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date dernière modification : 22/07/02

Chronique du 5 décembre 1997

« L'enfer de Papon est toujours pavé de bonnes intentions »

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Vendredi 5 décembre 1997

« L'enfer de Papon est toujours pavé de bonnes intentions »

Voir aussi les éléments de l'interrogatoire de l'accusé par le Procureur Général Henri Desclaux

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Jean-Marie Matisson, Carole Lemée et Esther Fogiel

Poursuite de l’interrogatoire de Papon comme au jeu du chat et de la souris, le Procureur Général Desclaux, parfois le président Castagnède, et Papon nous refont un remake de l’audience d’hier. Mensonges et calomnies paponesques ponctuent les " je ne partage votre avis " ou " la réalité des faits contredit vos assertions ". Papon qui en fait trop avec un service des questions juives kafkaïen qui travaille 24/24 heures à sauver les Juifs... Papon, l’apatride de la préfecture de la Gironde coincé dans son " no man's land " d’innocence entre la responsabilité de Sabatier, son supérieur, et celle de son inférieur hiérarchique, Garat. A la fin, le Procureur Général Desclaux s’énerve quelque peu et lance à Papon : " Mais enfin quand on signe un document comme celui-ci, comment peut-on ne pas se sentir responsable ? "

Maître Varaut dépose de nouvelles conclusions, pour confirmer sa demande de saisine de pièces de la correspondance entre Papon et les Allemands. Il souhaite que ces pièces soient jointes au dossier. Ces pièces mises en perspective avec les ordres d'arrestation permettront ainsi de mieux voir les fonctions, les attributions et les rôles de chacun à la préfecture de la Gironde. Puis revenant sur la santé de Papon, il redemande d’écourter les audiences et demande de mettre Papon sous la protection du président Castagnède.

Le président Castagnède, un sourire aux lèvres : " La seule chose que je mets sous ma protection, c’est le respect de la loi. "

Le Procureur Général Desclaux " C’est un éternel recommencement, il nous redemande toujours des pièces qu’on a déjà étudiées. Je ne vois pas comment on peut affirmer qu’il existe des centaines de pièces si la défense en possède, qu’elle les verse et on verra. "

Maître Boulanger " Il y a quelques semaines déjà, j’avais dit devant cette cour qu’il y avait une tentative de la défense de discréditer cette instruction. Il y a eu en 1984 ou 1985, je ne sais plus bien, des pièces qui ont été soumises à l’instruction par Bergès quand il travaillait pour nous. Elles ont été conservées par lui. Si Bergès les a gardées, comme il a rencontré pendant dix-huit heures Papon en début d'année, Papon les a forcément, il n’a qu’à les produire. La défense veut nous faire croire que l’instruction a eu lieu à charge et non pas à décharge. "

Maître Klarsfeld " Sur les cent trente Juifs que Papon prétend avoir sauvés, cent trente sont en réalité aryens. Le processus est simple, quand les chefs de famille se sont déclarés pour le recensement, ils inscrivaient leurs femme et enfants.

Ces personnes ont vu que, selon le statut, elles n’étaient pas juives et ont fait une simple demande de radiation. Ce n’est que de la gestion de fichier. Une personne, un aryen non juif que Papon prétend avoir radié et sauvé a en réalité été déporté. Le problème c’est que le service des questions juives a tardé à faire les radiations. Ces retards ont été fatals à de nombreux aryens. Ces personnes n’avaient pas à être déportées. Papon a le taux le plus élevé d’aryens déportés. Je ne vois pas pourquoi on perd du temps. "

Pendant tout ce temps, Papon se gratte le nez et lit tranquillement ses papiers. De toute évidence, ce n’est pas de lui qu’on parle. Le criminel contre l'humanité, ce n’est pas lui, il est schizophrène.

Maître Levy " Je veux faire remarquer cette tactique de la défense, chaque fois que l’interrogatoire aborde des points accablants pour Papon ; quand l’accusation met en cause trop fortement l’accusé, la défense crée un incident contentieux. Lorsqu’on lit les conclusions de la défense, on est atterrés. C’est une nouvelle tactique de la défense qui demande qu’on revienne en arrière, je demande à la cour de rejeter cette demande. "

Maître Touzet " Les conclusions de la défense apparaissent comme une nouvelle manœuvre, car le fond ce n’est pas son problème. Le fond pour nous, c’est de savoir la responsabilité de Papon. Elle est apparue de façon évidente hier, la demande est superfétatoire. C’est une raison de plus pour la rejeter. "

