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date dernière modification : 20/10/02

Chronique du jeudi 6 novembre 1997

Papon, porte-plume ou préfet bis ?

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Chronique du jeudi 6 novembre 1997

Papon, porte-plume ou préfet bis ?

Le président Castagnède " Nous étions restés sur l’organisation de la préfecture régionale de Bordeaux. Nous allons essayer de comprendre quelle est l’organisation de la préfecture de Bordeaux ? Quels sont les attributions de chacun ? Je vous invite à répondre point par point. "

Maurice Papon " Avant de commencer, j’ai d’autres choses à dire sur le témoignage de monsieur Baruch, j’ai dit hier que j’avais des réserves à faire sur ce qu’a dit le témoin. je tiens à faire deux observations sur sa déposition. Baruch a estimé que Vichy avait anesthésié l’administration française et que les lois de Vichy dépendaient de l’application faite par les préfets régionaux. Je vois là, une contradiction dans les propos de l'historien, l’anesthésie avait ses limites. La deuxième réserve concerne la lecture des pièces. Il échappe, de ce fait au jugement de l’historien, la valeur des pièces. Toute pièce était écrite dans un sens où on ne voulait pas être lu par les Allemands. Aussi, certaines pièces disaient même des contrevérités. " Papon cite un exemple, une demande de la gendarmerie pour le transfert de Juifs vers Mérignac. " Comment était organisée la préfecture de Bordeaux ? Dans la pratique quotidienne, le préfet régional Maurice Sabatier s'appuyait sur trois entités, le cabinet dirigé par Monsieur Chapel pour les affaires politiques, les affaires réservées, le fonctionnement de la préfecture, l'intendant de police, qui avait un rôle opérationnel ; et l'intendant des affaires économiques, qui avait un large champ d’action. La région de Bordeaux, en zone occupée, comprenait les départements de la Gironde, des Landes et des Basses Pyrénées. Les affaires spécifiquement départementales de la Gironde, où siégeait le préfet régional, étaient confiées à Louis Boucoiran, préfet délégué. Derrière cette trinité se trouvait le préfet délégué. "

Le président Castagnède " Qu’entendez-vous par rôle opérationnel de l’intendant de police ? "

Papon " L'intendant de police était le gestionnaire de la police et le gestionnaire du matériel selon les textes, mais à Bordeaux, il avait un rôle opérationnel. "

Le président Castagnède " Il était une courroie de transmission ? "

Papon " Oui. "

Le président Castagnède " Avec le préfet ? "

Papon " Oui. "

Le président Castagnède " Pouvait-il donner des ordres ? "

Papon " Non. "

Le président Castagnède " Qui donnait les ordres ? Le préfet ? "

Papon " Oui, l’intendant de Police pouvait même réquisitionner la gendarmerie. "

Le président Castagnède " Il pouvait donner des ordres à la gendarmerie ? "

Papon " Oui, si besoin était. "

Le président Castagnède " Pourtant, j’ai des pièces qui disent exactement le contraire, les ordres venaient du préfet. Bon, continuez. "

Papon " Le préfet délégué, Louis Boucoiran, était placé sous sa direction, il avait reçu par arrêté du 20 juin 1942 un certain nombre de délégations, à l'exception des affaires réservées. Son secrétaire était Monsieur Bouton. Quant au secrétaire général, il avait le contrôle de cinq divisions de la préfecture et leur production bureaucratique, la police administrative, les finances et le budget, la santé et la jeunesse, les transports et les équipements et les ponts et chaussées et les affaires économiques. "

Le président Castagnède " Maurice Sabatier, contrairement à ce qui se passait dans d'autres préfectures régionales, s'était réservé le contrôle des services nés de la guerre, service de l'occupation et des réquisitions allemandes, service de la circulation et des carburants, service du personnel des administrations publiques et, enfin, service des questions juives. Le préfet délégué était déjà en place avant votre arrivée ? "

Papon " Oui. "

Le président Castagnède " Je vous rappelle les compétences du préfet délégué. " Il les cite. " D’autre part, vous avez toujours dit que le service des questions juives avait une vocation départementale ? "

Papon " En principe, oui ; il pouvait à la demande de Sabatier, aller voir dans les autres départements. "

Le président Castagnède " Je comprends que le préfet régional ait le pouvoir de déléguer au préfet délégué. Je ne vois pas l’intérêt de se réserver le service des questions juives. Pourquoi ne pas le déléguer au préfet délégué ? Quel est votre sentiment sur ce point ? "

