Cliquer sur la cocarde

Tout sur le procès de Bordeaux

Procédure et historique de l'affaire Papon

Les contributions et déclarations autour de l'affaire Papon

Les traductions en anglais, espagnol et néerlandais

Actualité

Le cédérom et le livre sur l'affaire Papon

Les documents

Les acteurs de l'affaire Papon

1961 - les évenemlents d'Algérie, les archives

Les liens sur l'affaire Papon

 

 

date dernière modification : 21/11/02

Chronique du 03 Février 1998

Le grand Rabbin de France, Le juif est le baromètre de l'histoire.

Précédente ] Remonter ] Suivante ]


Chronique du 03 février 1998

Le grand Rabbin de France, Le Juif est le baromètre de l'histoire.

L'audience d'aujourd'hui aura été marquée par la très belle déposition du grand Rabbin de France, Joseph Sitruk, à la fois sobre, symbolique, historique et humaniste. Son propos est dense, rapide, (hélas, trop rapide pour que je puisse en prendre l'intégralité). Véritable leçon philosophique, après la descente dans les fonds médiatico - abyssaux où avait été entraîné le procès par la prise de position des Klarsfeld au sujet du Président, elle replace les débats de cette cour d'assises sur la dimension qu'elle n'aurait jamais dû quitter celle de l'homme et de l'humanité. Joseph Sitruk évoque la place du peuple juif, passé, présent et avenir de l'homme. Il se veut lui-même trait d'union entre l'homme et Dieu. Et rappelle que le temple de Jérusalem détruit à deux reprises, s'il a conduit à l'exode du peuple juif, sera celui de l'humanité toute entière, quand il sera reconstruit.

Puis Joseph Sitruk s'adresse à l'accusé de crime contre l'humanité qui lui fait face, on peut reconstituer ce dialogue qui n'a pas eu lieu. Le grand Rabbin "seul celui qui reconnaît qu'il s'est trompé peut être relevé de sa responsabilité. La mort existe que ce soit un ordre administratif ou une main qui s'abat sur un crâne."

Maurice Papon fixe le Grand Rabbin sans expression. En écho, reviennent les paroles d'hier de l'accusé, puisque resté silencieux aujourd'hui. " Si vous attendez de moi une repentance, n'y comptez pas. "

Le grand Rabbin "pardonner d'un revers de manche est trop facile. Mais le pardon est nécessaire, à condition qu'il y ait un aveu, une reconnaissance de responsabilité "

Papon "avoir un remords, s'excuser, c'est reconnaître ma responsabilité. "

Le grand Rabbin "un million et demi d'enfants n'ont pas vécu, parce que des hommes ont été assez lâches pour accomplir la sale besogne. "

En écho, encore les propos de Frossard - Boulanger à propos de Barbie - Papon : "les Barbie - Papon n'ont jamais émis de regrets, de remords, ils ont enfoui leur conscience dans un bunker à Berlin - Vichy. Que Barbie - Papon soit présent arrogant ou absent silencieux, cela ne change rien, il nie tout, il ne se souvient plus de rien, il perd la mémoire. C'est pourquoi les Barbie - Papon en général ne manifestent aucune espèce de regret ni de repentir ; ils n'ont jamais récupéré leur conscience, elle est à jamais enfouie dans les décombres du Bunker de Berlin où Hitler est mort ou dans l'hôtel du Parc de Vichy où Pétain a trahi l'honneur de la France. Ils ne la reverront jamais. "

Le grand Rabbin "ce qui manquera dans l'histoire, c'est cet aveu. Nous ne sommes que des hommes. Ne pas avouer, c'est commettre l'infamie au-delà de la mort "

Les paroles de Joseph Sitruk resteront dans ma mémoire, elles résonnent parfaitement pour le Juif laïque que je suis, élevé dans la conviction que le Temple Universel est toujours en construction en chacun de nous et que chaque homme porte en lui l'essence de ce projet de fraternité universelle.

