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date dernière modification : 20/10/02

Chronique du 12 novembre 1997

Papon un menteur et un escroc

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12 novembre 1997

Papon un menteur et un escroc

photo Caroline Blumberg, Wit F.M.

Aujourd’hui, le ton est monté d’un cran, à la même mesure que Papon s’enfonçait lui-même d’un cran. Maître Boulanger s’emporte, quand Papon n’arrête pas de citer le rapport d’experts annulé lors de la première procédure. Le président Castagnède rappelle que l’accusé a le droit de mentir. Mais le clash survient, quand Maître Levy accuse Papon d’être un menteur quand il parle de sa responsabilité.

Papon offusqué en appelle alors au président Castagnède " Demandez à Maître Levy de retirer que je suis un menteur. "

Maître Levy " Non seulement, je confirme que vous êtes un menteur, mais qu’en plus vous vous êtes comporté en escroc sur le cas d’Alice Slitinsky, sœur d’une partie civile. "

Papon " Maître Levy est indigne de figurer dans cette Cour d’Assises. "

Le président Castagnède " Ce qu’a dit Maître Levy résulte d’une autorité de droit. Ce que je dis, c’est que l’accusé ne prête pas serment et il a le droit lui de mentir, cela fait partie de ses droits. "

L’audience reprend immédiatement par une intervention de l'avocat général Robert. Je constate que, depuis quelques jours, il n’y a plus d’incidents contentieux, qui viennent troubler le début des débats.

L'avocat général Robert " Nous avions étudié les attributions de Papon, et constaté l’ampleur de celles-ci. Le ministère public a prouvé que cette délégation a été exercée sans remise en cause, alors que l’accusé pouvait faire jouer une clause de conscience, ce qu’il n’a jamais fait et ce jusqu’à Mai 44, à quelques semaines du débarquement. Papon avait le pouvoir sur le service des questions juives, pour procéder à des enquêtes et signer des ordres d’internement. Papon soutient qu’il n’avait aucun pouvoir de police ni d’arrestation, car les forces de police étaient placées sous les ordres du préfet régional Sabatier. Réitère-t-il ses déclarations aujourd’hui ? "

Papon " Oui, je les réitère. Il a été prouvé et reconnu par le Jury d’honneur, par les experts commis dans cette affaire, et par Sabatier lui-même, devant le magistrat instructeur. Le fait est établi de façon indiscutable que je n’avais aucune responsabilité. "

L'avocat général Robert " Donc, si on suit l’accusé, chaque fois qu’il est nécessaire de donner un ordre ou une instruction d’internement d’une personne, ce n’est pas lui mais le préfet régional qui le fait ? "

Papon " Oui, par le simple bon sens. "

L'avocat général Robert " Nous allons voir de façon empirique comment ont été exercés les pouvoirs. Prenons par exemple, la première division - administration et police, le deuxième bureau - police administrative. Ce deuxième bureau avait-il des attributions d’internement de droits communs, comme par exemple, les souteneurs et les proxénètes ? "

Papon " Oui, je le confirme, il y avait une différence entre la police administrative et la police opérationnelle. La police administrative est dans un bureau de la préfecture, composée de fonctionnaires, elle s’occupe des internements pour les droits communs et des reconduites à la frontière pour les Espagnols. Pour l’exécution, c’est la police opérationnelle qui active les décisions, elle est composée de gens de police, sous les ordres de l’intendant régional de police. "

L'avocat général Robert " J’en tire les conséquences que le deuxième bureau opérait des internements de droits communs et était placé sous l’autorité du secrétaire général. "

Papon " Oui. "

L'avocat général Robert " Je cite deux courriers de ce service, datés du 22 janvier et du 18 février 1943, par lesquels vous demandez à l’intendant régional de police de prendre des mesures de surveillance des prisons-hôpitaux et des détenus concernés et de rendre compte. "

Papon " Il me faut les pièces pour voir. Les attributions des préfets régionaux n’étaient pas très nettes ni ponctuelles. Les locaux pénitentiaires étaient en très mauvais état. D’ailleurs, cela n’a pas changé aujourd’hui, j’ai pu m’en rendre compte récemment. Je me souviens même de la visite que j’ai effectuée, à l’époque, du fort du Hâ, dans lequel, il valait mieux ne pas entrer. Les détenus étaient dans un état lamentable. Et vérification faite, sur huit détenus, nous en avons fait libérer six qui n’avaient rien à y faire. "

Eliane me glisse : " tiens tiens, il avait le pouvoir de libérer les gens mais pas de les interner. " Il faut dire qu’Eliane a de quoi être amère, car, enfant elle est passée par le fort du Hâ. Mais ce ne devait pas être le même Papon qui l’avait fait interner.

