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date dernière modification : 21/11/02

Chronique du 02 Février 1998

Michel Cohen rend un vibrant hommage à son père le grand Rabbin Cohen

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Chronique du 02 février 1998

Michel Cohen rend un vibrant hommage à son père

le grand Rabbin Cohen

Maître Daigueperse

" Vous allez procéder à l'audition de Michel Cohen. Je vous signale que Madame Annie Gast est présente dans la salle, je sollicite son témoignage, il est tout à fait essentiel pour étayer les propos de Michel Cohen sur le sauvetage de quatre enfants par le grand Rabbin Cohen, Joël Jungerwith, Joël Véra et Annie Gast, dont les parents ont été emmenés par le convoi de juillet 42 de Mérignac à Drancy puis déportés à Auschwitz où ils sont morts par gazage. [ Tsipa Gast, né le 10 juillet 1900 à Tchermigovie ; Bernard Jungerwirth, né le 21 avril 1901 à Chrzanov ; Rachel Jungerwirth, née le 01 mars 1943 à Tchermigovie ]. C'est un petit retour en arrière, mais il me semble nécessaire. "

Michel Cohen "je suis né le 18 mai 1924 à Bordeaux, je suis conseiller technique en bâtiment, j'habite à Genève. " Le président Castagnède lui fait prêter le serment des témoins.

Michel Cohen "je suis venu confirmer ce que j'ai dit aux juges instructeurs au sujet du sauvetage et de l'évasion de mon père, le grand Rabbin Cohen et j'ajouterai un fait nouveau, le sauvetage par mon père des enfants. On a dit, ici qu'il avait remis les enfants aux Allemands et je vais montrer que c'est faux. Mon père habitait 213 rue Sainte Catherine. Un jour, quatre policiers arrivent, il y avait un nommé Dehan, un interprète, un chargé de l'inventaire des objets et un Allemand, Meyer. Après avoir bousculé mon père, ils lui font faire son baluchon, et le laisse dans la loge. Meyer crie : "préparez-vous, ici on ferme. " Le gardien, qui avait été gazé pendant la guerre de 1914, se débat, on entend des cris, les autres arrivent et demandent à mon père, s'il n'y a pas une autre loge, mon père dit que oui, la loge de la synagogue, mais il n'avait pas la clef. Ils sont partis là-bas, et mon père se retrouve seul, il connaissait parfaitement l'ensemble synagogal et emprunte un chemin caché et se retrouve cours Pasteur. Libre, la première personne à qui il pense est ma mère, elle était à l'hôpital Saint André dans le service de cardiologie. Monsieur Coquériaux, qui était directeur de l'hôpital et un ami de mon père le reçoit en pleine nuit. Mon père explique sa situation, Monsieur Coquériaux lui dit : "montez chez moi, vous ne pouvez pas faire sortir votre femme en pleine nuit, c'est trop risqué pour moi, on va attendre le matin et la faire sortir régulièrement. " Le matin, ma mère sort, dès les premières heures en urgence, tout ceci est consigné dans une lettre de Monsieur Coquériaux, que j'ai à mes pieds (la lettre !). Mon père a retrouvé ma mère et ce n'est pas grâce à une échelle de pompiers comme l'a écrit un fantaisiste, dont je ne veux pas dire le nom.

