date dernière modification : 22/07/02 Chronique du 05 Janvier 1998 Papon, on vous reproche d'en faire plus, d'avoir pleinement participé, d'avoir agi avec zèleLundi 5 Janvier 1998 Papon, on vous reproche d'en faire plus, d'avoir pleinement participé, d'avoir agi avec zèle Dans cette chronique, les noms de tous les enfants du convois d'août 1942 L’audience reprend après 13 jours d’interruption, avec un Papon en pleine forme, très agressif et insultant même le procureur général Desclaux. L’interrogatoire du procureur n’amène rien de spécial devant la défense acharnée de Papon. L’audience commence par une série de versements de pièces des avocats, tout d’abord Maître Klarsfeld qui verse au dossier, un arrêt du conseil d’État de 1944, qui stipule qu’en droit administratif, comme en droit pénal, la défense de Papon, qui consiste à se réfugier derrière Sabatier, ne tient pas debout. Un fonctionnaire ne doit pas obéir à tous les ordres, il doit résister à certains ordres. Puis Klarsfeld demande à ce que deux témoins soient entendus, il s’agit de David et Sylvain Molho, dénoncés pour avoir voulu tenter de franchir la ligne de démarcation et arrêtés à Dax, conduits à Mérignac, puis à Drancy dans le convoi d’août 1942, mais libérés à Paris par la préfecture de Police. Le Président Castagnède " Ce sont deux enfants mineurs de ce convoi, j’apprécierai demain s’il est utile de les entendre. " Puis Maître Rouxel intervient, après Maître Vuillemin qui verse le code pénal (ou civil ?) au dossier, après Maître Varaut qui verse au dossier le récent livre sur les crimes du communisme. Maître Rouxel demande à verser au dossier l’Edit de Nantes. En quoi cela touche-t-il le dossier ? Le général Faber protestant, est originaire de la région. Sans commentaire. Maître Varaut " Je veux reprendre Serge Klarsfeld, Papon ne veut pas s’abriter derrière un arrêt administratif bien connu. Il ne doit pas être jugé pour les actes que Sabatier a commis.(...)" Il évoque la disparition d’un témoin (capital) de la défense Saint Hilaire, chef du réseau Marco Kleber. " Une fois de plus, nous sommes entourés d’ombres." Et enfin, il verse le livre de Rajfus, en salissant une fois de plus la mémoire des victimes, en rappelant que des Juifs étaient gardiens à Drancy, etc. Mon père à côté de moi : " Et alors, il y avait des salauds, partout. " Le Président Castagnède rappelle à Maître Varaut, que Saint Hilaire n’était plus témoin, que la défense avait renoncé et qu’il était passé outre à son audition. Maître Varaut " Son fils peut venir témoigner. " Maître Klarsfeld " Je veux répondre à Alexandre Varaut. " Maître Varaut n’apprécie guère et ne se rend pas compte qu’il a lui-même appelé Arno Klarsfeld, Serge. " Sur Drancy, le service d’ordre juif, dont la défense parle, n’a duré que quelques jours. " Puis il répond à Maître Rouxel, en citant et en versant un extrait d’un ouvrage d’Anquetil, qui cite des personnages de l’époque, qui ont refusé d’arrêter les protestants. Du côté parties civiles, on est estomaqué par Klarsfeld. Comment savait-il qu’on allait parler des protestants ? La parole est enfin donnée au procureur général Desclaux qui commence son interrogatoire de Papon. Comme je l’ai dit en introduction, il n’amènera pas grand chose par rapport à celui du président qui semble avoir été plus incisif. Toutefois, le procureur général Desclaux abordera lors de la question des enfants, le devoir moral. qu’avait Papon de faire quelque chose. C’est un des points essentiels de ce procès à mon avis. Comment un haut fonctionnaire a pu obéir à la demande de déportation des enfants sans réagir et avec zèle, c’est à dire en allant au delà de ce qu’on lui demandait ? Lâcheté, antisémitisme, couardise, zèle excessif ? Ce point n’a pas du tout été abordé avec le président Castagnède, qui ne s’en tient