date dernière modification : 20/10/02 Chronique du mercredi 5 novembre 1997 Rien
n'est plus difficile que d'obliger
mercredi 5 novembre 1997 Rien n'est plus difficile que d'obligerun fonctionnaire à faire ce qu'il ne veut pas faire Je voudrais, ce soir, évoquer deux itinéraires symptomatiques et symboliques de ce procès en déshumanité. C'est l'itinéraire d'un haut fonctionnaire drapé, protégé tout au long de sa vie par l'honneur, la fonction publique, la république, l'Etat et l'intelligence technocratique, d'un côté. De l'autre, c'est l'errance sans fin des rescapés des camps de la mort, isolés, nus dans leur douleur jamais éteinte, éveillés par des cauchemars incessants que représente si bien une personne présente dans nos rangs que par respect de sa propre expression, je ne citerai pas. Elle est rescapée unique, solitaire des années les plus noires de la mémoire de Bordeaux, d'une certaine France, d'une Europe déshonorante. Aujourd'hui, dans cette cour d'assises, des mots forts résonnent sans cesse, prononcés d'une partie à l'autre. Ce sont " Mémoire, Honneur, Humanité, Résistance, République, Espoir ". Ce soir, je vois bien qu'ils sont les pires et les plus haïssables quand ils sont prononcés sans conscience. Mais aussi qu'ils sont promesse d'avenir quand ils sont prononcés en conscience. L'audience reprend par l'intervention du seul témoin. Olivier Baruch : " Le ministère de la justice proposait des idées pour reconnaître un Juif, sonprénom, ses parents, etc.." L'audience reprend par l'intervention du seul témoin. Olivier Baruch, écrivain et historien, 40 ans. " Je m'intéresse à la fois aux archives, au pouvoir et à l'administration. " Baruch est à la fois historien et membre de l'administration, il commence son témoignage par une présentation de Vichy maintenant connue : " l'arrivée au pouvoir, Darlan, Laval et la quatrième période du printemps 43 à la fin du régime. Baruch revient sur les conditions de la signature de l'armistice, sur son, maintenant fameux, article 3 et sur les raisons qui ont conduit Vichy à entrer dans une politique de collaboration. " Les préfets se battent au début contre le pouvoir de réquisition, puis, on assiste à un modus vivendi, viennent ensuite les accords de Noël 1940 qui mettent un veto sur les nominations. On assiste alors à une collaboration administrative complète. Les lois de vichy visent à exclure les étrangers des cabinets ministériels. Tout fonctionnaire étranger doit être exclu de l'administration Nous avons affaire à un régime extraordinairement paperassier et bureaucratique. La loi sur le relèvement de fonctions permet à un ministre de relever tout agent selon son bon vouloir. C'est une mesure essentiellement politique. Par exemple, les fonctionnaires qui ont participé à la grève de 1938 sont brimés et exclus des administrations locales et départementales. Ils sont, assez nombreux, on les appelle " les juilletisés ". Vichy exècre le syndicalisme des fonctionnaires et la devise de l'administration est plutôt " Ordre, Autorité et Hiérarchie " que " Travail, Famille et Patrie ". Le statut des Juifs s'est appliqué de façon très sérieuse dans la fonction publique. Des réunions sont organisées pour savoir comment on va appliquer le statut des Juifs. Ce point intéresse particulièrement l'administration sur un plan purement technique. On voit par exemple, le ministère de la justice proposait des idées pour reconnaître un Juif, son prénom, ses parents, etc. Le ministère de l'intérieur lui propose de désigner purement et simplement les Juifs à charge et ce sera à eux de prouver le contraire. L'administration est divisée en deux, on voit des administrations régaliennes et des administrations techniques. Les dernières cherchent des voies pour contourner le statut. Mais la réussite de ces détournements montre qu'il existait des marges de manœuvre. Les préfets jouent un rôle charnière dans le fonctionnement de l'administration. A sa tête, c'est Pétain le chef, de qui émanent tous les ordres. Les ministres de l'Intérieur qui se succèdent n'ont de cesse d'envoyer des ordres très stricts à leur préfet. Hier, la politique était, dégradante, aujourd'hui elle honore. Pucheu veut faire