Papon " Ce sont mes relations personnelles avec le préfet régional Maurice Sabatier lors de son arrivée à Bordeaux, en mai 1942, qui expliquent la confiance dont j’ai bénéficié. J’ai eu délégation de signature pour tous les services nés de la guerre, à savoir notamment ceux consacrés au ravitaillement, au carburants et aux questions juives. La délégation de signature signifie que le délégant donne des instructions précises à son délégataire. Lui disant, pour ce point, répondez oui, pour ce point répondez, non. Ce n'est pas une délégation de compétence, comme on peut le croire après un examen sommaire "

Le président Castagnède " Vous soutenez que selon vous, la délégation de signature, c’est le fait pour un déléguant de faire signer par le délégataire des ordres que le déléguant donne au coup par coup ? "

Papon " Oui, c’est le droit public. La délégation de compétence l’emporte sur la délégation de signature. "

Le président Castagnède " Je reviens sur cette délégation de signature pour les ordres d'internement de Juifs au camp de Mérignac ? qui les donnait ? "

Papon " Théoriquement, c'était Maurice Sabatier, Monsieur Boucoiran en a peut-être signés en l'absence de Maurice Sabatier, je nie en avoir signé. La délégation de signature n'emporte pas la délégation de compétence "

Le président Castagnède " Je vous demande si des décisions d'internement de Juifs avaient été prises à la préfecture de Bordeaux. "

Papon " En toute logique, c'est le service des questions juives de la préfecture qui recevait la demande et le préfet la signait ou non "

Le président Castagnède " Revenons-en aux délégations de signature que Maurice Sabatier vous avait donné notamment pour le service des questions juives.

Papon " Ce n'est pas une délégation de compétences comme on peut le croire après un examen sommaire, je n’ai joué qu'un rôle subalterne au sein de la préfecture sous l'Occupation. "

Le président Castagnède " Par arrêté du 20 juin 1942, Maurice Sabatier vous a donné délégation de signature pour l'ensemble de ces services. Je reconnais que le droit public m’est un peu étranger, je fais cependant la distinction. Une délégation de compétence, prive le déléguant de son pouvoir. Et le cas est rare dans l'administration, avait noté, la veille, l'historien Marc-Olivier Baruch. Mais est-ce à dire que, dans le cadre d'une délégation de signature, le délégataire est un simple porte-plume qui se contente de signer en bas d'un texte ? N'y a-t-il pas une marge de manœuvre ? "

Papon " La marge de manœuvre, c'est la discussion qui peut s'instaurer. "

Le président Castagnède insiste " Je soutiens que la délégation de signature correspond en droit public à la définition que j'ai donnée. La plume de l'auteur a pu prendre des formules qui s'éloignent du droit public. - Ce service était bien placé sous votre autorité directe ? "

Papon " En terme de pratique quotidienne, oui. En terme de droit public, non. "

Le président Castagnède " Vous auriez été un simple porte-plume rédigeant des notes sur instructions de votre patron ? "

Papon " ... "

Le président Castagnède " Voici peut-être, un début d’explication, j’ai ici un document éclairant, adressé par la préfecture à la Feldkommandantur de Bordeaux qui explique l'organigramme et les attributions des hauts fonctionnaires de la préfecture. Il y est précisé que les affaires réservées, dont le service des questions juives, sont placées sous l'autorité directe du secrétaire général. "

Papon bouche bée un long instant " La plume de l'auteur s'est éloigné du Droit Public. "

Le président Castagnède " Mais que veut dire en droit public, placé sous l’autorité directe ? "

Papon " C’est Chapel qui l’a écrit. " Puis, il reste sans voix.