Mon père s'est d'abord présenté chez une personne qui est toujours vivante et dont je ne veux pas dire le nom, elle leur a dit : "que Dieu vous assiste et a refermé la porte. " Puis, il s'est rendu chez Madame Larigaudière. C'était le 18 décembre au matin. Moi, je travaillais pour la résistance, dans les services secrets de l'Armée Secrète du Rhône, j'allais pour la résistance à Thisy et je rencontrais des personnes, qui m'aidaient à fournir des timbres pour les cartes d'alimentation de Juifs de la région, des femmes, des enfants et des vieillards. Nous travaillions avec Mgr Gerlier et le Grand Rabbin Kaplan. Il y avait beaucoup de demandes, on nous connaissait et on savait ce qu'on pouvait faire. Les gens venaient me voir : "mon fils est de la classe 43, il doit partir au S.T.O., pouvez-vous lui avoir des faux papiers ? " J'ai vu Madame Clavel qui travaillait à la mairie et lui ai demandé de m'aider. Nous avons mis en place un code, et avons choisi un certain nombre de chiffres, une série, pour que, si les Allemands tombent sur nos cartes d'identité et qu'ils téléphonent à la mairie, quand ils donnaient le numéro qui faisait partie de la série, l'employé leur passait Madame Clavel qui travaillait dans un autre service. Les Allemands demandaient : "est-ce le bon numéro ? " Elle répondait "oui, oui, c'est bon ".

J'ai vu ma sœur, je n'avais pas de nouvelles de mes parents, on n’avait que les cartes interzones sur lesquelles on ne mettait que peu de choses, des mots cachés. La situation de mon père m'inquiétait et le 16 décembre... Quand j'étais à Bordeaux, j'étais recherché. Quand ma sœur m'a expliqué la situation, je vais à Bordeaux, tant pis si j'étais recherché, j'arrive 215 rue Sainte Catherine, et là un ami, un voisin, m'a dit : "votre père a été pris par les Allemands ". Je voulais me battre, j'ai dit : "on va chercher des amis, il est au fort du Hâ et on va le sortir de là. ". Le lendemain, on m'a dit : "il est sauvé, il est chez Madame Fabre, 248 cours de la république à Caudéran. " Je m'y rends avec un ami, et là on m'a accueilli, en disant : "ha, c'est vous Michel " Dans la pièce à côté, j'entendais qu'ils disaient : "on a besoin de faux papiers. " Je suis entré et j'ai dit : "les faux papiers je les ai, les voilà. " Ma mère était chez Madame Larigaudière, on y va, mon père était rasé, et avec un appareil photo, un browning j'ai fait une photo et une carte d'identité au nom de Colin. Et c'est avec ces papiers que Monsieur Fabre intervient et, en camionnette, l'amène à Montpon ou à Mussidan. Madame Guillot l'attendait très impatiente à la gare. Et de là, elle l'a accompagné, chez mon frère en Arles. Mon frère avait été prisonnier et s'était évadé. Là, il a retrouvé ma mère, qui était partie par une autre voie, et ils se sont réfugiés au collège d'Arles. Mais le collège était situé à côté d'une caserne et il y avait beaucoup de risques. Ils ont décidé d'envoyer ma mère à Thisy chez ma sœur Juliette. Pour mon père, c'était plus difficile, mon frère connaissait l'aumônier Martin, qui devait devenir plus tard archevêque. Martin avait été aumônier à Bordeaux et il connaissait mon père. Mon père était très connu et aimé à Bordeaux. Mon frère rencontre Mgr Martin, il en parle à Mgr Gerlier qui lui dit : "je ne peux rien faire, je suis surveillé par les Allemands. Trouvez autre chose. " Et là, Mgr Martin a vu une de ses ouailles, le Marquis de Morangès, il faisait de la musique avec les Allemands et recevait une fois par semaine à sa table les Allemands, c'était la meilleure cachette. Martin rencontre le marquis de Morangès et lui dit : "on a une mission de confiance pour vous " Morangès a pâli et a dit : "oui ". Mon père était à côté et ils lui ont dit : " c'est d'accord " et mon père est parti à Saint Privat d'Allier, dans une maison du marquis. Il y est resté jusqu'à la libération. J'ai oublié de vous parler d'une chose, entre temps, le passage en zone libre était devenu plus dur, les circonstances plus difficiles, Madame Larigaudière en a parlé avec des voisins plus tard, elle est allée voir Monsieur Lubet, le sous-directeur de l'hôpital Pellegrin, pour l'héberger. Il a dit : "ça tombe bien, on a de la place " et ils l'ont gardée pendant quatre jours. J'ai aussi la lettre de Monsieur Lubet. Je veux rendre hommage à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui ont aidé mes parents. A la libération, mon père rentre à Bordeaux, il accueille ma sœur, ma mère est morte d'une crise cardiaque dans le train du retour. C'était tragique. Quand mon père est rentré à Bordeaux, il a trouvé une communauté décimée, une maison ravagée, mais il n'a prononcé aucun cri de vengeance, que des paroles d'espoir. On parlait au minimum de la période de l'occupation, il disait : "j’ai fait ce que j'ai pu, je me battais bec et ongles. ". Il n'en parlait pas beaucoup, mais il a écrit, il a expliqué ses espoirs dans ses mémoires. Pétain et l'espoir dans le vainqueur de Verdun, espoir vite déçu. 1941, c'était difficile et c'était encore plus dur après 1942. A la préfecture, il est passé de Monsieur le grand Rabbin Cohen à "Le sieur Cohen, messire Cohen ". Les hommes de la préfecture s’ils ont souffert, ils se sont endurcis de plus en plus. La communauté a été reconstruite grâce aux rapatriés. Mon père s'est toujours battu pour lier la communauté. Il prêchait le bien, ne jugeait jamais personne, et encore moins ne condamnait. Il a reconstruit le temple. Dès 1935, il avait des rapports radieux avec Mgr Feltin. Un exemple, mon père avait créé un centre aéré à Arès pour des enfants juifs, c'était des sœurs qui s'en occupaient. Les sœurs étaient plongées dans le désarroi de s'occuper d'enfants juifs. Mon père a demandé à Mgr Feltin de l'accompagner pour venir expliquer aux sœurs. On est partis en voiture, j'avais onze ans, j'étais assis sur les genoux de Mgr Feltin, c'était l'entente cordiale. Ils avaient de bonnes relations, ils participaient à l'Alhambra à des réunions œcuméniques, ils disaient qu'il n'y avait pas vraiment de religions différentes, tout était fait pour qu'il y ait plus de fraternité.