de l'administration un grand corps d'Etat. Les préfets qui avaient une indemnité payée par les conseils généraux sont étatisés. Le personnel des préfectures était payé par les départements, on étatise le personnel des préfectures. Les préfets nomment les maires des villes de plus de 2 000 habitants. La démocratie locale disparaît. Chaque préfet devient un " maréchal départemental ". Avec Darlan, on garde foi en la victoire, c'est l'époque de Vichy réformateur. La police était municipale, sauf à Paris et à Lyon. Dans les villes de plus de 10 000 habitants, on crée deux corps de police : un corps de police national et un corps de police régional. Mais ces dispositions ne s'appliquent que dans la zone sud. Par crainte de voir se créer une nouvelle force militaire, les Allemands refusent de l'appliquer en zone occupée dans un premier temps. Puis, en automne 1941, Pucheu revient à la charge, c'est l'entrée en guerre de l'URSS et l'entrée dans la lutte armée du P.C. Et les Allemands donnent finalement leur accord. Au retour de Laval en 1942, il traîne avec lui une image de collaborateur, aussi applique t il une politique de collaboration. On connaît son fameux, " Je souhaite la victoire des Allemands pour lutter contre le bolchevisme ". C'est la réquisition des Français pour partir travailler en Allemagne et participer à l'effort de guerre. On réquisitionne 3 Français et 1 prisonnier revient. Puis, c'est le fameux accord Oberg Bousquet et Vichy donne aux Allemands 10 000 Juifs de la zone non occupée et 20 000 Juifs de la zone occupée. Pas un préfet, pas un sous préfet ne démissionne. Mais l'opinion bascule, les cardinaux lancent leur lettre pastorale, malgré l'opposition des préfets. Suit l'occupation totale de la France. Et c'est le STO qui cristallise le décrochage de l'opinion française. On voit apparaître des attitudes qu'on n’a jamais vues. On voit des fonctionnaires aider les réfractaires, c'est l'inertie, la résistance passive. Rien n'est plus difficile que d'obliger un fonctionnaire à faire ce qu'il ne veut pas faire. A ce moment, les fonctionnaires sentent le vent tourner, ils possèdent trois dossiers, un dossier Vichy, un dossier allemand et un dossier anglo résistant, dont le volume et l'importance varient en fonction de l'époque. Par exemple, on sait très bien que Sabatier aimerait savoir vers où le vent tourne pour savoir où se garer. A la question, jusqu'où doivent servir les fonctionnaires, on peut dire que dès 1940, quelques uns quittent le régime de Vichy. Mais les fonctionnaires qui refusent de collaborer ne sont pas chassés, ils sont reclassés. " Baruch cite quelques exemples. Dans les régions, on a une organisation à quatre têtes, le préfet régional, le préfet délégué, le secrétaire général qui est un fonctionnaire averti et le chef de cabinet qui est souvent un jeune qui fait ses armes. Les fonctions des uns et des autres dépendent du préfet qui a une large autonomie et on voit de grandes différences selon les lieux. C'est le cas de Bordeaux, qui est la seule préfecture régionale où le secrétaire général s'occupe des questions juives. " " Rien n'est plus difficile que d'obligerun fonctionnaire à faire ce qu'il ne veut pas faire " " Je remercie monsieur Baruch pour son brillant exposé " L'avocat général Robert " Je remercie Monsieur Baruch pour son brillant exposé et pour avoir su résumer une thèse de 800 pages sans note. Quels étaient, après l'arrivée de Laval au pouvoir, les critères de choix des préfets et des hauts fonctionnaires ? " Olivier Baruch " Dans la première époque de Vichy, les préfets étaient déjà en poste. Avec Laval, on change les têtes trop réactionnaires. On nomme des professionnels. C'est le cas d'Alype et de Sabatier. " L'avocat général Robert " Je voudrais revenir sur les attributions des différents collaborateurs d'un préfet. Vous avez dit que les textes jouent peu de rôles, chaque préfet fait comme il l'entend. Qu'est-ce qui les guidaient dans leur choix ? " Olivier Baruch " C'est une question de personnes, il y a beaucoup de réseaux et de liens d'amitié. Papon a eu un poste difficile, il a beaucoup de vieux fonctionnaires sous ses ordres et il est l'oreille du