Joseph Sitruk :

" Je suis Joseph Sitruk, grand Rabbin de France, né le 16 octobre 1944, j'habite à Neuilly sur Seine depuis ce matin. Monsieur le Président, Madame et Messieurs de la cour, Mesdames et Messieurs les Jurés, je voudrais dire tout d'abord l'émotion qui m'étreint aujourd'hui d'être ici. J'ai le sentiment, la conviction que six millions de victimes nous regardent et nous écoutent. J'ai le sentiment et la conviction que le pays tout entier comprend que son avenir est en train de se construire ici. Je voudrais citer aujourd'hui trois mots clefs : mémoire, vérité et avenir, le dernier ne peut pas se bâtir sans les deux premiers. C'est tout d'abord ma conscience d'homme qui me fait parler, ici. Je veux dissiper l'inquiétude, qui est la mienne de voir rater cet enjeu. J'ai pleine confiance dans votre objectivité et votre souci d'éclairer cette période avec courage et détermination. Le judaïsme est une religion vieille de trois mille trois cents ans, qui a bâti toutes les religions monothéistes. Les Juifs sont, aux yeux du monde, une religion, sept cent quatre vingt cinq religions sont issues du judaïsme. Mais le judaïsme a une spécificité, un dieu pour tous, il n'est d'aucune race, il n'est que pour l'Homme. Au-delà des religions, plusieurs dieux qui existent, mais il y en a un qui interfère avec les autres, nous avons partagé notre Dieu avec les autres.

Nous ne sommes pas une religion, encore moins une race, nous sommes une vocation. Le peuple juif a toujours mal compris qu'on l'ait isolé, nous avons toujours tendu la main vers l'autre. Le peuple juif a toujours refusé de s'isoler. Il a toujours vécu au sein des civilisations. Lorsque le premier rabbin Abraham est venu au monde, il est né au cœur d'une cité. Les recherches archéologiques ont montré aujourd'hui que là où est né Abraham existait une civilisation extrêmement développée, on a trouvé des canalisations d'eau chaude souterraines, etc. A l'époque, le centre du monde, c'était le Moyen Orient. Le peuple juif a toujours été au cœur des civilisations. Mais, depuis la destruction des deux temples par Nabuchodonosor puis par Titus, il est parti de par le monde, à son plus grand regret. En France, en un temps où la France n'était pas encore la France mais la Gaule et même avant, la présence juive était déjà forte. Des découvertes récentes dans le Massif Central ont dévoilé la présence d'un grand cimetière juif.

Plus tard, en 1789, lorsque se fonde la République française, le Juif n'est pas venu les mains vides. Il a apporté sa contribution éthique, son idéal. Les fondements mêmes de la République étaient au cœur du judaïsme, nous en sommes les fondateurs. Je suis le dixième grand rabbin de France depuis Napoléon, depuis le grand Sanhédrin. Le consistoire est composé de gestionnaires laïcs et d'un chef spirituel, c'est moi aujourd'hui. J'insiste sur ce point, c'est la République qui nous l'a imposé. Nous, Juifs, n'avons jamais été incommodés par la laïcité. Elle nous a permis de devenir libres et égaux. Le Juif n'a jamais vécu en marge de la société de France. Il en a toujours été partie prenante. Puis vient le grand cataclysme de 1939-1945 et Vichy. Ce dont ma communauté ne s'est jamais remise, c'est de ce sentiment terrible d'avoir été trahie.

Nous avons ressenti que la France se trahissait à travers Vichy. Le Juif ne reconnaissait plus ses parents. Comme des êtres incrédules, nous n'avons pas compris notre rejet, notre mise à l'écart, notre exclusion, notre humiliation, avant d'arriver à notre extermination. Au-delà des souffrances, il y avait cette déception.

Voilà, je voulais dire combien je suis fier de mon pays, qui ose regarder son passé. Je suis fier de mon pays, qui revient sur son passé, mais aucun Français ne doit être fier de ce qui s'est fait sous Vichy. Je voulais dire le courage de son Président de la République, qui a dit qu'un pays est fait d'ombres et de lumières.

Cliquez ici pour lire les déclarations de Jacques Chirac

Ici, ce n'est pas un procès juif, ce sont des Français qui se battent avec leurs concitoyens, pour faire venir la vérité. C'est un défi de savoir si nous sommes capables de faire la lumière sur cette ombre terrible pour qu'il n'y ait plus jamais ça. J'ai pleine confiance dans votre objectivité et votre souci d'éclairer cette période avec courage et détermination. En jouant la vérité, vous n'êtes pas seulement des jurés ou des juges d'une cour ordinaire. Vous êtes la cour par qui passe le devenir de notre pays.