Mon père était un homme de bien, un humaniste, il croyait en la fraternité. Il ne faut pas faire l'amalgame, même si Mgr Feltin était un ami, mon père n'a jamais mis les pieds chez lui, après son évasion. Je vais maintenant aborder le problème des enfants... "

Le président Castagnède " J'ai décidé d'entendre le témoin, Madame Gast, en vertu de l'article 310, avant que vous commenciez, je demande au témoin de sortir de la salle d'audience. J'ai décidé de l'entendre en vertu de mon pouvoir discrétionnaire. "

Madame Gast sort de la salle.

Michel Cohen "j’ai entendu et lu dans la presse que le grand Rabbin Cohen avait livré les enfants aux allemands, c'est tout le contraire qui s'est passé. Il l'a fait avec Madame Guillot, qui appartenait à la résistance. Je ne pouvais pas admettre et accepter qu'on donne une version différente et aussi odieuse des faits. Je tiens aussi à m'incliner devant toutes les familles des déportés, je comprends leur douleur et je sais que leurs plaies ne se refermeront jamais. "

Le procureur général Desclaux

" Merci pour ce témoignage, je n'ai pas de questions, je voulais aborder, avec le témoin, la personnalité du grand Rabbin Cohen, mais son témoignage est suffisant. Il en a donné une image magnifique, merci à Monsieur Cohen. "

Maître Daigueperse

" Après ce témoignage, je veux verser des pièces au débat. Je verse d'abord un document manuscrit, qui a servi au grand Rabbin Cohen, à écrire son livre. Il décrit pas à pas son évasion jusqu'à son arrivée chez Madame Larigaudière. Je verse trois exemplaires de ce document manuscrit aux parties, je demande à citer trois passages. "

Le président Castagnède " C'est comme vous l'entendez. "