L'avocat général Robert " Le 2 juillet 1943, vous adressez de nouvelles instructions à l’intendant régional de police, en vue de prévoir l’évacuation éventuelle des locaux à cause des bombardements au gaz toxique que vous redoutiez à l’époque. Vous envoyez même une lettre de rappel et demandez de rendre compte dans les plus brefs délais ? "

Papon " Oui, mais par délégation du préfet. "

L'avocat général Robert " Ce qui m’intéresse, c’est que c’est le secrétaire général qui signe. "

Papon " Oui, mais par délégation du préfet. "

L'avocat général Robert " Oui, c’est votre signature habituelle. Le 8 décembre 1943, je ne sais pas si l’accusé s’en souvient, Bousquet adresse une instruction aux préfets pour qu’ils surveillent attentivement les établissements hospitaliers, parce qu’il s’y trouve beaucoup de prisonniers politiques, de Juifs et de résistants hospitalisés. Est-ce que Papon se souvient qu’il a donné les ordres correspondants à l’intendant régional de police ? "

Papon " Que fait un préfet ? Il envoie ses instructions à l’intendant régional de police. Il joue le rôle de facteur. " Puis Papon explique que, sur ce point, il a tout fait pour freiner la mesure parce que, lui, un grand résistant, se servait de l'hôpital de Château Picon pour héberger des aviateurs américains et des résistants.

L'avocat général Robert " Moi, j’ai une autre explication plus conforme à la réalité. En janvier 1943, vous avez fait arrêter déjà des mesures de police, qui avaient précédé des mesures générales. Puis Papon fait l’éloge de Duchon, un patriote " on travaillait avec lui avec des clins d'œil. "

L'avocat général Robert continue à interroger Papon sur les activités du troisième bureau, la police des étrangers, en citant une série d’ordres d’expulsion ou d’avertissements envers des Espagnols.

Ce à quoi Papon répond, " Pendant l’occupation, un avertissement, ce n’était pas grand chose. "

Puis l'avocat général Robert aborde les transferts vers Mérignac.

Papon " Il valait mieux Mérignac que le fort du Hâ, parce que les Allemands y prenaient des otages. "

L'avocat général Robert " Je souligne juste que vous signiez des ordres de transfert de prisonniers. "

Papon " Oui, mais par délégation du préfet. "

Le président Castagnède " Il se renouvelle une erreur dans vos propos, Papon, vous dites le préfet, sous votre signature, saisit directement l’intendant régional de police. "

Papon " Oui. "

Le président Castagnède " Je constate juste que c’est en contradiction avec vos propos sur l’étendue de vos pouvoirs et ceux du préfet. Que cela se reproduit souvent et même très souvent. "

Papon " Ce qui m’étonne, c’est que vous ne montriez que les actes signés par moi, et pas ceux de Chapel, de Sabatier ou de Boucoiran. "

L'avocat général Robert " Il est normal qu’on parle de vos pièces, à partir du moment où vous contestez avoir autorité sur des services, alors que les pièces prouvent le contraire. Vous avez bien signé des demandes d’internement, c’est tout. "

Papon " Pour dix de mes signatures, il y en a cent de Boucoiran et de Chapel "

L'avocat général Robert " Le problème pour vous, c’est que dans le dossier, je ne vois aucune signature de Sabatier et une seule de Boucoiran "

Papon " ... "

L'avocat général Robert " J’ai, ici un ordre d’arrestation, adressé au commissariat d’Arcachon pour interner une ressortissante belge et demandant de rendre compte. "