Maître Favreau " Je l’ai déjà, dit le 13 novembre avec Philippe Burrin, l’ensemble des sauvetages revendiqués par Papon ne ressort que de la simple gestion du fichier juif au regard des lois de l’époque sur l'aryanité. "

Maître Varaut " Oui, Maître Boulanger l’a dit, je conteste l’instruction dans sa troisième partie. C’est une instruction à charge. La commission d’enquête n’a pas été renouvelée, des enquêtes n'ont pas été menées. Et je ne comprends pas pourquoi deux de mes confrères, Klarsfeld et le bâtonnier Favreau interviennent sur une demande que je n’ai pas faite. "

Le président Castagnède " Papon, avez-vous une observation à faire sur les conclusions qui ont été déposées en votre nom ? "

Papon " Non, Monsieur le Président, je n’ai pas d’observation à faire. Je me demande simplement pourquoi j’ai reçu des remontrances de la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] ? "

Le président Castagnède " Je mets en délibéré les conclusions déposées par la défense au 11 décembre. Je veux revenir maintenant, Papon, sur le dernier point abordé hier. Je reviens sur la note que vous a adressée Garat pour la réorganisation de son service. Le 5ème alinéa précise les attributions du service : " examen des mesures de police pour transmission et examen avant exécution par l’intendant régional de police ". Vous avez dit : " Garat tenait sous son contrôle le commissariat aux questions juives ". Quels types de mesures de police, la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] pouvait proposer à la demande du préfet ? "

Papon " La SEC était indépendante et en étroite collaboration avec le service des questions juives et les Allemands. Son action était très souvent arbitraire. C’est la raison pour laquelle le commissariat aux questions juives s’est efforcé sur mes instructions de s'introduire dans la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] pour mieux la surveiller. La SEC procédait à des arrestations. Sabatier a protesté contre les arrestations et il a rappelé qu’il était le représentant du gouvernement français. "

Le président Castagnède le coupe " Nous verrons plus tard ce point au moment du convoi d’octobre 1943. "

Papon " Il y avait un contentieux permanent entre la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] et le service des questions juives. "

Le président Castagnède " Ma question n’a pas pour objet d’examiner les frictions entre la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] et le service des questions juives. Revenons à ma question, quels types de mesure de police proposait la SEC ? "

Papon " La plupart du temps, il s’agissait d'arrestations ou de manipulations du fichier. "

Le président Castagnède " j’entends bien, manipulations de fichiers, il n’y avait pas de mesures de police ? Le fichier était tenu par le service des questions juives, mais parlez-moi des types de mesures de police prises ? Vous dites arrestations, y avait-il d’autres types de mesures de police ? " Un bruit de sonnerie retentit trois fois. Le président Castagnède s’énerve : " Mais qu'est-ce que c’est que ce bruit ? "

Papon " Il y avait les demandes de transfert vers Mérignac. "

Le président Castagnède " Pour Dubarry, il est exact qu’il en a prises, le service des questions juives a pris certains arrêtés en vue d'arrestation ou d’internement de Juifs sur le vu des rapports et à la demande de la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] et de Dehan. Le cas s’est produit à la préfecture une seule fois, peut-être deux ou trois. Il s’agit d’arrêtés d’internement. Selon vous, quand Dubarry témoigne, qu’est-ce que ça veut dire, quand Dubarry dit qu’il est exact que le service des questions juives a pris certains arrêtés, d’internement. Dubarry est un garçon sérieux. "

Papon " C’est un abus de langage. Le terme "a pris" ne signifie pas qu’il est à l’initiative. C’est une forme verbale qui ne rend pas compte de la réalité. "

Le président Castagnède " C’est ce que je voulais entendre, hier je me disais qu’on mettait le préfet entre parenthèses, aujourd’hui j’ai la même impression. "

Papon " Je ne partage pas cette interprétation. "

Le président Castagnède " Ce n’est pas une interprétation, c’est une question. "

Papon " Je ne partage pas cet avis, cela ne change rien à la hiérarchie des responsabilités. "

Le président Castagnède " l’examen des mesures montre que, quand on prend un arrêté, c’est le préfet qui signe. Le service des questions juives examine les mesures, donne son avis. Sinon à quoi sert ce service ? "

Papon " C’est du ressort du préfet. "

Le président Castagnède " Ce n’est pas ce que je vous demande, le service des questions juives émet-il un avis oui ou non ? "

Papon " ... "

Le président Castagnède " J’avoue que réserver son activité à surveiller l’action de la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] me semble faible. Dans ce cas, je ne vois pas l’intérêt de créer ce service. "

Les avocats de la défense se lèvent et protestent contre Vuillemin qui donne des réponses à Papon.