Le président Castagnède " Alors de qui dépendaient ces services ? "

Papon " Ils étaient créés en fonction des circonstances nées de la guerre "

Le président Castagnède " Le service existait-il avant, était-il dans l’organigramme avant votre arrivée ? "

Papon " Je ne sais pas "

Le président Castagnède " Moi, je sais ce que vous avez dit. Vous avez fait allusion à la susceptibilité d’un collègue. N’y a-t-il pas eu susceptibilité de Boucoiran quand on l’a privé de services importants pour les déléguer à un jeune secrétaire général. ? "

Papon " Pas à ma connaissance "

Le président Castagnède " Sur les choix de Sabatier, pendant l’instruction, vous avez dit qu’il voulait établir un organigramme conforme aux qualités de ses hommes. Il a voulu confié le service des questions juives à un homme en qui il avait totale confiance. "

Papon " Avec le recul, je pense que j’ai été prétentieux. "

Le président Castagnède " Je vais lire les excellentes appréciations de Maurice Sabatier qui relève fin 1942 qu'en cinq mois, Maurice Papon a repris en main avec une autorité remarquée, l'ensemble des services de la préfecture ; ou encore, en 1944, que par l'autorité et l'habileté avec laquelle il a dirigé l'ensemble des services de la préfecture, Maurice Papon s'est fait en Gironde une situation de premier plan. "

Papon " ... "

Le président Castagnède " Je voudrais comprendre un nouvel arrêté pris en mai 1944 pour modifier les délégations de signature et les attribuer à Boucoiran, qui apparaissait jusqu'à présent comme un préfet délégué sans beaucoup d'autorité ni de pouvoir. "

Papon " Oui, nous sommes arrivés, à la préfecture avec une équipe Sabatier, Chapel et moi. Boucoiran a été exclu du groupe de direction au début, puis on a reconnu ses ... "

Je me tourne vers Michel, " C’est un vrai salopard, ce Papon. ", il me dit " Ce n’est pas nouveau. Sous Sabatier - Papon, on a plus déporté que sous Alype ".

Le président Castagnède lit l’arrêté et la note informant toute la préfecture qui l’accompagne " Je note que les attributions, concernant les services nés de la guerre, ont été retirées au secrétaire général en mai 1944. Pourquoi ce changement de délégation ? Pourquoi cette décision est-elle prise ? "

On en revient aux fameux dossiers dont parlait Baruch. En mai 1944, Papon préparait le dossier anglo-résistant pendant qu’il vidait les autres ".

Papon " Ceci doit être le reflet d'une évolution. Fin 42, je me suis de plus en plus engagé dans l'action de la résistance. Dès 43 et 44, je servais la résistance mieux que l'administration. Maurice Sabatier pouvait se douter que je me livrais à ces activités à la suite d'un changement qualitatif de mes relations avec lui, il a alors dû changer de système. " Rire général. Décidément, ce Papon résistant, ça ne passe pas. On a du mal à y croire.

Le président Castagnède " Je m’étonne que vous receviez en mai 1944 des félicitations très élogieuses sur votre comportement et que simultanément, vous perdiez vos délégations ? "

Papon bafouille.

Le président Castagnède " Venons-en à la question des arrêtés d'internement, pris en l'application des lois antisémites de Vichy. Qui avait signature portant internement des Juifs ? Qui signait les ordres d’internement administratif ? "

Papon " En théorie, Maurice Sabatier. Monsieur Boucoiran a pu en signer en son absence. "

Le président Castagnède " Je vous demande qui signait les décisions d'internement de Juifs à la préfecture de Bordeaux. "

Papon " Je pense que c'est Monsieur Boucoiran (préfet délégué) qui les signaient "

Le président Castagnède " Ce point mérite que l’on s’arrête. Une note du 1° février 1944 rappelle quelles sont vos attributions. Il est dit que les internements ressortent de votre autorité. "

Papon " C’est Boucoiran qui signait. "

Le président Castagnède cite alors une note, interne à la préfecture, qui évoque les recommandations de Bousquet à Sabatier et précise bien les attributions en la matière. Puis il cite sept arrêtés d'expulsion d'étrangers, cinq établis au nom du préfet régional et deux au nom du préfet délégué. Tous portent votre signature. "

Papon " C’est extrêmement simple, il s'agissait d'actes d'applications judiciaires. "

Le président Castagnède " Ha bon, c’est pourtant bien un ordre d’arrestation. "

Papon bafouille.

Le président Castagnède s’énerve " Je vous arrête Monsieur Papon, je répète cette note interne qui précise le contraire de ce que vous avancez. "

Papon " Ce sont les circonstances de guerre. "

Le président Castagnède " Je voulais simplement savoir qui pouvait signer. Bousquet dit c’est le préfet de région. Je lis l’organigramme, c’est le préfet de région. J’écoute Papon, c’est Boucoiran. Je lis les actes, je vois bien votre signature. Moi, je dis : " vous aviez bien délégation de signature pour le service des questions juives "."