Papon " C’est un internement en attente de son expulsion, c’est regrettable, mais pas scandaleux. "

L'avocat général Robert " Ici, la gendarmerie est saisie directement par vous pour un ordre de conduite, de transfert et d’internement. Vous reconnaissez cet ordre ? "

Papon " Je ne m’en souviens pas. Il s’agit de quelle commune ? "

L'avocat général Robert " Bordeaux. "

Papon " Il se peut que je l’ai signé, on ne va discutailler dessus. "

Maître Varaut " Il s’agit d’un internement administratif. "

L'avocat général Robert " L’important n’est pas le fond, je le répète. Papon n’est pas poursuivi pour ces crimes-là. Mais le fait est qu’il a bien signé des ordres d’internement. " Puis, il cite encore un certain nombre d’ordres d’internement, ponctué par des " Là aussi, rien d’exceptionnel dans cette affaire. ", ou des " Oui, mais par délégation du préfet. " typiquement paponesques.

A un moment, Papon s’adresse pathétique à l'avocat général Robert " Je vous demande au moins de reconnaître que le Jury d'honneur, les experts commis et Sabatier ont reconnu que je n’avais aucun pouvoir de police. "

L'avocat général Robert " Nous constatons qu’il y a une réalité du dossier, et où vous signez des ordres d’internement. Le Jury d'honneur ne le savait pas. "

Papon " Le Jury d'honneur avait toutes les pièces. "

Nos avocats unanimes " C’est faux. "

Maître Varaut " Il les avait toutes. "

L'avocat général Robert " Ecoutez, le Jury d'honneur s’est réuni en 1983, à l’époque, il n’y avait encore très peu pour ne pas dire aucune pièce au dossier. "

Puis l'avocat général Robert aborde les arrêtés d’expulsion, puis le service d’occupation et les ordres de conduite devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur, (d’après Michel Slitinsky, ils étaient très nombreux) les ordres d’internement et d’arrestation, toujours ponctués par des " Là aussi, rien d’exceptionnel dans cette affaire. ", ou des " Oui, mais par délégation du préfet. "

L'avocat général Robert aborde à un moment un point important " Les différentes autorités de police n’ont jamais contesté la validité de votre signature ? ". Puis remis en cause par Papon sur sa méthode " Vous êtes accusé de crimes contre l’humanité, à la base de ces crimes, il y a des ordres revêtus de votre signature. "

On aborde ensuite les pouvoirs de Papon sur les camps, pour en arriver enfin au service des questions juives.

L'avocat général Robert " Nous venons de conclure sur la nature de vos attributions quand vous donnez des instructions d’enquêtes, des ordres d’internement, d’arrestation. Cela est aussi vrai pour le service des questions juives de 1942 à 1944. "

Papon " Oui. "

L'avocat général Robert " Vous ne contestez pas que vous donniez des ordres, mais cette fois, avec d’autres conséquences. "

Papon " Des conséquences dramatiques. "

On évoque un ordre de mise en œuvre de l’apposition de l’étoile jaune, sur les cartes de ravitaillement, adressées au commissariat de Lesparre. Pour l’occasion, deux grands écrans descendent. La pièce apparaît, Papon pour la première fois, nie sa signature prétend qu’il s’agit d’une minute. Finalement, c’est l’occasion pour le président Castagnède de faire préciser ce qu’il entend par minute, en réalité l’équivalent aujourd’hui, d’une pelure. Puis Papon, ayant lu le texte de la lettre, se lance dans des explications plus que douteuses sur le bien fondé du double langage employé, sur le texte qui est très malin, très habilement rédigé. Il s’en trouve satisfait et finalement revendique la paternité de la signature de l’arrêté. C’est l’occasion aussi de préciser un point important, Papon affirme, à un moment donné, que trois ou quatre signatures sont possibles sur ses en-têtes, que même Garat peut signer pour lui. Le président Castagnède le reprend alors " Papon, quand Garat signe, on a des pièces, il y a toujours apposé le cachet suivant : pour le secrétaire général , le chef de service. "