Le président Castagnède " Je ne voudrais pas Maître Vuillemin que cela continue, c’est la deuxième fois que vous provoquez un incident, la prochaine fois sera la dernière. Je vous fais quitter le box des accusés. Je ne suis pas là pour surveiller les avocats. "

Maître Vuillemin " J’affirme que je n’ai rien fait. "

Le président Castagnède " C’est la dernière fois que cela se produit, je vous demande de vous en tenir à votre code de déontologie. "

Papon continue de répondre à côté ou dans le vague. On sent qu’il va bientôt cracher sa bave sur quelqu’un.

Le président Castagnède " Le service des questions juives avait-il un avis à donner sur la durée des internements ? "

Papon après un long silence " Je reviens sur un point évoqué par les avocats de la défense. Ils pensent que le secrétaire général a des pouvoirs de police. Je pensais que la question était éclaircie depuis longtemps. "

Le président Castagnède parle alors d’ordres de transfert et d’arrestation. " Ils portent votre signature, ils sont nombreux et importants et je n’en ai pas parlé parce que je connaissais votre système de défense et les réponses que vous alliez faire. Mais, enfin, quand vous signez un ordre d’arrestation ou de transfert de prisonniers, quelle est votre délégation ? Et si vous n’avez pas délégation de signature, à quel titre signez-vous ? Je peux vous en montrer si vous voulez. "

Papon " à titre exceptionnel et seulement sur demande du préfet. "

Le président Castagnède " Je vous pose cette question, parce que vos dires sont contredits par les faits. Vous avez dit vous-même que Sabatier et Boucoiran étaient absents ensemble une fois ? "

Papon " Oui, je le confirme, je ne signais que quand ils étaient absents. "

Le président Castagnède " C’est bien votre réponse, vous avez signé des ordres d’arrestation et d’internement et des mesures de police qu’en l’absence de Sabatier et de Boucoiran ? "

Papon " Oui, je le confirme. "

Le président Castagnède " Bon, alors dans ce cas, je n’ai rien d’autre à ajouter. " Le ton montre qu’il n’en croit pas un mot, les faits non plus... " Des questions, Messieurs les Jurés ? Monsieur le Procureur Général ? "

Le Procureur Général Desclaux " Vous avez dit qu’avant votre arrivée, votre prédécesseur avait les mêmes compétences sur le service des Israélites et que cela a changé avec vous. Mais ce n’est qu’apparent, car les facteurs de changement nationaux interviennent et interfèrent. J’en vois trois. La Feld-Kommandantur va céder son autorité aux S.S. [ Schutzstaffel - peloton de protection] commandés par Luther, avez-vous dit. Vous confirmez que tout ce qui a trait aux questions juives passe de la Feld-Kommandantur aux S.S. [ Schutzstaffel - peloton de protection] ? En êtes-vous sûr ? "

Papon " Oui, mais je me pose la question au sujet de l'aryanisation ? "

Le Procureur Général Desclaux " Vous avez raison aujourd’hui, je suis étonné que vous ayez oublié ce fait, alors qu’il y a de nombreuses lettres entre vous et la Feld-Kommandantur à ce sujet. Alors que vous avez une belle mémoire, je suis étonné de cet oubli. Il existe aussi de nombreuses relations sur l'aryanisation entre vous et les S.S. [ Schutzstaffel - peloton de protection] Une trentaine au dossier, vous en souvenez-vous ? "

Papon " Oui "

Le Procureur Général Desclaux " Voilà pour un facteur de changement important, le deuxième concerne la suppression de l’ensemble des polices, police des questions juives entre autres, dans le cadre de la réorganisation mise en place par Bousquet. Mais en Gironde, cette police n’a pas eu beaucoup d’actions, il en est de même pour la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle]. Pour preuve, je veux revenir sur cette réunion où on trouve Garat, Fredou, Duchon, de février 1942. Le service ne comporte que deux personnes. La deuxième police est la brigade antijuive, la brigade Poinsot. Elle dépend des renseignements généraux, au milieu de 1942, elle cesse d’avoir une activité antijuive pour se consacrer aux communistes et aux résistants. Les pouvoirs relatifs aux questions juives vont être placés sous l’autorité du préfet. "