A cette époque, le grand rabbinat de France s'est battu pour ses frères, comme des capitaines qui n'abandonnent pas leur navire en perdition, ils n'ont pas à se voiler, ils n'ont pas fait autre chose que d'essayer de sauver leurs frères. Je voudrais citer juste un exemple, mon médecin, un non Juif, connaissait un jeune garçon juif. Il a fait part de sa réaction indignée à son père, lorsqu'il l'a vu porter l'étoile jaune. Cet homme dans sa grande naïveté, a écrit au Maréchal Pétain : "c’est mon ami, nous avons été camarades dans le même bataillon " il lui a dit son indignation, et la seule réponse qui est venue a été l'arrestation de l'enfant et de son père. Pour certains, ici, je veux dire qu'il vaut mieux vivre dans l'honneur que mourir dans le déshonneur. Je ne suis pas mandaté pour recevoir leur pardon, mais je fais partie de la même histoire. Je ne fais que remplir mon honneur. Ici, ce sont des Français, qui se battent pour faire jaillir la vérité. En tant que Juifs, nous sommes les baromètres de l'histoire, quand on s'attaque à nous, on s'attaque à l'humanité. Lors de la profanation du cimetière de Carpentras, je suis venu dire au procès que si nous ne sommes pas capables de respecter les morts, alors on méprise les vivants. C'est pour la même raison, c'est pour dire la même chose que je suis ici. Si ici, certains croient en Dieu, et si d'autres n'y croient pas, aucun ne peut fuir sa responsabilité. Il faut rendre au croyant la grandeur de sa démarche. Un Dieu ne fuit pas sa responsabilité. Je ne peux pas admettre que l'on dise : j'ai reçu des ordres, je n'étais qu'un exécutant ". La mort existe, poursuit-il, que ce soit un ordre administratif ou une main qui s'abat sur un crâne. Une conscience humaine qui reconnaît son erreur, c'est grand. Alors, oui, on peut pardonner.

Je pense que les hommes seront appelés tous à se retrouver, c'est notre destin à la mesure de Dieu, or l'homme est à l'image de Dieu. L'homme est en Dieu, c'est un créateur. Je veux rappeler la parabole du châle de prière. C'est un symbole très fort, le croyant se voile pour prier. Partout, l'homme naît et part nu. Mais dans notre tradition, le Juif part avec son châle de prière. "Un jour, un châle de prière que son maître a laissé, pleure seul sur une chaise. Un rabbi qui passe lui demande pourquoi il pleure ? Je pleure parce que mon maître est parti en vacances sans moi. Le Rabbi lui répond qu'il partira pour le dernier voyage avec lui.

Je veux parler au nom de ces six millions de morts, ils n'ont pas demandé pardon, on les a laissés mourir sans mémoire. Je ne suis pas venu ici pour recevoir un aveu, qui suis-je pour juger ? Reconnaître sa faute, ce n'est pas un crime en soi... Le courage consiste à reconnaître qu'on s'est trompé... Nous sommes dans une époque de pardon. Celui qui reconnaît son erreur s'élève considérablement. Alors on peut pardonner. Ce qui manque ici, c'est cet aveu. Un aveu de reconnaissance, car seul celui qui reconnaît qu'il s'est trompé peut être relevé de sa responsabilité.

Ce peuple-là n'a jamais réclamé qu'une chose, c'est la compréhension, les Juifs ont toujours tendu la main au monde. " Le grand Rabbin raconte l'histoire de deux frères et de deux tas de blé qu'ils vident et remplissent mutuellement la nuit venue. Quand les deux frères se retrouvent, ils tombent en larmes dans les bras l'un de l'autre. " C'est quand ils versent des larmes, qu'ils se retrouvent, c'est là que se bâtira le temple. On dit dans notre tradition qu'à la fin des temps, nous reconstruirons le temple, mais ce ne sera pas seulement le temple de Jérusalem, ce sera le temple de l'humanité. Je ne suis ni Juif ni homme. Je suis le trait d'union entre les deux. Le monde est rempli de lumière et il suffit de ne pas ouvrir les yeux pour ne pas s'en apercevoir. Je veux dire qu'un jour, tout sera terminé. C'est ma prière, je veux que la France ressemble à ces hommes et ces femmes qui sont allés en Amérique du Sud pour apporter leur aide dans un tremblement de terre. Tout le monde se souvient de cette petite fille emmurée dans la boue, sa photo était en première page de tous les journaux. Les pompiers ont essayé de sauver cette petite fille. J'ai la même image, c'est à la libération, un soldat lors du débarquement en Normandie, trouve une petite fille sur la plage en larmes, il lui prend la main, il n'est pas Juif, elle non plus ce n'est pas ça qui est important, une photo les a immortalisés. Non, la guerre n'est pas finie, tant qu'il y aura des enfants qui meurent. Voilà, c'est ma prière. "