patron. " L'avocat général Robert " Il y a quelque chose de difficile à comprendre dans la politique antisémite. Laval est moins antisémite que Pétain, Bousquet moins antisémite que Vallat, les préfets de 42 moins antisémites que les préfets de 41. Et pourtant, ils pratiquent une politique de collaboration plus dure, ils vont au-delà des demandes et pire participent à la déportation ? " Olivier Baruch " S'il suffisait d'être antisémite, ce serait trop simple. On est dans un autre contexte. La déportation est un engrenage subtil de la politique de la collaboration. " L'avocat général Robert " Le fait pour des fonctionnaires d'obéir à des ordres français plutôt qu'à des ordres allemands a fait primer le devoir d'obéissance. Comment expliquer qu'il n'y ait pas eu de frein à la déportation. Y avait-il un danger particulier ou ne l'ont-ils simplement pas voulu ? " Olivier Baruch " C'était un mal nécessaire. Ce sont des Juifs étrangers en 1942. Il y a une marge de manœuvre mais le risque n'est jamais nul. " L'avocat général Robert " 1943 est une date charnière. L'administration ne se fait plus d'illusion. Qu'entendez-vous par " fidélités successives " ? " Olivier Baruch " C'est l'obéissance à un chef, quelque soit le chef, nous obéissons, que ce soit Pétain, De Gaulle ou un autre. " L'avocat général Robert pose une question sur les procès qui ont suivi la guerre " On y fait plus de reproches à ceux qui ont collaboré qu'à ceux qui ont déporté ? " Olivier Baruch " On était plus attentif à l'attitude des fonctionnaires face au STO et aux résistants que face aux Juifs. La solution finale n'est pas le problème de cette période " Maître Klarsfeld " Confirmez-vous qu'il y a eu 10 préfectures régionales en zone occupée ? " Olivier Baruch " Oui, 10 ou 11. " Maître Klarsfeld " Combien y avait-il de secrétaires généraux ? " Olivier Baruch " 10 ou 11. " Maître Klarsfeld " Donc, il y a eu 10 ou 11 secrétaires généraux, délégués aux questions juives ? " Olivier Baruch " Non, un seul et à Bordeaux. " Le président Castagnède " Il y avait bien un service aux questions juives dans toutes les préfectures régionales ? " Olivier Baruch " Oui. " Maître Varaut " Papon était secrétaire général départemental " Maître Klarsfeld " Je voudrais des précisions sur la notion de délégation de pouvoir. Si je vous donne délégation de pouvoir sur ce stylo, (il tend un stylo,) je vous donne ce stylo et moi, je ne l'ai plus. " Olivier Baruch " Oui, mais attention il y avait des délégations de compétence et des délégations de signature. " Maître Klarsfeld " J'y arrive, s'il y a délégation de signature, on a tous les deux le stylo. " Olivier Baruch " Non, je l'ai pour signer et je vous le rends après. " Maître Klarsfeld " Cela revient au même. Maintenant, une délégation de signature et une délégation de compétence, c'est pareil ? " Olivier Baruch " Oui. " Maître Klarsfeld cite l'exemple de l'organigramme de la préfecture de la Gironde et demande des précisions à Baruch sur le rôle du préfet délégué.Olivier Baruch " Ce document ne donne pas au préfet délégué le pouvoir sur les affaires réservées. " Maître Klarsfeld cite une note de Pucheu aux préfets " Les autorités doivent obéir aux ordres reçus des autorité françaises et à elles seules. Autrement dit, si les autorités allemandes donnent un ordre, il faut désobéir. " Olivier Baruch " De quand date ce texte ? " Maître Klarsfeld " D'octobre 1941. " Olivier Baruch " C'est après l'exécution des otages. On est dans la quête de la souveraineté, on dit aux Allemands : puisqu'on a le même ennemi, laissez nous le combattre. " Maître Klarsfeld cite le procès Hennequin " On ne retient pas la charge des arrestations juives ? " Olivier Baruch " Je ne connais ce procès, mais cela ne m'étonne pas. " Maître Klarsfeld cite encore d'autres documents. Puis il conclut " Peut-on être patriote, sans être résistant et avoir participé à la déportation et en sachant le sort cruel ? " Olivier Baruch " Ces fonctionnaires-là étaient patriotes à leur manière, mais de façon dévoyée. Un haut fonctionnaire en 1942 ne pouvait ignorer le sort horrible réservé aux Juifs. Même s'ils prétendent ne pas connaître la solution finale. " " Un haut