Maître Daigueperse "je verse un courrier de Mathilde Delaporte, la fille de Monsieur et Madame Coquériaux, qui était directeur de l'hôpital Saint André " Maître Daigueperse cite un passage. Je souhaite verser une attestation de Madame Lubet, qui confirme qu'au péril de sa vie, elle a accueilli le grand Rabbin Cohen et sa femme. Je verse le témoignage de Madame Cohen - Seat, femme du frère de Michel. Mais le témoignage de Michel a été très bien fait et je n'ai pas besoin de lire ce témoignage. Michel Cohen, parlez-nous des mémoires du grand Rabbin Cohen, on lui reproche de ne pas les avoir entièrement publiées et pour preuve le titre du livre " Mémoires du grand Rabbin Cohen, extraits " ? "

Michel Cohen "le journal de mon père a été publié à compte d'auteur. Il raconte sa carrière, les heures sombres de l'occupation n'occupent que dix pages. Sur cette époque de l'occupation, tout ce qui devait être dit a été dit. Depuis que je sais que je dois témoigner, j'ai cherché dans les pièces de mon père, entre lui et la préfecture et Papon. Je n'ai rien trouvé sur Papon, je n'ai trouvé que pour Garat. Quand mon père dit la préfecture me notifie, la préfecture me convoque, c'est toujours anonymement. Il avait envie de faire une synthèse de sa vie, il a toujours mis en avant l'Union Sacrée, née dans les tranchées de 1914. Il cite un exemple : le Pasteur Jacques est prisonnier avec l'Abbé Berger, il dit : "prenez ma vie et laissez la sienne ". Mon père était obnubilé par la fraternité. Sur Israël, je lui disais comment faire pour faire arrêter la violence contre les enfants. Il me disait que s’il y était, il leur dirait : "mettez en avant la fraternité. " " Michel Cohen parle avec beaucoup d'émotion, sa voix s'enraye. " Quand j'étais à Bordeaux, j'étais recherché parce que je m'étais battu devant le lycée Michel Montaigne, qui était à deux cents mètres de chez nous, je m'étais battu avec des jeunes Dormitions et à la fin de la bagarre, on m'avait dit : "on va revenir armés et toi, Cohen, on aura ta peau. " Quand j'en ai parlé à mon père, après la bagarre, il m'a dit : "il faut rendre le bien pour le mal. " J'avoue que j'étais jeune et qu'à l'époque, je ne comprenais pas, je voulais me battre. Mon père était un sage homme. Voilà pourquoi il est si discret dans ses mémoires. "

Maître Daigueperse " Papon a dit que l'UGIF et le grand Rabbin Cohen ont livré les enfants. Michel Bergès a parlé d'un document non daté qu'il attribue au grand Rabbin Cohen, il reprend en partie sa lettre à Sabatier et en partie l'ouvrage de votre père. Ce document le reconnaissez-vous ? "

Michel Cohen "non, je ne reconnais pas la fin. Cela a un rapport ? "

Maître Daigueperse "oui, le reconnaissez-vous ? "

Michel Cohen le consulte, après quelques instants "non, je ne connais pas ce document, mais je reconnais certains passages qu'il comporte. "

Maître Daigueperse "le grand Rabbin Cohen a témoigné au procès Dehan, il ne dit pas de mal sur Dehan. "

Michel Cohen "pourtant, il est venu l'arrêter. "

Maître Daigueperse "voilà la preuve de la mansuétude et de la bonté du Grand Rabbin Cohen. L'arrestation de Dehan aurait pu le conduire à Auschwitz, et pourtant il ne le charge pas. Que savez-vous de ses rapports avec la préfecture ? "

Michel Cohen "mon père disait : "au début, on m'appelait Monsieur grand rabbin Cohen, puis à partir de 1941, c'était sieur Cohen ", il a dit de la préfecture et des Allemands : "nous, les Juifs, on aura plus à craindre de leur désespoir que de leur haine. "

Maître Daigueperse " Papon a dit que le grand Rabbin Cohen a été sauvé grâce à lui et à Mgr Feltin ? Quelle est l'origine de ce mythe ? "

Michel Cohen "peut-être à cause de ses relations avec Mgr Feltin, Papa a dit qu'il était resté seul pour aider les déshérités. Mon père était ami avec Ellul. Bergès a dit qu'il ne comprenait pas qu'il ne soit pas allé voir Ellul pour aider ses coreligionnaires à passer la ligne de démarcation. C'est parce qu'à l'époque, ceux qui pouvaient, étaient partis, les plus déshérités ne pouvaient pas partir. Il a fait appel à ceux qu'il connaissait. " (...)

