciemment aux auteurs de ce crime l'aide et l'assistance nécessaires à la préparation ou à la consommation de leur action, en l'espèce, en participant par des actes personnels et des instructions données à ses subordonnés aux opérations nécessaires à l'arrestation de Slitinsky Michel, laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantess de la volonté de leurs auteurs en l'espèce la fuite de Michel Slitinsky.

Ladite tentative d'arrestation illégale ayant consisté en actes inhumains et en persécutions entrant dans le cadre d'un plan concerté et commis de façon systématique au nom et pour le compte d'un état pratiquant une politique d'hégémonie idéologique à l'encontre de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse et ayant ainsi revêtu le caractère de crimes contre l'humanité.

6ø) A Bordeaux courant 1942 et jusqu'au 13 mai 1944 rendu complice des meurtres avec préméditation commis par les représentants ou agents du gouvernement allemand à l'encontre de personnes d'origine juive en fournissant sciemment aux auteurs de ces crimes l'aide et l'assistance nécessaires à la préparation ou à la consommation de leur action, en l'espèce en participant par des actes personnels et des instructions données à ses subordonnés aux opérations nécessaires aux meurtres avec préméditation de:

Léon LIBRACH, RAWDIN Liba ou Luba Rachel épouse FOGIEL, FOGIEL Jean Icek, HUSETOWSKI Abram Mendel, RAWDIN Jeannette Euta épouse HUSETOWSKI, MATISSON Antoinette épouse ALISVAKS, ALISVAKS Henri, Hirsch, PLEVINSKI Sjajudko, PLEVINSKI Emmanuel, GRUNBERG Jacqueline, LOCKER Jeanne épouse GRUNBERG, LUBRACH Benjamin, BENIFLA Adolfe, BENAIM Saadia, DRAI Simon, WIERNICK Krejulda Charlotte épouse GRIFF, JACOB Jules, SPEKTOR Malka épouse STALKOSKI, SPEKTOR Dora épouse STALKSKI, SPERKTOR Anna, RAWDIN Anna, Slitinsky Abraham, GELLER Samuel, GELLER Timée, SCHINAZI Sabatino, HADDAD Victor, ELBAZ Nouna épouse BENAIM, BENAIM Georgette Messaouda, TORRES Estreya, TORRES Louis, TORRES Ernest, TORRES Esther, LOEL Erika épouse JACOB, JACOB Max, JACOB Sehma, JACOB Sarah, MOUYAL Maklouf, DAVID Rachel épouse LEVY, DA COSTA Noemie épouse LEON, BENAIM Gaston Elie, BENIFLA Adolfe, BENAIM Sadia, PLEVINSKI Henri, PLEVINSKI Jeanne, GRIFF Jeannette, GRIFF Simon, GRIFF Léon, GRIFF Maurice, STOPNICKI Nelly, STOPNICKI Rachel, JUNGER Ida Jacqueline, JUNGER Jacques, STAJNER Arlette, STAJNER André, FOGIEL Bernard , HADDAD Monique, HADDAD Jeanine, BENAIM Paulette Rachel, DRAI Michel, DRAI David, DRAI Léon, DRAI Jacqueline, TORRES Georges, TORRES Simone, TORRES Rachel, TORRES Louise, TORRES Marcel, TORRES Raymond,

- lesdits meurtres avec préméditation ayant consisté en actes inhumains et en persécutions entrant dans le cadre d'un plan concerté et commis de façon systématique au nom et pour le compte d'un état pratiquant une politique d'hégémonie idéologique à l'encontre de personnes choisies en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse et ayant ainsi revêtu le caractère de crimes contre l'humanité.

PRONONCE la mise en accusation de Maurice Papon et le Renvoie devant la Cour d'Assises du département de la Gironde pour y être jugé.

En Conséquence,

Ordonne que par tout huissier de justice ou par tout agent de la force publique le nommé:

PAPON Maurice

né le 3 septembre 1910 à GRETZ-ARMAINVILLIERS (Seine-et-Marne), fils d'Arthur et de DUSSIAU Marie, domicilié 42, avenue Bugeaud à Paris (75016), et élisant domicile dans la procédure chez Me ROUXEL, 19, rue Montbazon à Bordeaux (Gironde),

sera pris au corps et conduit à la Maison d'Arrêt près la Cour d'Assises du département de la GIRONDE et écroué sur le registre de ladite Maison d'Arrêt.

DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.

PRONONCE au Palais de Justice à Bordeaux, en Chambre du Conseil, le dix huit septembre mil neuf cent quatre-vint-seize, où la Chambre d'Accusation se trouvait composée comme à l'audience des six, sept, huit et neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-seize de:

Monsieur ARRIGHI, Président de la Chambre d'Accusation;

Mesdames LEOTIN et FORCADE, Conseillers, tous trois désignés conformément aux dispositions de l'article 191 du Code du Procédure Pénale,

en présence de Monsieur DESCLAUX, Procureur Général,

assistés de Mademoiselle BELOT, Premier Greffier.

Le présent arrêt a été signé par le Président et le Premier Greffier.


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Page mise à jour le 14 octobre, 2002

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