Maître Blet

" Quelle était la composition de la communauté juive en France pendant la guerre ? "

Joseph Sitruk "trois cent mille personnes, il y avait très peu d'étrangers, mais il n'y a pas de chiffres précis. On ne demande jamais la nationalité de nos coreligionnaires, il n'y a pas de statut, il n'y a pas de chiffres, si ce n'est qu'il y a eu une vague d'émigrés avant la guerre, environ un quart de notre communauté était d'origine étrangère. "

Maître Varaut "c’est par erreur que vous avez été cité par la défense, nous avions cru que vous étiez le rabbin de Constantine et c'est pour cela qu'on vous avait cité. On a tous entendu des paroles qu'on a tous aimé entendre. René Cassin disait : "tous les hommes étaient des frères. " Et si on est tous des frères, c'est qu'on a tous un père. Je souhaite que vos paroles volent dans cette salle d'audience et au-delà, hors du palais. Abraham fut le premier avocat des hommes. La responsabilité des hommes est un long débat, son origine n'est-elle pas dans le Deteuronome et dans Isaïe. Ne faut-il pas rendre hommage aux grands textes bibliques ? "

Joseph Sitruk "je n'ai pas décelé de questions. Mon message n'est pas vide de sens. Mais au contraire, il tentait de remplir les mots de sens. En tant que Rabbin, mon souhait est de pardonner. Mais on ne peut pas pardonner d'un revers de manche, d'un trait, c'est trop facile. Le pardon est nécessaire, à condition qu'il y ait un aveu, une reconnaissance de responsabilité. On vit dans une ère de pardon. Beaucoup sont venus demander pardon au peuple juif. J'aurais souhaité que ce pardon soit général. Je rappelle le procès de Carpentras. Lors de mon témoignage, les jeunes gens m'ont écrit pour demander pardon. Ici, un homme doit avouer sa responsabilité. Comment imaginer que ce million et demi d'enfants n'ont pas vécu, parce que des hommes ont été assez lâches pour accomplir la sale besogne. Spolier leur mémoire, c'est commettre l'infâme au-delà de leur mort. Je crois en la force du verbe, je pense qu'ici tous les cœurs m'ont entendu, parce que je parlais avec mon cœur. ".

Le monstre au cœur de pierre dans sa cage de verre l'entendra-t-il ? On attendait une parole de Papon, le regret tant attendu depuis dix sept ans. Mais Papon écoute et ne dit rien.

Le président Castagnède " Je reviens sur l'examen du convoi, il n'y a pas de parties civiles qui veulent s'exprimer. "

Maître Touzet

" Trois parties civiles sont concernées par ces faits. Simon Haddad a perdu son père Victor, quarante-cinq ans, et ses deux petites sœurs Monique, trois ans, et Jeanine, un an. Il est présent depuis le début du procès, mais son émotion est telle qu'il est incapable d'exprimer sa douleur. La cour a déjà entendu Juliette Benzazon, qui est également partie civile pour les quatre enfants de son grand-père, elle préfère témoigner pour le convoi de mai 1944. En fait, Moïse Schinazi souhaite s'exprimer. "

Le président Castagnède " J'avais enlevé la parole à Maître Boulanger et je lui avais dit qu'il pourrait revenir sur les déclarations de l'accusé. "