Boulanger " Papon dit n’importe quoi, cette mesure est parfaitement odieuse et scandaleuse. En zone non occupée, les lois étaient autonomes, c’est d’autant plus scandaleux. Mettre une étoile jaune sur les cartes de ravitaillement est une initiative du gouvernement de Vichy, c’était une marque de plus, qui facilitait les arrestations. "

Maître Levy " On ne peut pas laisser Papon mentir et dire n’importe quoi. "

Papon au président Castagnède " Demandez à Maître Levy de retirer que je suis un menteur. "

Maître Levy " Non seulement, je confirme que vous êtes un menteur, mais qu’en plus vous vous êtes comporté en escroc sur le cas d’Alice Slitinsky, sœur d’une partie civile. "

Papon " Maître Levy est indigne de figurer dans cette Cour d’Assises "

Le président Castagnède " Ce qu’a dit Maître Levy résulte d’une autorité de droit. Ce que je dis, c’est que l’accusé ne prête pas serment et il a le droit lui de mentir, cela fait partie de ses droits. "

L’interrogatoire continue, maintenant on a droit aux pièces sur l’écran géant. Arrive le principal incident au sujet de la fameuse pièce, publiée dans tous les livres sur l’affaire Papon.

L'avocat général Robert " Vous signez un ordre d’arrestation et de transfert à Drancy de quatre Juifs hongrois, daté du 22 mars 1943 et adressé à l’intendant régional de police. En avez-vous souvenir ? "

Papon prend tout son temps, lit le document.

Maître Varaut " Montrez la pièce à l’accusé. "

Le président Castagnède " Je voulais évoquer cette pièce plus tard. "

L'avocat général Robert " Je veux montrer cette pièce à titre d’exemple. "

Le président Castagnède lit la pièce complètement.

L'avocat général Robert " Je répète ma question, vous signez un ordre d’arrestation et de transfert à Drancy de quatre Juifs hongrois, daté du 22 mars 1943 et adressé à l’intendant régional de police. En avez-vous souvenir ? "

Papon " La première pièce est un télégramme du 21 mars du ministère de l’intérieur, un ordre d’arrestation et de conduite à Drancy. La deuxième pièce, du 22 mars, le lendemain prie l’intendant régional de police de les arrêter, les arrestations ont déjà été faites le 21 mars. C’est un acte de régularisation administratif et non pas un ordre à exécuter. Le 26 mars, les Allemands (Luther) mentionnent l’arrestation du 21 mars. Il y a donc eu une arrestation le 21 mars, et certainement un télégramme direct entre Paris et le commissaire de police. "

Maître Varaut " Je cite le Jury d'honneur qui confirme les propos de Papon. "

Le président Castagnède " Pourrait-on étudier le fond plus tard ? "

Maître Levy " On ne peut pas laisser sans rien dire les propos de la défense, on parle d’arrestations immédiates, cette ordre a le cachet de la préfecture. Je ne vois pas en quoi, les arguments de la défense tiennent. "

Maître Varaut " Ils ont bien été arrêtés le 21 mars. "

Le président Castagnède en colère " Je reviens donc sur cette pièce, on va l’instruire complètement. Premièrement, pour la forme est-il d’usage de donner de telles instructions sur un document du secrétaire général ? "

Papon " La nature du papier ne change pas le fond. Cela peut arriver. "

Le président Castagnède " Cet ordre fait suite à un télégramme du ministère de l’intérieur du 21 mars à 14 H 58. " Le président Castagnède lit le télégramme. " L’ordre d’arrestation fait bien suite au télégramme. Une note du 22 mars du commissaire central au commissaire divisionnaire, son supérieur, donc du même jour que vos instructions, précise : " j’ai l’honneur de vous transmettre les instructions données par la préfecture régionale ", puis demande de se rapprocher de l’intendant régional de police pour les modalités d'exécution. Papon, pourquoi le commissaire divisionnaire invite-t-il son commissaire principal à se mettre en rapport avec l’intendant régional de police ? "

Papon " Il y a eu un pataquès. "

Le président Castagnède " Pourquoi le bras séculier, ce que vous appelez la police opérationnelle se met-elle en rapport avec le service des questions juives, si l’ordre a déjà été exécuté et s’il a reçu l’ordre directement de Paris ? "

Papon bégaye et s’embrouille.