fonctionnairen'a-t-il pas le devoir moral de se poser des questions, puisqu'il participe volontairement ou involontairement à la déportation des Juifs et à leur arrestation ? " « Oui, sans doute il a ce devoir moral. » Maître Klarsfeld " Je lis en première page de la Petite Gironde en 1942 : " la question juive se réglera en bloc, il n'y a pas de bons et de mauvais Juifs ". Un haut fonctionnaire n'a-t-il pas le devoir moral de se poser des questions, puisqu'il participe volontairement ou involontairement à la déportation des Juifs et à leur arrestation ? Peu importe d'ailleurs, les circonstances, il le fait. " Olivier Baruch " Oui, sans doute, il a ce devoir moral. " Maître Klarsfeld " Comment un haut fonctionnaire doit-il comprendre cet autre article de la Petite Gironde qui parle d'un ordre nouveau basé sur l'élimination des Juifs ? " Olivier Baruch " Il doit le comprendre, comme une Europe sans Juif. " Maître Jakubowicz " Je tiens à remercier le témoin pour cet exposé remarquable, on voit combien est grande l'importance d'entendre les historiens. Je voudrais que vous leviez une sorte d'ambiguïté sur le terme de résistant. Le terme de résistant s'applique dès 1940. A cette époque, quand on est anti-germanique, n'est-on pas résistant ? Ne peut-on pas être à la fois un haut fonctionnaire zélé et un résistant ? " Olivier Baruch " Si être patriote, c'est être résistant, alors, tout Vichy est résistant. " Maître Jakubowicz " Peut-on être fonctionnaire zélé, anti-allemand et résistant ? " Olivier Baruch " Oui. " Maître Jakubowicz, " Vous avez dit que la collaboration et la politique antisémite était un nouveau dossier que les fonctionnaires ont géré de façon technicienne ? " Olivier Baruch " Oui, il y a de ça. C'est un nouveau domaine, un nouveau défi intellectuel. Le plaisir d'avoir à traiter un travail nouveau. " Maître Jakubowicz " Je vais vous lire une note au sujet de l'UGIF, (il la lit), elle est purement administrative, on oublie que derrière, il y a des hommes, des femmes et des enfants. Il s'agit bien là de la même démarche. " Olivier Baruch " Oui. " Maître Jakubowicz, " Vous avez dit que le STO avait déclenché un revirement majeur de l'opinion des fonctionnaires. Alors que les Juifs n'avaient provoqué aucune réaction. " Olivier Baruch " Oui, le Juif c'est l'autre, le STO, cela nous concernait. " Maître Jakubowicz " Mais on pouvait dire non et au nom de la sacro-sainte conscience individuelle, certains refusaient de voir, dans le Juif, une simple chose, ils y voyaient l'homme. " Olivier Baruch " Oui, vous résumez de façon très tranchée, ce n'est pas aussi simple. " Maître Jakubowicz " Je vous cite le cas du général Saint Vincent qui, à Lyon en août 1942, refuse de donner ses troupes pour arrêter 650 Juifs. Cet exemple-là n'est-il pas typique ? " Olivier Baruch " C'est l'éthique de conviction opposée à l'éthique de fonctionnement. " Maître Jacob " Désobéir, c'est servir. Pouvez-vous donner le chiffre de préfets et de sous-préfets qui ont désobéi ou qui ont été arrêtés ou déportés ? " Olivier Baruch " Si on ajoute ceux qui ont été mis en disponibilité avec indemnité, il y en a sept dans ce cas, et vingt quatre préfets et vingt sous-préfets. " Le président Castagnède " En zone libre ? " Olivier Baruch " Non, sur les deux zones. " Le président Castagnède "Pouvez-vous revenir sur cette disposition que j'ignorais. Il y avait des fonctionnaires mis en disponibilité. C'était un texte que j'ignorais. " Olivier Baruch " C'est un texte qui date du 8 décembre 1943, mais il n'a jamais été publié au journal officiel et pour cause. Il a été appliqué, malgré l'opposition du ministère des finances et une douzaine de fonctionnaires en ont bénéficié. " Maître Jacob " On voit bien qu'on peut désobéir. Pouvez-vous nous parler de la période à laquelle les hauts fonctionnaires d'autorité ont connaissance de la propagande qui vient de Londres ? " Olivier Baruch " Toute la France écoutait la B.B.C., sauf les Juifs qui étaient privés de radio. En plus, dans ce régime policé à l'extrême, on est tenu au courant par les R.G.. L'information existe, tous les hauts fonctionnaires ont accès à cette information. " Maître Jacob " Notamment