Maître Daigueperse "on a dit que les rafles de décembre 1943 et de janvier 1944 avaient été organisées en représailles de l'évasion de votre père. "

Michel Cohen "oui, j'ai entendu ça, c'est grâce à des éléments fournis par Klarsfeld qu'on a pu prouver que les Juifs déportés en janvier l'avaient été selon un plan élaboré, avant l'évasion de mon père. Ceux qui croyaient que c'était à cause de mon père, je leur pardonne, mais aujourd'hui, on sait la vérité, que c'est faux, que c'était déjà prévu. Ceux qui continuent à dire ça, je ne leur pardonnerai plus maintenant. "

Maître Daigueperse aborde ensuite des documents d'archives du dossier sur lesquels il y a des erreurs de dates, des confusions et des contrevérités. " Ce mythe ne résiste pas à la vérité des éléments du dossier. " " Là aussi, il fallait tordre le cou à cette légende " Elle évoque ensuite la plainte déposée par Michel Cohen et sa sœur contre les éditions Plon et Monsieur Terisse, qui raconte les mêmes "bêtises " sur la foi d'un travail erroné de Michel Bergès. Les éditions Plon sont obligés de supprimer le passage en question. - Les relations entre le grand Rabbin Cohen et Marquet, maire de Bordeaux sont abordées. Marquet avait dit au grand Rabbin Cohen : "partez, partez, partez. ". Les deux hommes se connaissaient très bien, Marquet avait dit à Laval "il n'y aura pas assez de pins dans les Landes pour nous pendre tous ". Laval lui aurait répondu : "oui, mais les Allemands vont gagner " " Mon père reprochait l'exposition antijuive tenue à la mairie de Bordeaux " " Marquet était dépassé, débordé " "Marquet, si j'ose dire a été marqué par son passé lavaliste " "vous savez que Sabatier a failli sauter à cause du grand Rabbin Cohen, il l'avait invité lors d'une manifestation charitable et mon père était venu avec l'étoile jaune. "

Maître Daigueperse "vous avez dit : " mon père ne parle pas de Papon", Bergès s'est interrogé sur les silences de votre père sur Papon ? "

Michel Cohen "ce n'est pas à moi de juger, mon père était un homme de religion, il écoutait, il consolait, il apportait le réconfort, il n'a jamais jugé quiconque, il n'a jamais condamné personne. "

Maître Daigueperse "dernière question, la défense s'attribue les actes du grand Rabbin Cohen pour en récolter les mérites. Le grand Rabbin Cohen a tout fait pour sauver les enfants. C'est tout le contraire de Papon, j'aurais tendance à comparer le grand Rabbin Cohen à Moïse, je lui rends hommage, avec le consistoire israélite, un hommage fervent. Que pensez-vous des propos de Papon qui ne cesse, et je dis que ce n'est pas supportable, d'évoquer la cellule de crise et la collaboration entre la préfecture et le grand Rabbin Cohen ? "

Michel Cohen "c’est tout à fait impensable, chacun évoluait à son niveau, avec ses armes, son devoir. Mon père combattait et se battait, il n'était pas au niveau de la collaboration. C'est impensable de dire ça, la préfecture était collaboratrice. "

Maître Daigueperse "parlez-nous de l'action de votre père à Mérignac ? "

