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dernière modification : 22/07/02
Chronique du
28 Janvier 1998
Papon, le pseudo résistant
avoue avoir arrêté des résistants...
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Aujourd'hui, colère dans le prétoire...
Maître Levy demandera à Papon le 3 février s'il était mandaté par la
résistance pour faire déporter des juifs, avec l'incident d'aujourd'hui
au sujet du docteur Schinazi, on peut rajouter s'il était mandaté par la
résistance pour faire déporter des juifs résistants. On verra le cas
Jonet plus tard...
L'audience commence par Papon qui demande la parole, il veut intervenir
sur le convoi.
Maître Boulanger « Moïse Schinazi m'a remis une lettre, un document en
mauvais état de son père du camp de Beaudésert, section des étrangers.
Cela prouve ce que disait l'avocat général sur la façon cavalière et désordonnée
dont on emprisonnait les gens. »
Le président Castagnède après avoir consulté le document, le présente
aux parties.
Papon « Je voudrais d'un mot revenir sur le débat d'hier qui a illustré
parfaitement les approches des parties civiles. Elles sont illustrées par
des conclusions à partir de tel ou tel sujet qui avait trait à un autre
sujet. Pourquoi ? Parce qu'il est impossible de prouver quoi que ce soit,
il leur est impossible de prouver l'arrestation, la séquestration,
l'assassinat contre l'accusé. » Quand monsieur l'accusé de crime contre
l'humanité se fâche, il parle de lui à la troisième personne... »
« Je voudrais mettre de l'ordre dans ce désordre. L'arrêt de renvoi a
commis une bévue, il est absurde. On me reproche un acte négatif, c'est
à dire une abstention, celle de n'avoir pas fait libérer Sabatino
Schinazi, c'est une manoeuvre, l'arrêt de renvoi brandit les accords
Oberg Bousquet. Ils sont très critiqués mais quand on en a besoin, on
les appelle au secours. Le cas du Docteur Schinazi, il y a effectivement
un problème à son égard, je veux montrer avec une approche de la vérité
qu'on ne trouve pas dans les documents » Il cite Rachel Schinazi lors de
son interrogatoire, en 1947. « Cela ne résout pas le sort du docteur
Schinazi et fait partie des incertitudes dont a parlé Bergès. Si il a été
déporté à Dachau, c'est parce qu'il est déporté politique, résistant.
Alors pourquoi m'imputer la déportation du Docteur Schinazi ? Pourquoi
Papon apparaît-il dans le champ de vision de la famille Schinazi ? Je
suis victime de la presse, de la famille Schinazi, de Slitinsky, j'accuse
Maître Klarsfeld d'avoir forcé la main à madame Stajner. Papon est un
coupable tout fait ; mais il n'a rien à se reprocher. »
Maître Boulanger veut intervenir mais le président Castagnède refuse de
lui donner la parole « Si je vous donne la parole, il faudra la redonner
à la défense et on en finira pas. »
Maître Levy « Les droits de la défense sont sacrés, il a droit de
mentir, mais là il répond une chose aux questions et le lendemain, il
revient sur ce qu'il a dit. »
Maître Boulanger se lève et quitte le prétoire.
Michel Slitinsky se tourne vers moi, « il a raison, qu'est-ce qu'on fait,
on part. » Je lui réponds « oui, je suis d'accord », Michel se lève,
suivi par la totalité (ou presque) des parties civiles.
Le président Castagnède " Sortez, mais sortez en silence. »
Dehors, au moment où nous sortons, Michel Slitinsky en tête, nous
croisons Gérard Boulanger, « on est sorti avec toi par soutien ». Il
faut dire que les fois précédentes, Gérard était sorti du prétoire,
seul. Quand il voit toutes les parties civiles sortir, il nous lance un «
Merci, merci ». Arrivent ensuite les journalistes, une bonne partie qui a
estimé qu'aujourd'hui, l'actualité était hors la salle d'audience. Les
avocats restent dans le prétoire, sauf un (dont je tairai le nom) qui
arrive en retard et se retrouve avec nous...