Moïse Schinazi

" Mon frère a été arrêté par Dehan et Garat, il a été conduit au fort du Hâ, à quelques mètres d'ici. Il est tombé gravement malade,

ma mère apportait des colis, tous les jours, qu'il n'a jamais reçus. Elle faisait la queue depuis sept heures jusqu'à midi et là on lui disait de revenir. Ma mère se privait pour mon frère, elle faisait la queue tous les jours, on lui disait de revenir, c'était comme ça tous les jours, on était en plein hiver, il faisait froid. Il est resté neuf mois comme ça, mal nourri, il était devenu tout gonflé comme les affamés de faim. Il a été torturé par Dehan, puis envoyé à Mérignac, puis à Drancy. À la gare d'Austerlitz, il saute par la fenêtre des toilettes, se cache sous les wagons, et quitte la gare, en demandant un ticket de quai à une personne. Il a rejoint Paris, son évasion s'arrête là. Il a été recueilli par un ami policier. Il est resté caché avec le Docteur Samuel. "

Le président Castagnède " En ce qui concerne Daniel, il y a quelque chose qui ne va pas, vous dites qu'il a été arrêté par Dehan ? "

Moïse Schinazi "oui, avec Garat aussi. "

Le président Castagnède " Votre mère... "

Moïse Schinazi "oui, maman... "

Le président Castagnède " Elle dit que votre frère a été arrêté à la terrasse d'un traiteur, chez Demain, Dehan a dit qu'il en a arrêté trois. "

Moïse Schinazi "oh ! Bien plus que ça. "

Le président Castagnède " C'est en tout cas, ses aveux : "on a arrêté Schinazi, Juif, fils de médecin, trafic de cartes d'identité. " Ce qui est bizarre, c'est que votre frère est mentionné sur une liste de raflés bien plus tard, il porte le numéro 61. On peut se demander s'il n'a pas été relâché, puis à nouveau arrêté ? "

Moïse Schinazi "non, non, mais peut-être y a-t-il eu confusion avec Samuel ? "

Le président Castagnède " Non, votre frère est bien connu. "

Moïse Schinazi " Dehan a demandé sa condamnation à mort. "

Le président Castagnède " Peut-être a-t-il été ajouté à la liste et pris au fort du Hâ ? Je voulais savoir si Daniel était revenu chez vous ? "

Moïse Schinazi "non, non "

Le président Castagnède " Vous citez Dehan et Garat ? "

Moïse Schinazi "oui, il y avait Garat, c'est sûr. "

Le président Castagnède " Je reviens sur ce point, votre mère a eu beaucoup de contacts avec la préfecture, elle connaît Garat. "

Moïse Schinazi "pendant que mon père est à Mérignac, Daniel est au fort du Hâ. "

Le président Castagnède " Oui, votre père et Samuel sont à Mérignac "

Moïse Schinazi "je veux dire que Papon a dit que mon père a été arrêté par les Allemands. Mon père n'a jamais été arrêté par les Allemands. Il se base sur le témoignage de ma sœur, elle était jeune, elle a répondu sous la pression. Je ne veux pas que Papon dise que ce sont les Allemands, j'étais là, il y avait deux gendarmes, ils avaient une 402, ils ont dit qu'ils venaient sur ordre de la préfecture. "

Le président Castagnède " Cela n'a jamais été allégué officiellement, mais les Allemands ne peuvent pas réquisitionner les gendarmes. "

Moïse Schinazi "Monsieur Papon était le chef d'entreprise de la destruction des Juifs".

Le procureur général s'étonne qu'au cours des neuf jours qui séparent la rafle du convoi, la préfecture ne soit pas intervenue pour sauver Daniel Schinazi qui, avec sa mère catholique et ses huit frères et sœurs, avait été radié du fichier juif en avril 1943.

Papon " J'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer. Le convoi de décembre était de A à Z dans les mains des Allemands, les relations entre les autorités Allemandes et la préfecture étaient tendues, tout effort aurait été vain ".

Maître Varaut s'insurge qu'on revienne sur ce convoi.

Le président Castagnède " Les incidents, il y en a suffisamment ici sans qu'on en crée d'autres. "

Maître Blet insiste sur la radiation de la famille Schinazi, dont Papon ne sait pas s'il en fut l'initiateur ou simplement le gestionnaire. Ce simple aveu est la preuve pour Maître Blet que ces dix radiations ne doivent rien à l'ancien secrétaire général de la préfecture, qui les comptait pourtant parmi les cent trente à son actif.