Michel Cohen "son apostolat lui disait de venir en aide. À soixante-sept ans, il venait avec un aide et une charrette à bras deux fois par semaine, il amenait des couvertures, des vêtements, des livres de prière. Tout le monde lui disait de partir, Mgr Feltin, Le Grand Rabbin de France. À la fin, les gardiens lui disaient : "si vous revenez, on vous gardera au camp " et mon père répondait "qu’est-ce que ça peut me faire, j'ai plus d'ouailles à l'intérieur qu'à l'extérieur. "

Le président Castagnède " Je souhaite que vous soyez plus précis sur les enfants. Qu'est-ce que votre père en a dit, quel a été son rôle, son action, à qui les a-t-il confiés ? Comment les a-t-il récupérés ? "

Michel Cohen "merci de me donner l'occasion de rendre hommage à la petite cellule de résistants, autour de Madame Larigaudière qui ont été dévoués, qui ont réalisé les plus grands sacrifices " ; "mon père a sauvé beaucoup d'enfants, mais seulement ceux dont il avait l'adresse. Pour ces quatre enfants, il a fait dépêcher la fille de Madame Larigaudière pour sauver ces enfants. "

Puis, Maîtres Boulanger, Levy, Jakubowicz, Daigueperse, le président interrogent Papon, pour savoir s'il maintient ses propos selon lesquels : " le grand Rabbin Cohen a été sauvé par [ ses ] soins et ceux de Sabatier et hébergé par Mgr Feltin ". Papon réussit le tour de force en un quart d'heure de ne jamais rien renier de ses propos, tout en reconnaissant que le grand Rabbin Cohen n'a jamais été sauvé par ses soins ni ceux de Sabatier, encore moins hébergé par Mgr Feltin. Papon bien sûr, le "coupable de rien " accuse le " Nouvel Observateur " et les avocats de mauvaise foi.

Le président Castagnède " Quand vous dites : "il a été sauvé par Sabatier et par moi, votre sauvetage, c'est seulement d'avoir transmis les propos entre Dubarry et Sabatier ? C'est tout ? "

Papon "oui, c'est tout. "

Puis finalement, Papon reconnaît que la thèse de Michel Cohen n'est plus suspecte aujourd'hui.

Maître Daigueperse "donc, Papon, vous vous récusez ? "

Le président Castagnède " C'est tout à fait ce que Papon vient de faire. C'est ça l'oralité des débats et la rencontre avec les témoins. "

Puis, plus tard le président Castagnède aura ces propos "on reviendra sur ce point [le cas des enfants ] après l'audition du témoin, vous avez dit, même si vous soutenez le contraire aujourd'hui, que le grand Rabbin Cohen avait ramené les enfants aux Allemands. "

Après la pause, le témoin suivant intervient, il s'agit de Madame Fabre, Nicole née le 2 juin 1929 à Paris.

Le témoin prête serment "je dois réitérer ma déposition faite il y a quatre ans au juge d'instruction. En 1943, je suis témoin du sauvetage si on peut dire du grand Rabbin Cohen et de sa femme par mon père et ma mère. Mes parents habitaient avenue de la République à Caudéran, dans le même immeuble, habitaient les Nahon, israélites, qui connaissaient bien le grand Rabbin Cohen et par leur intermédiaire, mes parents ont connu le grand Rabbin Cohen et naturellement quand il a réussi à s'échapper en janvier 1943 ils l'ont aidé. ". Le témoin rappelle l'évasion du grand Rabbin Cohen, le sauvetage de Madame Cohen à l'hôpital Saint André. " Le lendemain matin, Madame Cohen est venue chez nous, le grand Rabbin Cohen était chez les Larigaudière, qui habitaient dans une petite rue, derrière le parc des sports. Je me souviens, le grand Rabbin Cohen n'avait plus de barbe, il ne ressemblait plus au patriarche que je connaissais et quelques jours après, il est parti avec le camion de mon père et des faux papiers en zone libre. Madame Cohen est partie avec la carte d'identité de ma tante, Louise Maréchal. Mes parents ont agi ainsi par humanité. Ils ont aidé d'autres personnes, ils ont hébergé deux petits enfants israélites pendant quelques jours. On ne les a jamais revus. Ils ont aidé aussi des garçons israélites à travailler sur un chantier sur l'île d'Oléron et ainsi, à les sauver du STO. Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire. "