qu’aux faits dans sa volonté de paraître impartial. Le procureur général Desclaux aborde le convoi de façon chronologique, il commence par la lettre de Chapel, saisi par le sous préfet de Langon qui demande à Papon d’intervenir pour sauver plusieurs personnes, dont un vieillard, des enfants et des femmes. " Chapel craint la déportation des femmes françaises. (...) " et la réponse optimiste de Papon " Les français ne craignent rien." Je suis très étonné par la façon très optimiste et très rassurante dont vous répondez. " Papon " (...) Je me suis tourné vers Garat, il avait reçu des Allemands des assurances, on a été roulé dans la farine par les Allemands (...) cela montre toute l’hypocrisie de la race germanique. " Je me demandais tout à l’heure si Papon était antisémite, ce qui est sûr, c’est qu’il est raciste... Le procureur général Desclaux, toujours sur cet échange " (...) Je ne comprends pas cette confiance que vous montrez envers les S.S. " vous parlez pour la rafle de juillet de coup de tonnerre dans un ciel bleu " vous savez comment les S.S. ont fait fi de leur promesses en juillet, il y a eu 38 Français arrêtés, par vos soins et ceux de la préfecture, et déportés. Quand vous répondez à Chapel qu’il n’y a pas de crainte à avoir, en même temps de nombreux Juifs arrivent à Mérignac, le 30 juillet : trente dont deux enfants, le 5 août : douze Juifs dont cinq enfants, le 10 août : vingt (...) huit Juifs dont neuf enfants, ça, vous le saviez, vous étiez au courant (...) Le Juif Mayer, c’est vous qui demandez son arrestation, et une fois l'arrestation opérée, vous en informez les Allemands (...) il y a partout des contrôles des Israélites, dans la rue, dans les cinémas, vous ne pouvez pas ignorer le danger, vous le savez pertinemment (...) En août 42, on comptabilise trois cent soixante-huit entrées de Juifs à Mérignac et quatre cent soixante sorties avec le convoi d’août (...) Ce sont vos services qui établissent les listes, notamment celle des Juifs de 16 à 45 ans du 10 août (...) Pourquoi ne faites-vous rien ? Je constate que vous ne répondez pas à mes questions. Je constate que mes questions sont embarrassantes. " Ce à quoi Papon répond " On a été roulé dans la farine, les Allemands n’ont pas tenu leurs promesses (…) Nous avons été naïfs, si vous retenez cette naïveté comme un crime contre l’humanité alors je suis criminel d’avoir été naïf (…) Ce n’est pas moi qui l’ai arrêté, le Juif Mayer (...) J’ai déjà répondu (...) Vous évoquez les faits de façon restrictive, je suis intervenu oralement, je dirai vulgairement que votre façon de faire, ce n’est pas du jeu (...) C’est une question de sensibilité, on ne croyait pas que les Allemands étaient capables de faire ça " Le procureur général Desclaux continue sur l’octroi, par Papon, des forces de gendarmerie, pour conduire les Juifs arrêtés sur la ligne de démarcation à Mérignac, c’est un apport essentiel dans le concours donné par la préfecture à la déportation : " Le 8 août, vous répondez favorablement à la demande des Allemands du 31 juillet, les forces de gendarmerie vont conduire les Juifs arrêtés sur la ligne de démarcation à Mérignac, pourquoi avoir répondu ainsi ? " Papon " C’est le préfet, il a seul le pouvoir." Le procureur général Desclaux " Non, c’est vous qui signez, on ne va pas revenir dessus. " Papon " On revient sur ce point depuis le début. " Le procureur général Desclaux " Non, il y a du zèle de votre part (…) Ce que vous faites c’est du donnant donnant, c’est du solide. Premièrement, vous donnez la gendarmerie aux Allemands. Deuxièmement, vous donnez les listes demandées. Vous ne négociez rien, vous avez tout donné. " Papon " Non, la gendarmerie est donnée, mais vous oubliez les enfants, je demande la libération des enfants de moins de 21 ans. " Le procureur général Desclaux " Non, vous donnez la gendarmerie, pour les enfants vous faites une demande, où est la négociation. " Le Président Castagnède " Je veux intervenir dans le débat, si vous le permettez, Monsieur le Procureur, Papon vous vous trompez de date, en juillet, les Allemands n’ont pas demandé l’arrestation des enfants. " Papon " Oui, mais on pouvait le penser. " Le procureur général Desclaux " Voilà encore un élément de confiance étonnant vis à vis des Allemands ? " Papon " Si je comprends bien, vous me reprochez d’avoir demandé l’exemption des enfants de moins de 21 ans ? " Le procureur général Desclaux " Pas du tout, je dis qu’il y a déséquilibre, c’est bien par votre signature que la gendarmerie est donnée aux Allemands. Le 21 août, Luther vous répond que tous les enfants doivent partir, ceux de juillet comme les autres, il vous dit que tous les Juifs doivent quitter Mérignac pour Drancy. Comment pouviez-vous encore douter ? Il y a des arrivées massives de Juifs, tout cela vous laissait présager le pire. " Papon " Ce n’est évident que depuis cette lettre du 21 août. " Le procureur général Desclaux continue " Que pensiez (...) vous qu’il allait arriver ? On compte l’arrivée massive de deux cent quatre-vingt-quinze Juifs du 21 au 26 août (...) Vous savez que tous les Juifs internés vont partir (...) Quand Garat rencontre Doberschultz, vous savez qu’il n’y aura pas d’exemption, seules les femmes qui allaitent seront épargnées. Qu’allez-vous faire quand vous savez cela ? " Papon " On s’adresse au gouvernement, c’est un rempart peut-être futile mais ça fait gagner du temps. " Le procureur général Desclaux " Quel temps gagné ? Vous savez que Leguay est favorable au regroupement des familles. Alors que faites-vous ? " Papon " Que fallait-il faire ? Se taire ? " Le procureur général Desclaux " Dès le samedi 22, le processus du convoi se met en route. Dès le 21, on peut anticiper, dans la note que Garat vous adresse : " sauf contre ordre, il ira le 24 à Mérignac faire un pointage pour examiner les cas spéciaux. " Papon " Fallait-il laisser passer la chance de sauver un tel ou un tel ? " Le procureur général Desclaux " Non pas du tout, mais il fallait dès ce moment réagir. " Papon coupe le procureur général Desclaux " Non, la lettre est adressée au préfet régional. " Maître Boulanger " Non, à vous, la lettre vous est adressée. " Le procureur général Desclaux " Tout de suite, Garat vous le dit, dès le 21 le processus est en marche, le 22 on a un document qui parle de déporter cent cinquante Juifs, il y en aura beaucoup plus. On dit que Techoueyres doit s’occuper de cela. " Papon " Est-ce un crime contre l'humanité d’intervenir ? Techoueyres dépend du préfet régional " Le procureur général Desclaux " Techoueyres n’y va pas pour sauver des Juifs, il y va pour accompagner le convoi. " Papon " Oui, mais si on n’y va pas, les vingt femmes et les dix personnes dont l’infraction n’est pas reconnue seraient parties. Sans nous, les Allemands les auraient déportés. " Le procureur général Desclaux " Oui, mais sont partis les enfants, dont ceux de juillet. C’est vous qui le faites, vous faites le transfèrement des Juifs avant qu’on vous le demande. " Papon " Pas du tout, Garat va à Drancy pour essayer d’en sauver le maximum, il a essayé mais n’a pas réussi. On a essayé, on a perdu. Mais on a essayé. " Le procureur général Desclaux " Mais les faits infirment vos dires. Ils prouvent le contraire. Ce même 24 août, le chef de convoi doit se mettre en contact avec Garat. Pourquoi aller si vite ? " Papon " C’est l’intendant régional de police qui déclenche le convoi sur ordre du préfet. " Le procureur général Desclaux " Vous dites toujours la même chose, c’est Sabatier ou Garat, jamais vous. Dans le dossier, concernant le convoi du 26 août, on voit six notes importantes signées Papon, deux