les textes sur les déportations ? " Olivier Baruch " La résistance tire à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires Il serait étonnant qu'un fonctionnaire n'en ait pas eu connaissance. " Un avocat revient sur la délégation de signature "peut-on l'accorder contre le gré d'un fonctionnaire ?" Olivier Baruch " Non, ce n'est pas possible " Maître Nordmann " Y a-t-il eu des fonctionnaires qui ont eu des sanctions graves ? " Olivier Baruch " Ce n'était pas la règle. " Maître Favreau " En 1947, L'intendant de police Duchon et le commissaire Fredou sont entendus au sujet des rafles de Juifs. Duchon a dit que les initiatives ne venaient jamais de la police. " Les instructions venaient de la préfecture, par ordre verbal ou écrit. Nous n'étions pas au courant, à l'avance des opérations ". Fredou parle d'un service à la préfecture qui s'occupait de cela ou donnait les ordres. Etait-ce bien du domaine des questions juives ? " Olivier Baruch hésite. Le président Castagnède " L'historien a du mal à répondre sur des textes qu'il n'a pas. Je complète la question, qui détient le pouvoir de donner les ordres ? " Olivier Baruch " C'est la préfecture. Ce qui m'étonne, c'est qu'un intendant de police ait eu des pouvoirs autres qu'administratifs. En théorie, il n'en avait pas. " Le président Castagnède " Quel est son rôle ? " Olivier Baruch " En novembre 1942, il ne s'occupe que de gestion, il ne détient pas de pouvoir opérationnel de police. " Le président Castagnède " C'est un gestionnaire régional. " La défense : Maitres Rouxel, Varaut et Vuillemin Les questions se poursuivent jusqu'à ce que la défense intervienne et crée un nouvel incident d'audience. Maître Varaut veut citer le premier rapport d'expertise. Maître Levy le coupe. " Je tiens à protester, la défense crée un nouvel incident, le code de procédure pénale est clair, la défense n'a pas à parler d'un rapport annulé par une procédure. " Le président Castagnède " Ce que vous dites est exact, mais je ne sais pas de quoi veut parler la défense. " Maître Varaut " Laissez-moi terminer ma phrase. " Maître Levy " Ce procédé de la défense est déloyal, elle a joint au dossier un opuscule commentant un rapport d'experts annulé dans la première procédure. " Maître Varaut continue de lire le document et essaie de terminer sa phrase. Le procureur général Desclaux " J'avais demandé le retrait de ce document, la chambre d'accusation a dit non, mais personne n'a le droit de citer ce document. " Le président Castagnède " Que voulez-vous ? " Le procureur général Desclaux " Que vous donniez acte à la défense de ne pas lire ce document annulé. " Le président Castagnède " Je ne peux m'opposer à ce que ce document qui fait partie du dossier soit lu, mais la personne qui lit ce document du fait de son annulation, encourt des poursuites ordinales. " Maître Boulanger " J'entends bien ce que vous dites, la chose est grave, je le dis depuis longtemps. Ce document est vicié et on va directement à la cassation. C'est ce que veut Varaut. " Le président Castagnède " La loi ne me permet pas d'interdire à une partie de parler d'un document que la chambre d'accusation a laissé dans le dossier. Je n'en ai pas le pouvoir. " L'incident perdure un certain temps, nos avocats rappellent l'aspect déloyal, le dossier accablant de Papon, les moyens lamentables que la défense emploie, etc.. Finalement, Maître Varaut pose ses questions, lit des extraits sans aucun intérêt de ce dossier annulé, ce qui semble bien montrer la nature de ses intentions cachées. En conclusion, le Président convoque l'ensemble des avocats et le ministère public après l'audience. Maître Klarsfeld a son habitude intervient après Varaut, fait dire au témoin, au vu d'une note, que Papon avait bien une fonction sur la police. Le Président, à son habitude, rappelle qu'il aimerait que la défense puisse intervenir en dernier, Maître Blet intervient alors pour dire qu'il faut pouvoir intervenir pour rétablir des contrevérités. Papon conclut les débats en approuvant, à quelques nuances près, le portrait dressé par Baruch.© Copyright 1997, J.M. Matisson
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© Affaire Papon - JM Matisson |