Le président Castagnède " C’est pour cette raison que je ne vois pas pourquoi on consulte le service des questions juives. "

Maître Boulanger " Cette pièce est capitale. Elle date du 22 mars. Fredou, le 23 mars répond : " seuls deux Hongrois ont été trouvés et transférés ". Alors pourquoi le 23 mars, si c’était le 21 mars, Fredou le dirait. "

Maître Klarsfeld se lève et attend poliment qu’on lui donne la parole.

Le président Castagnède " Je continue. L’inspecteur Faure écrit au chef de la sûreté. Objet : " transfert de Juifs hongrois - avons conduit à Mérignac deux sujets hongrois ". Cela date du 24 mars. Je fais remarquer au passage que l’inspecteur Faure parle de sujets hongrois et non pas de Juifs hongrois ce qui est contraire aux règles de l’époque. Le 24 mars, on a une note de Drancy qui précise : " reçu de Bordeaux deux Juifs. Ce doit être d’eux qu’il s’agit. "

J’ai la photocopie de cette note dans mon portefeuille depuis des années, car elle me semblait symboliser l’ignoble travail quotidien des fonctionnaires de Vichy. Maintenant, je sais quels noms mettre derrière, il s’agit de Martin Katz et d’Antoine Bleuer.

Maître Favreau " Monsieur le Président, vous oubliez une pièce essentielle. "

Le président Castagnède le coupe " Laissez-moi instruire, même si je ne suis pas la chronologie. Le premier avril 1943, l’intendant régional de police adresse une lettre au préfet délégué, le cabinet pour l’informer que tous les ordres ont bien été exécutés. "

Maître Boulanger " Tout le monde travaille la main dans la main. "

Le président Castagnède " J’instruis, ce n’est pas à moi de commenter, vous vous pouvez le faire. Le 23 mars, le commissaire central écrit au commissaire divisionnaire, après avoir contacté Garat, les Juifs ont bien été transférés à Drancy. Selon vous, Papon, qu’a-t-il pu se dire entre Garat et l’inspecteur Faure ? Monsieur Garat était bien sous vos ordres ? "

Papon " Les Juifs ont été arrêtés le 21 mars, je ne comprends pas très bien. "

Maître Klarsfeld toujours debout " je voudrais revenir sur la note des Allemands, il disent qu’il y a eu arrestation d’un certain nombre de familles juives. Nous, nous parlons de deux Juifs. Parlons-nous des mêmes ? "

Le président Castagnède " Effectivement, la note dit un grand nombre de familles, alors qu’il y a deux Juifs concernés par notre cas. Je reviens à vos explications, pourquoi avoir besoin de régulariser ? "

Papon " C’est de la cuisine administrative. "

Le président Castagnède " L’intendant régional de police, si je comprends bien vos explications, prend seul l’initiative de procéder à l’arrestation, sans le feu vert de Sabatier ou du vôtre ? Garat est contacté par le commissaire de police, en quoi, cette visite est-elle nécessaire ? "

Papon " ... "

Maître Mairat " La régularisation est matériellement impossible. "

Maître Klarsfeld " Une autre pièce figure au dossier, c’est la minute de cet ordre. Je ne veux pas employer les termes de Maître Levy, mais Papon, vous abusez un peu. Les minutes prouvent que cette lettre a bien été envoyée. Ce ne peut pas être une pièce de régularisation. "

Maître Tubiana " Je me pose une question, prenons votre hypothèse, Papon, quelle a été votre réaction, quand on demande à l’intendant régional de police des précisions sur l’exécution de l’ordre, le 22 ? "

Papon " On a cent occasions de s’émouvoir et de s’étonner. L’expérience manque à ceux qui s’expriment aujourd’hui. "

Le président Castagnède " Suis-je inclus dans ceux-là ? "

Papon " Non, il ne s’agit que du maître qui m’interpelle. "

Maître Tubiana " Le maître qui interpelle attend votre réponse. "