Ici, nos réactions,
Maître Gérard Boulanger « C'est intolérable, on ne peut pas laisser
dire n'importe quoi à l'accusé (en réalité les termes employés par Gérard
sont plus crus), Schinazi a été déporté à Auschwitz, et à la fin de
la guerre devant la montée des troupes soviétiques, il a fait la marche
de la mort et s'est retrouvé à Dachau. C'est tout ce que je voulais dire
à l'audience. Je voulais rétablir la vérité. »
Eliane Dommange « Quand on voit la bravoure de Samuel [Schinazi ] dans la
résistance et qu'on la compare à la lâcheté de l'autre, on voit la
différence. »
Michel Slitinsky « Il était normal qu'on se solidarise avec nos avocats,
nos intérêts sont liés. Et quand on voit la liberté qu'on laisse à
Papon pour nous insulter, il faut que le président mette un haut-là.
Papon a insulté le président, le ministère public, nos avocats, les
parties civiles maintenant il insulte les victimes. Il fallait qu'on réagisse.
»
Je dois dire que je partage tout à fait l'avis de Michel, et je rajoute
que Papon et ses nervis. Je jette un oeil dans le dictionnaire pour savoir
si nervi prend un s au pluriel et bizarrement l'exemple donné est «
nervis fascistes ». Je vérifie, surpris, l'auteur sur la tranche du
dictionnaire, c'est pourtant le ô combien conforme « Le Robert ». Dans
la foulée, cela me fait penser que j'ai reçu sur le site Internet deux
courriers de deux étudiants canadiens qui font une étude sur l'évolution
du vocabulaire et qui ont choisi notre site des parties civiles pour faire
cette étude, le premier s'interrogeait sur le sens que je mettais derrière
« paponisme », la seconde s'interrogeait sur l'emploi et l'usage des
mots « crime contre l'humanité ». Alors à leur attention je leur
propose nervis paponesques, et me mets à rêver à cette scène
croustillante : on verrait dans leur beaux habits verts, nos chers perpétuels
Druon et Varaut étudier l'emploi du mot nouveau « paponesque » et se
demander si on doit l'utiliser dans le sens de Pro Papon ou comme synonyme
de fasciste révisionniste. J'en jouis intellectuellement d'avance. Mais
gageons que le terme sera repris avant nous par nos cousins canadiens.
Donc, je disais que les nervis paponesques ont sali de leurs insultes - je
reprends les attaques depuis le début du procès - les victimes de la
Shoah, Yves Jouffa, la petite Nicole Grunberg, mon cousin Bernard Fogiel,
les enfants Stopnicki d'un revers de la main, aujourd'hui le bon docteur
du peuple Sabatino Schinazi, le grand Rabbin Cohen, madame Ferreyra, la
famille Stajner, les familles d'accueil des enfants de juillet, Mgr Feltin,
les victimes juives du camp de Drancy, la race germanique, Maurice
Duverger, les protestants de France, les communistes, les historiens américains,
le complot judéo communiste international, les aviateurs anglais, Paul
Amar, la révolution de 1789, les journalistes, les avocats des parties
civiles, Lionel Jospin, les gaullistes pro chiraquiens, les vrais résistants,
les magistrats instructeurs, les parties civiles elles-mêmes, Juliette
Benzazon, Michel Slitinsky, mon père, moi-même au cours d'une émission
radio « le téléphone sonne », etc.
La liste des éloges du camp de la défense est directement inverse même
si on y retrouve en si mauvaise compagnie, Simone Weill, le chef de Feld
Kommandantur de Bordeaux, Bergès, Garat, Amouroux, Louis XVI, le beau-père
de Varaut. Je ne comprends pas, nous ne comprenons pas que le président
Castagnède laisse l'accusé de crime contre l'humanité parler ainsi ?