Papon " C’était notre menu quotidien. "

Le président Castagnède " Vous est-il arrivé de signer des ordres d’internement de Juifs ? "

Papon " Non. "

Le président Castagnède " Vous êtes sûr ? "

Papon " Peut-être un ou deux ? trois ou quatre ? "

Le président Castagnède " Alors, oui ou non, avez-vous signé des ordres d’internement de Juifs ? "

Papon " ... "

Le président Castagnède " J’ai ici, un arrêté d’internement signé par vous. Il a été remis par Maître Touzet au nom des parties civiles. Mais avant tout qui instruisait ces dossiers ? "

Papon " Ca dépendait de la faute. "

Le président Castagnède " Y a-t-il eu à Bordeaux des ordres d’internement de Juifs sur ordre de la préfecture ? "

Papon " Ca dépend de la pièce. "

Le président Castagnède " Non, Papon, je vais être clair avec vous. On a des pièces qui l’expliquent très bien. Alors, qui instruisait les dossiers, qui les signait ? "

Papon " Le service des questions juives. "

Le président Castagnède " Restons sur ce point, j’ai ici les minutes d'un procès d'après-guerre, en 1947, dans lesquels Dehan, chef d’enquête pour le service des questions juives, qui a été fusillé à la libération, et Dubarry, chef du service des questions juives de la préfecture font état de bons d'internement administratif. Qu'est-ce que c'était que ces bons ? "

Papon " A quelle date ? "

Le président Castagnède " Selon Dubarry en 1943. "

Papon " Je n'étais pas tous les jours, tenu au courant des actes qui pouvaient être pris, ce que Monsieur Baruch appelait hier les actes " routiniers ". Cela n'éveille aucun souvenir. "

Le président Castagnède " Je vous laisse la responsabilité de vos propos sur les actes routiniers ".

Papon " Si on faisait la liste des décisions à prendre... la journée n'ayant que vingt-quatre heures... On ne me soumettait que les décisions graves. "

Le président Castagnède " Ce n'était pas une décision grave que d'interner au camp de Beauséjour. Un mois à Mérignac, ce n’était pas grave ? " Lapsus du président, il s’agit en réalité du camp de Beaudésert.

Papon " .... "

Le président Castagnède " Je reviens sur le seul ordre d'internement signé Papon. Il concerne Charles Jolles. Il est signé le 25 juin 1942 et il est accompagné d’une note du 29 juin 1942 au procureur général qui l’informe que le sieur Jolles n’a pas souscrit à la loi sur le recensement. "

Papon reste Bouche bée sans voix. Après ce long silence embarrassé de Papon, le président Castagnède " J’insiste que pouvez-vous nous dire sur ces deux documents ? "

Papon " Je reviendrai à mes propos de tout à l’heure, il a pu y avoir des interversions de signatures selon la vie quotidienne des signataires. J'ai pu signer à la place de Boucoiran et inversement. Il faudrait voir les documents et savoir exactement de quoi il s’agit ".

Le président Castagnède " Il me semble qu’on ne peut être plus clair, mais s’il s’agit pour vous de demander un peu plus de réflexion, je vous laisse réfléchir tout le temps que vous voulez. "

Papon " Je venais d’arriver à Bordeaux. "

Le président Castagnède " En effet, ce sont vos premiers actes, il semble qu’il y ait bien un suivi par un service, sûrement, le service des questions juives et tous signés par vous ! "

Papon " C’est possible. J’admets que j’avais bien autorité, en terme de pratique quotidienne, sur ce service dirigé par Pierre Garat. "

Le président Castagnède " Je voulais simplement savoir qui avait des signatures décisionnelles. "

Papon " C'est une observation de bon sens, insiste-t-il. Je n'ai jamais calculé le nombre de signatures que j'ai données, ici ou là, peut-être 100 000 par an. Comment voulez-vous que 55 ans après, j'apporte une réponse à votre interrogation, mon intérêt est de le faire, mais il faudrait que j'ai tous les moyens intellectuels et administratifs de le faire. "

Maître Varaut " Je soutiens que l'instruction n'a pas examiné les archives de l'intendant de police (...), où vraisemblablement il y a des dizaines de pièces portant d'autres signatures que celles de Papon. "

Le président Castagnède " Il me semble pourtant que s'il y avait eu de telles signatures, l’instruction les auraient trouvées. Au pire, vous auriez pu faire valoir cette information, plus tôt "