Le président Castagnède " Vous aviez à peu près treize ans ? "

Nicole Fabre "oui, en 1943, j'avais quatorze ans. Je me souviens du visage du grand Rabbin Cohen et l'arrivée de Madame Cohen, un matin chez nous, c'était un fait inattendu pour une enfant. "

Le président Castagnède " Oui, bien sûr. "

Nicole Fabre "je me souviens aussi de Michel Cohen, il est venu lors de la mort de mes parents leur rendre un hommage très digne. "

Le président Castagnède " Avez-vous revu le grand Rabbin Cohen ? "

Nicole Fabre "oui, lors de la remise de sa légion d'honneur. J'ai revu aussi ses enfants, Hélène Cohen est venue voir mes parents à la libération. Tous les jours, elle allait à la gare voir arriver les réfugiés de Lyon, et un jour, elle est revenue en larmes, j'ai vu Papa, j'ai vu Sarah, maman est morte dans le train. "

Maître Daigueperse "je verse la photocopie de la carte d'identité de Madame Maréchal, et demande au président de rendre l'original au témoin. "

Le président Castagnède " Papon, le témoin affirme que le grand Rabbin Cohen a quitté la région dans la camionnette de son père, ce qui confirme le témoignage précédent. Avez-vous des observations ? "

Papon "j’en prends acte. ".

Drôle de façon d'avouer ses mensonges.

Le témoin suivant est Annie Gast épouse Weill, soixante-sept ans, professeur à la retraite, demeurant à Paris. Le président Castagnède : " je vous entends en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, vous n'êtes pas témoin "

Annie Gast "je suis un des quatre enfants dont Bergès a parlé dans sa déposition et que le grand Rabbin Cohen aurait livrés aux Allemands. Non seulement, il ne nous a pas livrés aux Allemands, mais il nous a sauvés en prenant contact avec la résistance dans le Lot et Garonne. Nous avons été arrêtés mon frère, ma sœur et mon cousin le 15 juillet 1942, conduits au fort du Hâ, nous y avons passé une partie de la nuit, nous étions parqués avec tous les enfants juifs, ils devaient se trouver avec Eliane, Jackie et Claude [Alisvkas].

et le lendemain, on a été confiés à des familles d'accueil. Je me souviens, il y avait un car et il y avait les mères peut-être les pères, je ne me souviens plus, c'était terrible, le car faisait le tour de Bordeaux, s'arrêtait et on nous arrachait des bras de nos parents. C'était terrible, il y avait des cris, des larmes, on séparait les enfants des mères, c'était terrible, longtemps je m'en suis souvenu. Nous avons été recueillis chez Madame Suzy Fonmarty, cours de la Marne.