Bon d'accord, cela joue en sa défaveur, mais il y a des limites au tolérable.
Et ces limites ne sont pas celles de ligne de démarcation. Ne
seraient-elles pas plutôt les mêmes que franchissait naguère une
certaine équipe préfectorale bordelaise ? »
Jackie Alisvaks « Nous devons être en harmonie avec nos avocats et il
est incompréhensible de laisser bafouer la mémoire de la famille
Schinazi et des déportés et ne pas laisser Boulanger rétablir la vérité.
»
Carole Lemée « En tant que citoyenne, je m'interroge sur le fait de
savoir pourquoi quand il a la parole en dernier, il comprend que certaines
de ses réponses étaient déplacées quand il répond avec la charge ou
sous la pression émotionnelle. Déjà, Librach, Gheldman et Jackie
l'avaient fait remarquer, systématiquement, il ne répond pas aux parties
civiles et le fait le lendemain. Il a déjà parlé en dernier hier. Ses
propos sont tendancieux, il est politique, Si Schinazi meurt à Dachau,
c'est parce qu'il vient d'Auschwitz et part sous la pression des russes.
Papon lui utilise un raccourci, Mérignac, Drancy, Dachau. »
René Panaras « Quand j'ai entendu Papon jeter le discrédit sur le
Docteur Schinazi, dire qu'il était parti à Dachau comme déporté
politique, mon beau-père, Simon Lubieez l'a vu le dernier à Auschwitz 8
jours avant qu'il ne meure, il était à Auschwitz, il l'a reconnu de
suite, c'est Sabatino qui avait fait la circoncision de son fils,
gratuitement d'ailleurs. Schinazi est parti dans la marche de la mort, mon
beau-père est parti à Dora et Sabatino pour Dachau, il est mort à
Dachau, je suis outré, on ne peut pas laisser dire les choses comme ça.
»
Samuel Schinazi « Je considère que la réaction du président est
regrettable, il n'avait aucune raison, aucun droit d'interdire à
Boulanger d'intervenir à partir du moment où Papon venait de contredire
ce qui avait été dit la veille, il fallait réagir. Ou alors, il fallait
en terminer hier soir et on ne donnait pas la liberté la liberté à
Papon d'en parler. Mon père venait d'Auschwitz et est allé à Dachau, il
faisait parti d'un Kommando de 21 déportés à Kauferttin. Mon père,
c'est la préfecture de la Gironde qui l'a arrêté et qui en a donné
l'ordre. Ma mère a vu les Allemands qui ont dit « on ne peut rien faire,
ce sont les Français qui ont arrêté votre mari. ». Je trouve
l'incident regrettable de la part du président, parce qu'on laisse dire
n'importe quoi à Papon, il cite ma soeur, en 1947, elle était mal informée,
elle parle des Allemands alors qu'il s'agit de la préfecture. Ma mère a
subi des pressions de la police, on lui a fait dire, c'est Dehan alors que
c'était Garat. »
Armand Benifla « Pour moi, c'est encore une tactique de Papon et de
Varaut, il se sentent concernés et ils veulent sortir de la nasse.
Sabatino est allé à Auschwitz et en ne citant que Dachau, il montre que
plus on va vers le verdict, plus il a peur, il se défend de façon déloyale.
»
Maurice Matisson « J'ai quitté la salle en solidarité pour Boulanger.
Ce n'est pas par réaction contre le président Castagnède, c'est une réaction
contre la tactique de la défense qui consiste à effacer les acquis des débats
de la veille. C'est une infamie qui consiste à insulter les victimes et
leur mémoire. Dire que le Docteur Schinazi était un résistant ne tient
pas, il a été arrêté par les gendarmes Français. S'il avait été un
résistant il ne serait pas resté plus d'un an à Mérignac, il aurait été
à Souge ou au fort du Hâ. Ou alors si Schinazi a été résistant, cela
signifie, qu'un Papon pseudo résistant a participé à la déportation
d'un résistant. »
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