Papon " Je m'en remets aux experts, des gens sérieux et objectifs. A cette époque, j'étais informé de l'évolution de la guerre, je tenais mes informations des réseaux Jade Amicol et Marco Kleber "

Maître Lévy

intervient, Papon fouille dans ces dossiers : " Vous pourriez peut-être écouter ! " Maître Lévy s'interroge sur le fait que la préfecture a été mise devant le fait accompli dans les convois de novembre et décembre 1943. Ne prépariez-vous pas votre reconversion, votre dossier pour la Libération, alors qu'on parlait déjà d'épuration ? "

Papon " Une conversion ? Je n'ai jamais douté de la victoire des Alliés, dès 1940 "

Rumeurs dans la salle.

Maître Lévy " Etiez-vous mandaté pour participer à la déportation des Juifs ? "

Papon " C'est insupportable d'entendre ça ! Ce sont des méthodes fascistes que je connais déjà ! "

Le président Castagnède " Cette audience prend un tour qui ne me convient pas ! "

Maître Levy " Ou vous saviez ou vous ne saviez pas. Il faudrait choisir. "

Maître Boulanger

" Lorsque le préfet régional Sabatier rend compte des opérations de décembre, au gouvernement de Vichy, il ne s'est plaint que des agissements des hommes du commissariat général aux questions juives et des Allemands, qui n'ont pas prévenu, mais non pas de la police, pourtant également concernée par l'escorte du convoi. "

Papon "avec l'intendant de police et le préfet, je n'étais pas sous la table, ni derrière les rideaux, mes relations se sont distendues peu à peu avec le préfet régional. J'étais son bras droit, mais les circonstances ont fait que, de bras droit, je suis devenu le bras gauche. "

Maître Zaoui demande des exemples concrets :

" A quelle occasion ? "

Papon " Je confesse d'emblée que c'est une réponse difficile. " Papon parle de l'amitié qui s'érode. On me demande de confesser mes différents avec les morts. Et moi, j'ai du respect pour les morts. "

Maître Zaoui rappelle le rapport élogieux que Maurice Sabatier fait à son sujet en 1944.

Papon reprend : " Il aurait fallu que je tienne un journal ! On m'en prête un. C'est exact, mais pas sur les affaires publiques. C'était un homme élégant, je passais plus de temps au service des réseaux qu'au service de la préfecture, j'étais devenu un fonctionnaire peu laborieux, peu consciencieux. Cela me paraissait audacieux et dangereux. Nous avions le même ennemi. Mais peut-être Sabatier était-il à mon goût trop légaliste et peut-être étais-je au sien trop rebelle ? "

Mon père "légaliste ou légitimiste ? Dirait Maître Varaut le royaliste. "

Puis Maître Klarsfeld

"vous avez dit : "le soir de Noël 1943, nous avons pleuré, ma femme et moi. " Je voudrais savoir le pourquoi de ses larmes "

Papon " Il suffisait, quand on a vécu cette époque de considérer ce convoi d'hommes, de femmes et d'enfants parqués au camp de Mérignac, convoyés jusqu'à Drancy, pauvres gens embrigadés, cela suffisait pour s'attendrir de chagrin et de solidarité. Il n'était pas nécessaire de supposer l'insupportable ni d'être au courant de l'extermination, contrairement à ce qui est dit dans l'acte d'accusation."

Maître Klarsfeld "pour s'attendrir, verser des larmes, il faut avoir des images, quelles images aviez-vous en tête ? "

Papon " C'est la troisième ou quatrième fois que vous posez la question. "

Maître Klarsfeld "c’est la quatrième fois que je n'ai pas de réponse. "

Puis Moïse Schinazi demande à Papon "pourquoi les déportés ont, pour ce convoi, tous été menottés ? "

Papon "j’imagine que c'était un ordre Allemand. "

Le président Castagnède " En tous cas, les menottes étaient françaises "


Les chroniques d'Octobre
Les chroniques de Novembre
Les chroniques de Décembre
Les chroniques de Janvier
Les chroniques de Février
Les chroniques de Mars
Les chroniques de Mars Avril

© Copyright 1997, J.M. Matisson

 

Retour Accueil

© Affaire Papon - JM Matisson

Page mise à jour le 14 octobre, 2002

Nous contacter, s'inscrire sur la liste de diffusion

Retour Accueil