signées Garat, une signée Chapel et une signée Sabatier. Dans l’instruction, devant le juge Braud, vous affirmez que c’est Chapel le responsable de la rafle d’août. " Papon " Je le confirme aujourd'hui, vous vous livrez à des opérations statistiques, c’est parce que, dans les archives, vous ne prenez que les notes signées Papon, pas celles signées Chapel ou Sabatier. On a instruit à charge contre moi, on a cherché les pièces signées Papon, pas les autres, je le clame et le proclame. " Et pourtant, Bergès le grand sauveur de Papon, lui qui devait apporter les pièces dont parle Papon, il en déposera cinquante mais aucune nouvelle ou significative ! A force de mentir, Papon pense faire entrer dans la tête des jurés les visions révisionnistes de son rôle. Le procureur général Desclaux " En tant que magistrat, je ne peux pas vous laisser dire cela. C’est faux et vous le savez bien. Sabatier a confiance en vous, il vous laisse faire, j’ai recherché les actes importants. Dans ce convoi, vous avez signé six actes importants. " Papon " C’est l’intendant régional de police, le responsable, c’est lui. " Le procureur général Desclaux " Qui est désigné pour conduire le convoi ? Techoueyres, on lui dit : " mettez vous en contact avec Garat ". Techoueyres travaille dans le service des questions juives depuis juillet. J’en reviens à Chapel, il n’apparaît que pour demander un sauvetage ? " Papon " Chapel est impliqué : ma note du 24 août le dit. Tout cela prouve bien qu’il s’agit d’un complot monté contre moi. C’est le défaut de votre méthodologie, vous ne prenez que les archives Papon. Avec tout le respect que je vous dois, ce n’est pas du jeu. Je joue ma vie, moi. Je joue ma fin de vie, moi. " Protestations chez les parties civiles. Juliette se lève et crie avec mon père : " Et les milliers de morts, c’est un jeu ? " Le procureur général Desclaux continue et aborde le cas des six gendarmes envoyés en renfort à Mérignac " Pourquoi envoie-t-on six gendarmes ? Je constate que tout est mis en place pour le processus de déportation (…) Vous parlez d’intervention auprès de la D.G.T.O. (Direction Générale Des Territoires Occupés), qu’est ce que cela a donné ? (...) Il se jouait des choses fondamentales, il y a quatre cent personnes en jeu (...) Il y a des moments où il faut agir, il faut faire quelque chose. " Papon " On pensait à un moment se coucher sur les voies de chemin de fer. " Je dois dire que l’image de Papon se couchant sur les rails de chemins de fer est pittoresque, Papon entre dans sa phase du résistant lâche jusqu’au bout. Le procureur général lui parle des risques qu’évoque souvent Papon de mitraillette dans le dos. Papon réplique en lui disant un cinglant : " Si vous aviez été là, on vous aurait fusillé (...) on pouvait pas faire dix mètres sans tomber sur les Boches (...) Les Allemands savaient que j’étais anti-Allemand il ne faut pas être idiot." Le procureur général Desclaux revient au sujet, il parle d’une réquisition du 28 août, signée Papon, qui demande à la gendarmerie de conduire les Juifs à Drancy. Papon dit que cette pièce est secondaire et que de toute façon, c’est la seule pièce du dossier, qui n’est pas régulière. En effet, d’après un décret de 1903, les gendarmes ne peuvent être mobilisés que sur réquisition écrite. Or, cet acte est un acte de régularisation, daté du 28 août pour le convoi du 26 août. Il ressort que c’est une régularisation d’un ordre verbal, mais que celui, qui signe cette confirmation, est forcément celui qui a donné l’ordre verbal. Maître Varaut tente alors de semer le doute, en disant que c’est une minute, que n’importe qui a pu signer. Sur quoi, le Président Castagnède intervient fermement pour que la défense dise une bonne fois pour toutes ce qu’elle entend par minute. Ce n’est pas la première fois, que la question se