Papon " De la préfecture régionale, c’est à dire de l’intendant régional de police "

Le Procureur Général Desclaux " l’intendant régional de police avait des compétences de logistique pas d’autorité ou de pouvoirs de police. "

Papon " Il faut aussi rajouter la création de la SEC [Section d’Enquête et de Contrôle], laquelle s’est attribuée des pouvoirs de police. "

Le Procureur Général Desclaux " La SEC [Section d’Enquête et de Contrôle] est peu active en 1942. Elle n’est pas influente, tous les pouvoirs de police sont concentrés à la préfecture. "

Papon " Oui et c’est si vrai ... "

Le Procureur Général Desclaux " C’est un changement important, le service des questions juives a de plus en plus de poids et reçoit les ordres des Allemands et les transmet sous forme d’instructions à la police. "

Papon " Il ne donne pas des instructions, il transmet. "

Le Procureur Général Desclaux " Nous avons toujours les mêmes divergences. Le service des questions juives, qui a de plus en plus d’affinités avec les Allemands, a des activités de police. Êtes-vous d’accord ? "

Papon " Pas des activités de police. Comment à six personnes, pourrait-il en avoir ? "

Le Procureur Général Desclaux " Le troisième facteur de changement est le problème des attributions . Jusqu’en 1942, il y a le recensement, l’organisation des internements des Juifs étrangers, en convenez-vous ? "

Papon " ... "

Le Procureur Général Desclaux " Je vous disais, le troisième facteur de changement est le problème des attributions . Jusqu’en 1942, il y a le recensement, l’organisation des internements des Juifs étrangers, en convenez-vous ? "

Papon " Oui "

Le Procureur Général Desclaux " En mai 1942, il y a quarante-trois Juifs internés. "

[ Carole me souffle il y a le grand-père et le grand-oncle de Juliette Benzazon et le père d’Armand Benifla.]

" Vous avez dit qu’il y avait osmose entre vous et le préfet et quand des décisions étaient prises, elles sont prises pour vous et lui. "

Papon " Je révoque ce terme de façon catégorique. Pour reprendre le terme de Fabius, lui c’était lui et moi c’est moi. Comment les décisions étaient prises ? Les fonctionnaires ont une conscience. "

Carole, une personne du public et moi parlons de cet abus de langage de Papon. Finalement, on conclut que ça dépend du niveau où on place la conscience.

Papon " Le bon sens, c’est le préfet qui est le chef, on trahit sans arrêt mes propos. "

Le Procureur Général Desclaux " Il n’y avait pas de pièges dans mes propos. Ce sont les vôtres avec lesquels je ne suis pas d’accord. Contestez-vous que le service des questions juives va devenir de plus en plus opérationnel de plus en plus policier ? "

Papon " Je ne suis pas de votre avis. Avant les rafles, il n’y avait pas de pouvoir. Après, quand vient le drame des arrestations, qui peut le mieux s’en occuper ? Le service des questions juives a le fichier, son équipe travaille depuis des mois. A qui les autorités allemandes vont-elles s’adresser ? Au service des questions juives et à d’autres moments, à la police. Il n’y a pas d’uniformité de méthodes. (...) On travaillait avec une mitraillette dans le dos. Le service des questions juives a toujours tout fait pour sauver les Juifs. "

Protestations dans la salle. Je me dis décidément ce Papon, il a toujours des problèmes avec les mitraillettes.

Le Procureur Général Desclaux " On verra au moment de l’examen des convois. Pourrait-on savoir de quelle façon le service des questions juives et vous, avez appliqué les lois ? "

Papon détourne une fois de plus le sujet, en salissant la mémoire du Grand Rabbin Cohen.

Le Procureur Général Desclaux " Vous avez expliqué qu’il y avait changement d’équipe et qu’avec ce changement, vous aviez appliqué les lois de façon différente. Mais vous n’avez rien prouvé, rien démontré. "

Papon " Vous avez raison de parler de cela. J’ai toujours dit à Garat de ne pas faire de zèle. "

Pour quelqu’un qui parle tant de zèle, il zozote beaucoup.

Le Procureur Général Desclaux " Vous nous avez dit : " tout devait changer avec mon arrivée, vous en souvenez-vous ? "

Papon " Il faut se placer à un demi-siècle en arrière. Je fais un effort pour me rappeler, mais ce n’est pas commode. Le premier choc quand je suis arrivé à Bordeaux, ça a été de voir l’étoile jaune. "

Le Procureur Général Desclaux " En fait, il n’y a pas eu de changement entre vous et l’époque antérieure. Voici une pièce de juillet 1942, le 28 , c’est à dire un mois après votre arrivée : une dame Torrès est arrêtée à Cenon, elle ne porte pas l’étoile jaune, à la demande du service des questions juives, elle est internée. "

Comme Papon a l’air ailleurs, absent, le Procureur Général Desclaux le répète trois fois.