Maître Varaut " Je mets en cause le travail effectué par le parquet général "

Le procureur général Desclaux conteste les propos de la défense " Je rappelle que l’instruction se fait à charge comme à décharge de l’accusé, il y a eu 164 transports de pièces d’archives. Je m’étonne aujourd’hui : quand on me parle des archives de l’intendant de police, on l’apprend par voie de presse, on ne sait même pas si elles existent. "

Maître Boulanger " Lors de la première instruction, le juge Nicod avait pris des scellés ouverts, lors de la deuxième instruction, madame Leotin avait pris avec elle, les originaux, je reconnais qu’elle a eu raison. Quand aux propos de Bergès sur les archives de l’intendant de police, elles existent dans un grenier de Castéja. Elles sont déjà versées au dossier. "

Maître Klarsfeld " J’ai, ici, une pièce intéressante. L’audition d’André Fort, inspecteur général des camps. Il dit que les préfets décidaient de l’internement de leur administrés et retirait cette prérogative des préfets délégués. "

Maître Levy " Il faut que la cour sache qu’il y a des pièces venant des archives de l’intendant de police dans ce dossier. Varaut n’a jamais fait de demande de saisie de pièces. "

Maître Favreau " Je reprends les minutes du tribunal militaire et rappelle que Lucien Dehan a été condamné deux fois à mort, mais a bénéficié de la confusion des peines, ce qui lui a permis de n'être exécuté qu'une seule fois. Dehan comme Dubarry mettent clairement en cause le service des questions juives, ils citent nommément Papon. La deuxième observation, que je fais, est qu’il existe un document suffisamment clair, qui précise les attributions de chacun. Il date du 8 avril 1943, ce sont les actes administratifs. En page 3, il est clairement mentionné que le service des questions juives dépend directement de l’autorité du secrétaire général. "

Le président Castagnède arrête là son interrogatoire minutieux et fait appeler le premier témoin.

Adrien Castanet, 77 ans, " J’étais le chef de cabinet de Maurice Sabatier. Mon bureau était en face de celui de Maurice Papon à la préfecture de Bordeaux, tout jeune chef de cabinet de Maurice Sabatier en 1943. "

Le témoin évoque alors un épisode d'août 1944, quelques jours avant la libération de Bordeaux, au cours duquel, par l'intermédiaire d'un ami d'enfance, il a mis Maurice Sabatier en contact avec des résistants, dont Gaston Cusin. " Je me souviens de la " figure " de Jean Chapel et de Maurice Papon lorsque Maurice Sabatier leur a parlé de cette entrevue. Il y a eu une sorte de joie. Ils se sont rendu compte que le patron était enfin sorti d'affaire en rencontrant ces gens-là ! "

Le président Castagnède " Comment saviez-vous que Maurice Papon avait des contacts avec la résistance ? "

Adrien Castanet " Ca tient en une demi-phrase. Il est entré le jour même de la libération de Bordeaux dans le cabinet de Cusin ". Rire général.

Suspension d’audience,

Papon " Je veux faire une observation pour rafraîchir la mémoire de Monsieur Castanet. D'une part, j'ai été informé préalablement par Monsieur Cusin de la rencontre avec Monsieur Sabatier, d'autre part, Monsieur Cusin et moi-même, avions convenu que je n'assisterais pas à cette rencontre, car j'avais des égards à observer envers Monsieur Sabatier ".

Il reste trois témoins à entendre. Le président les appelle tous les trois et demande à Bernard Bergerot et Bernard Vaugon de revenir demain. Seul André Briaud, 82 ans, reste à la barre.

André Briaud " Les historiens disent des contrevérités, ils ne peuvent pas dire exactement ce qui s'est passé, parce qu'ils n'ont pas vécu cette période. Je suis militaire de carrière, et en 1943 je travaillais au fichier du STO au ministère du travail à Paris. Papon, que je n’ai jamais rencontré, m’a sauvé la vie. Il avait compris que je sabotais le fichier. Il m'a sauvé la vie en ne me dénonçant pas. S'il n'avait pas été un grand résistant, il n'aurait pas fait ça ". Et se tournant vers l'accusé " Je vous remercie, je vous serrerai la main lorsque l'occasion se présentera. "

Papon " Je n’ai pas d'observation. " Ben, voyons.


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Page mise à jour le 14 octobre, 2002

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