Papon " Je ne suis pas responsable du télégramme, envoyé le 21. Je me suis étonné quand Luther a envoyé sa lettre. "

L'avocat général Robert " Crevons définitivement l’abcès. Nous avons des pièces qui se suivent. Si l’accusé maintient que sa lettre du 22 est une régularisation, comment explique-t-il la lettre du même jour du commissaire de police, qui fait suite à la sienne, et qui dit recevoir vos ordres et qui demande des précisions pour exécuter vos ordres. Comment le commissaire peut-il parler d’un ordre à exécuter alors que cette arrestation a déjà été faite deux jours avant. "

Papon " ... "

Maître Levy " Que le défenseur arrête de souffler les réponses à Papon, il le fait depuis le début. "

Le président Castagnède " Maître Vuillemin, je vous vois mal d’ici. " Il est assis à côté de Papon depuis le début du procès " Je vous demande instamment d’arrêter, sinon je vous fais quitter le box des accusés. "

Papon " Nous ne pouvions remplir les conditions de cohérence et d’intelligibilité dans les conditions de la guerre. Je remets en cause les procédés de l'avocat général Robert, qui est contre moi. "

L'avocat général Robert " Cela ne correspond pas à ma question. Si l’ordre est une régularisation, comment expliquer que le chef de la police envoie une demande d’exécution des ordres, alors que, dans la thèse de l’accusé, les ordres ont déjà été exécutés ? "

Maître Varaut puis Papon bafouillent.

Maître Touzet " J’ai une question, l’accusé sait-il ce qui est advenu des deux autres personnes ? Papon le sait, peut-il nous en parler ? "

Papon " Non. "

Maître Touzet " Papon s’est dit angoissé du sort des hommes, il ne l’est pas assez pour se souvenir qu’ils ont été déportés le 18 juillet 1942, grâce à sa complicité. "

L'avocat général Robert " On a, au dossier, des demandes de transfert de Juifs du Fort du Hâ à Mérignac signées Papon. L’accusé se souvient-il de ces demandes de transfert ? "

Papon " C’était un avantage d’aller à Mérignac, parce qu’au Fort du Hâ, ils risquaient d’être pris en otage par les Allemands "

L'avocat général Robert " On reparlera de ce point, quand on évoquera les transferts. Mais je doute fort que les victimes soient de votre avis. " Puis l'avocat général Robert continue son interrogatoire. Il évoque les ordres de transfert, et " en conclusion, Papon avait bien délégation sur le service des questions juives. C’est tout ce que je voulais prouver. "

Papon " Je n’avais de pouvoir de police. "

Le président Castagnède " Votre réaction m’incite à une question supplémentaire. Je prends l’exemple des ordres d’arrestation des étrangers, qui ne concernaient pas les Juifs, quand on parle des étrangers, on parle surtout des Espagnols. De quelle délégation de signature s’agit-il ? Je rappelle vos délégations de signature mais aucune ne mentionne les étrangers ? "

Papon " C’était, dans le cadre de la préfecture de la Gironde, Boucoiran et moi avions ces délégations de signature. "

Le président Castagnède " Pourquoi Sabatier prend-il soin de fixer des délégations précises, s’il existe des délégations diffuses et non dites ? "

Papon " C’était la guerre, des mesures exceptionnelles. "

Maître Tubiana " Non, Papon, il n’existe pas de délégation implicite. Vous ne pouviez pas signer à la légère ? "

Papon " Si. "

Maître Tubiana " Il est fait état d’une mention sur une lettre de Sabatier. Sommes-nous d’accord ? Donc il vous interroge sur la nature d’un texte ? "

Papon " Cela est arrivé. "

Maître Tubiana " Si je vous suis, un, vous signez toujours en toute connaissance de cause, et deux, vous en parlez avec le préfet ? "

Papon " Oui. "

Maître Tubiana " Donc, vous reconnaissez que vous n’êtes pas un simple porte plume ? "

Papon " Disons alors, un porte-plume intelligent. "

Programme du Jeudi 13 novembre, poursuite de l’interrogatoire de Papon sur le service des questions juives et les relations avec les Allemands.

croquis de Noëlle Herrenschmidt, Le Monde


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