pose. Finalement, il ressort qu’une minute est bien une copie exacte de l’original, une pelure et que donc c’est bien Papon qui a signé cet ordre de réquisition, qu’il avait bien le pouvoir de le faire, contrairement à ce qu’il affirme. D’ailleurs, un ordre similaire signé encore Papon existe pour le convoi de janvier 1943. En conclusion de ce chapitre, le procureur demande à Papon : " confirmez-vous que c’est un choix humanitaire que de réquisitionner la gendarmerie française alors que ce sont les Allemands qui l’exigent ? " Comme à son habitude, Papon, acculé, salit la mémoire du grand Rabbin Cohen, dit que c’est à sa demande qu’il a agi ainsi. Enfin, le procureur général Desclaux aborde les relations avec Leguay qui disait : " il faut sauver les Juifs français " et le voyage de Garat à Drancy d’où il revient convaincu du sort malheureux des Juifs. Il demande à Papon s’il s’est préoccupé à un moment du sort des Français déportés en juillet et en août ? Une longue pause intervient, puis le procureur général Desclaux aborde le cas douloureux des enfants, et notamment ceux de juillet, confiés dans des familles Françaises. Papon nie toute participation personnelle à leur rapatriement. Survient alors un incident, lorsqu’un témoin, Madame Dessieux, (la famille d’accueil des enfants Stopnicki, absente alors que le président la croit présente) délivre un second certificat médical. Le procureur général Desclaux renonce alors à son audition, au vu de ce second certificat médical. Maître Touzet intervient alors pour dire qu’il pense que Madame Dessieux ne vient pas, parce qu’elle subit des pressions. Il cite un référé de septembre suite à une interview donnée par Madame Dessieux à TF1, et demande au président Castagnède, soit de la forcer à venir, soit de projeter son interview. Le président sursoit à statuer mais de toute façon si on ne l’entend pas, il lira ses témoignages, elle en a produit deux : un pendant l’instruction et un lors du procès Dehan. Le procureur général Desclaux retrace le contexte général, Laval a demandé que les enfants de la zone libre suivent leurs parents. Ceux de la zone occupée, ça ne l’intéresse pas. A Paris en juillet, les enfants sont conduits à Pithiviers, le préfet de Pithiviers réagit. " Mais, à Bordeaux, que fait le service des questions juives, que fait Papon ? Rien. Les enfants sont arrêtés et internés - Il y a des jeunes enfants, on l’a vu des jeunes de moins d’un an à quatre ans. Il en arrive tous les jours, conduits par la gendarmerie. Tous ces jeunes enfants arrivent, vous le savez, que faites-vous ? A part une lettre générale. Tous ces enfants qui arrivent, vous savez qu’ils vont partir à la déportation, vous pouviez les libérer ? Mérignac est un camp français, gardé par des Français, vous pouviez en faire plus. Le 19 août, Garat reçoit de Rousseau [le directeur du camp de Mérignac ] une lettre avec la liste de vingt huit Juifs dont neuf enfants de un à quinze ans, Rousseau vous indique les adresses de personnes qui peuvent les héberger, il vous tend la perche que faites-vous ? Vous pouviez entreprendre une démarche dynamique à ce moment-là ? " Le plus souvent, Papon est pris en flagrant délit de contradiction avec ses dépositions au cours des différentes instructions. Papon, qui nie tout en bloc, se dégage sur Garat, Sabatier, le Grand Rabbin Cohen, les Allemands, Madame Ferreras ; il a une réponse odieuse à ce moment : " Les conduire à Reims [il aborde le cas des quatre enfants Griff, dont la tante habite Reims] c’était compliqué. " Protestations dans la salle, ça hurle. Le procureur général Desclaux " Oui, c’était plus simple de les envoyer à Drancy. " Klarsfeld en même temps lui dit " Oui, c’était plus simple de les envoyer à Auschwitz. " Le procureur général Desclaux cite le cas du général Saint-Vincent, qui