Le Procureur Général Desclaux " qu’est-ce que cela évoque pour vous ? "

Papon " Je révoque de façon catégorique, formellement. "

Le Procureur Général Desclaux " Savez-vous ce qui est advenu ? Elle est arrêtée le 13 juillet et transférée à Drancy le 26 août. C’est comme ça que vous sauvez les Juifs ? "

Papon " Je prie Dieu que c’est exceptionnel. Si je l’avais su, je l’aurais empêché. "

Le Procureur Général Desclaux cite un autre exemple, puis un autre " Vous voulez un autre exemple ? Madame Grete Hertz, son mari est interné, déporté, elle est astreinte à venir tous les jours signer un registre au service des questions juives. Si ça, ce n’est pas du travail de police, qu’est-ce que c’est alors ? "

Papon après un long silence, " C’est du pointage de fichier. "

Le Procureur Général Desclaux " Malheureusement, ce pointage a permis au service des questions juives de faire déporter cette dame en octobre 1942. "

Papon " Il faut voir s’il y en a eu d’autres. On ne redresse pas un service en 24 heures."

Le président Castagnède " Je veux vous faire observer que c’est sous votre autorité que le service des questions juives continue son travail. Ces trois pièces le prouvent, c’est à votre demande que ces actes ont lieu. C’est celui qui demande, qui est responsable. Ici, c’est le service des questions juives, placé sous votre autorité, qui est responsable, un point c’est tout. "

Papon " Cela n’a pas duré longtemps. "

Les parties civiles s’énervent, ça proteste dur. On entend un " Oui ça n’a pas duré longtemps, juste de 1942 à 1944 ! " ou encore un " Oui, pas longtemps jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de Juifs. "

Survient le troisième incident d'audience provoqué par Vuillemin. Le président Castagnède, malgré ses menaces, ne fait rien.

Le Procureur Général Desclaux " Ces textes ont été un facteur décisif de la déportation. "

L’audience continue mais ne donnera rien de mieux. L’accusé campe sur ses mensonges. Le Procureur Général Desclaux continue à montrer ses documents accablants. Un moment, Varaut se plaint de ne pas connaître une pièce, le président Castagnède lui demande alors : " Vous ne connaissez pas le dossier, Maître Varaut ? "

On parle du père de Simon Haddad, les bla-bla de Papon insupportent Maître Touzet, qui se lève " Savez-vous, Papon, ce qui est advenu à la famille Haddad ? C’est intolérable votre façon de répondre. "

Le Procureur Général Desclaux répond pour Papon " Déporté à Drancy et à Auschwitz en 1943. "

Le Procureur Général Desclaux pose des questions intéressantes malheureusement sans réponse. " Une personne à temps plein pour gérer le fichier, que faisait-elle ? " " Ce fichier c’est l’instrument qui a permis la déportation. " Mon père crie à un moment : " c’en est trop, c’est scandaleux. " Juliette au moment où on évoque la spoliation des biens juifs et la confiscation des biens des personnes arrêtées me glisse : " Ils prenaient même les tirelires des enfants. "

Juliette Benzazon

Papon continue à salir la mémoire du Grand Rabbin Cohen.

Le Procureur Général Desclaux " Comment pouvez-vous parler de sauvetage, n’était-ce pas là, faire acte d’aide et de sauvetage que de rendre cet argent à cette femme, dont le mari vient d’être déporté ? "

Papon " C’était là secondaire. "

Il a des mots ce Papon. Secondaire, ben voyons.

Le Procureur Général Desclaux " Comment secondaire ? Cette femme se retrouve seule, son mari est déporté. (...) Pourquoi ne pas avoir restitué ces sommes, si vous étiez l'humanitaire que vous prétendez être ? (...) Quand on signe une pièce pareille, on ne se sent pas responsable ? "

Quand Papon est trop accablé, Maître Varaut demande un arrêt de l’audience. Par moment, assez bizarrement, Papon mélange les temps, il parle au présent comme s’il était revenu cinquante ans en arrière, comme s’il y avait un trop plein de non-dit qui débordaient de sa mémoire.


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