refuse d’envoyer sa troupe pour escorter un convoi. Quand il aborde les placements des enfants en juillet, puis leur rapatriement à Bacalan puis à Mérignac, Papon a cette réponse bizarre : " on (le Grand Rabbin Cohen, le service des questions juives, Madame Ferreras) informait les familles d’accueil de la décision des Allemands, à elles de voir ce qu’elles faisaient : certains les ont ramenés, d’autres les ont laissés partir. " C’est du très grand Kafka. C’est ça, le Grand Sauveur des Juifs et des enfants ? Cela en serait risible et pitoyable si ce n’était pas si dramatique. Quelques instants plus tard, Papon demande " Qu’est-ce qu’il fallait faire ? " Le public, unanime, répond : " Démissionner ". Puis, le procureur général Desclaux revient sur la déposition de Papon, sur Nicole Grunberg : " vous avez dit qu’il fallait l’arracher de l’anéantissement. " Papon nie avoir employé ce terme ou du moins, lui avoir donné le poids que lui donne le procureur général. Le procureur général Desclaux insiste " Même si on ne retient que le mot arracher, vous l’avez arrachée, je note votre position. " Papon " Mais je n’ai rien dit, de position, je n’en ai pas. " Le procureur général Desclaux " Oui, c’est bien cela, je note votre absence de position. Ce dont on parle est dramatique, on parle des enfants, de leur déportation, et vous, qu’est-ce que vous faites ? Une lettre aux S.S. et une lettre au gouvernement. On vous reproche d’en faire plus, d’avoir pleinement participé, d’avoir agi avec zèle. Lors du convoi d’août il y a eu soixante quatre enfants. Le procureur général cite les noms des enfants de juillet, partis dans le convoi, pour honorer leur mémoire. Ici, les noms de tous les enfants du convoi : Anannon, Williams 11 ans et Gérard 7 ans Baskin, Jacqueline 10 ans et Michel 5 ans Bencarassa, Claude 11 ans Bluwol, Rachel 14 ans Bojmal, Pauline et Zimal, 8 ans Bronstein, Nicole 5 ans Burowska, Tatiana 16 ans Coilek, Monique 3 ans Cwejbak, Albert 16 ans Drachmann, Mireille 7 ans Fersztendig, Emile 4 ans Finkelstein, Michel 9 ans Furmanski, Adolphe 6 ans et Bernard 10 ans Furmauska, Ita 16 ans Griff, Jeanette 9 ans, Léon 1 an, Maurice 7 ans et Simon 5 ans Grossang, Anna 4 ans et Léon 7 ans Gutter, Hélène 7 ans Junger, Jacqueline 8 ans et Jacques 4 ans Kaim, Claude 14 ans, Lydie 13 ans, Roger 12 ans, Edmond 9 ans, Arlette 5 ans et Irène 3 ans Kimelman, Bernard 8 ans et Charles 6 ans Leibzade, Joseph 16 ans Lewkowicz, Maurice 11 ans Leyzerowicz, Anna 3 ans et Felicia 10 ans Lokiec, David 14 ans Melender, Robert 11 ans Miechkaup, Isaac 12 ans Molho, David 13 ans et Sylvain 15 ans Moszkowicz, Jacq 4 ans Oafti, Henri 5 ans et Gilberte 3 ans Olczak, Suzanne 8 ans Pelta, Yvette 5 ans Plewinski, Henri 9 ans et Jeanine 4 ans Prync, Daniel 16 ans Rosenthal, Henri 10 ans Rotman, Jean 10 ans et Robert 14 ans Rusin, Robert 5 ans Schwartz, Georgette 11 ans, Hélène 13 ans et Ladislas 14 ans Stern, David 11 ans Stopnicki, Nelly 5 ans et Rachel 2 ans Swarc, Salomon 4 ans Szpindal, 16 ans Veinberg, Henri 10 ans Woland, Arlette 7 ans et Jean 15 ans Zimeliowitch, Nicole 10 ans Zyguel, Hélène 14 ans, Léon 15 ans A l’écriture de cette liste, long trajet sur le chemin de l’inhumanité, j’ai dû m’arrêter à plusieurs reprises, larmes, cris, colère, envie irrépressible de tout casser... Hurlements, cauchemars qui déchirent à jamais le silence de la nuit... La bête immonde avale le petit d’homme. L’espoir n’a plus ni visage ni avenir. Ce soir j’ai le sentiment d’atteindre la frontière de ce crime contre l'humanité... Aucun mot, aucune larme, aucun cri ne veut plus rien dire... Plus rien n’a aucun sens... Plus rien ne sert à rien... Mais malgré tout, ne jamais oublier ces noms... © Copyright 1997, J.M. Matisson
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© Affaire Papon - JM Matisson |