Mon père était polonais, ma mère était russe [ Gast Esipia né le 10 juillet 1900 à Tchermigovie et Rachel Jungerwirth, née le 01 mars 1904 à Tchermigovie ], ils avaient demandé leur naturalisation qui avait été refusée. Nous, on était français par déclaration à la naissance. J'ai appris que j'étais Juive, quand il a fallu que je porte l'étoile jaune. Les Fonmarty m'ont amenée chez le frère de ma mère, Abraham Stolpner à Cenon, dans la banlieue de Bordeaux. J'y suis restée plus d'une année. Mon cousin Joël Jungerwirth a vécu un mois chez le grand Rabbin Cohen et, à la rentrée scolaire de septembre - octobre, il a été mis au lycée Michel Montaigne. J'ai vécu tout ce temps là chez cet oncle et cette tante à Cenon, puis nous sommes allés à Yvrac, à dix km de Bordeaux. En juillet 1943, mon cousin et mon frère sont passés en zone libre, chez Madame Guillot, et ont fait leur rentrée scolaire à Marmande. Très rapidement, on leur a dit d'aller en zone occupée, je ne sais plus qui, et Madame Guillot les a placés à Bazas près de la zone libre et en novembre 1943 elle les a repris et les a ramenés en zone libre. Joël Jungerwirth s'appelait Georges Deschamps et mon frère ( ?). En janvier 1944, Madame Guillot est venue nous chercher à Yvrac, pour nous amener à Sainte Bazeille. Je suis devenue Annie Geral et ma sœur Jacqueline. Nous sommes restées cachées, dans le collège de Tonneins. Nous y sommes restées et pendant les vacances, nous allions chez Madame Guillot. Nous devons notre vie à Madame Guillot et au grand Rabbin Cohen qui au péril de leur vie nous ont sauvés. Je crois vous avoir tout dit. Madame Guillot a reçu la médaille des Justes de l’État d'Israël, à notre demande. A sainte Bazeille, nous avons rencontré Michel Cohen et sa sœur, dont Madame Guillot s'est aussi occupée. J'avais onze ans, mon frère jumeau onze ans aussi, ma sœur treize ans et mon cousin dix ans. "

Le président Castagnède " Vous vous souvenez d'avoir compris ce qui s'est passé ? "

Annie Gast "non, je n'ai pas compris. Le soir de notre arrestation, nous avons pleuré toute la nuit. Je n'ai pas entendu dire qu'on devait rejoindre nos parents, mais mon cousin l'a entendu chez le grand Rabbin Cohen, qui lui a toujours conseillé de ne pas le faire. "

Le président Castagnède " C'est une question que je voulais vous poser "

Annie Gast "je n'ai pas le souvenir, je n'ai pas eu de cas de conscience. "

Le président Castagnède " Et la vie clandestine, les fausses identités ? "

Annie Gast "je n'en ai pas le souvenir, je me souviens qu'il ne fallait pas le dire. "

Maître Jakubowicz "que peut ressentir une petite fille qui apprend qu'elle est Juive et qu’elle doit porter l'étoile jaune ? "

Annie Gast "je me souviens, la première fois que je l'ai portée, on me consolait. J'avais une amie qui disait qu'elle en avait une aussi mais qu'elle la cachait. Elle n’était pas Juive, elle voulait nous le cacher, ne pas nous montrer nos différences. "

Maître Daigueperse lit alors deux lettres, une de la mère d'Annie, de Drancy, et une de sa tante de Mérignac, très émouvante. Dans l'une, il est dit : "nous ne reviendrons jamais. " Avez-vous revu votre mère ? "

Annie Gast "non, jamais. "

Puis le président Castagnède l'interroge sur ces souvenirs, comment le grand Rabbin Cohen a connu Madame Guillot, ce qu'a fait son cousin chez le grand Rabbin Cohen, etc.

Ici, le texte de la déposition de Annie Gast pendant l'instruction.

Je soussignée Anny GAST épouse WEIL née le 27 mars 1931 à Bordeaux, de nationalité française, professeur à la retraite, demeurant 26, rue Vavin Paris 6e atteste par la présente les faits suivants:

Mes parents, Mozès GAST de nationalité polonaise et Tsipa STOLPNER de nationalité russe, sont arrivés en France dans les années 20. Ils se sont mariés en juin 1928 0 Bordeaux. Ils ont eu trois enfants ; ma soeur, Vera GAST épouse STERNBACH née le 15.7.1929 à Bordeaux, mon frère, Joël GAST et moi-même Anny GAST épouse WEIL nés le 27.3.1931 à Bordeaux.

Ils ont été arrêtés le 15 juillet 1942 et firent partie du convoi qui quitta Mérignac pour Drancy le 18.7.1942. Ils ne sont pas revenus.

Notre enfance s’est déroulée à Bordeaux. J’ai appris que nous étions Juifs le jour où j’ai dû porter l’étoile jaune. Je ne comprenais pas du tout ce que cela représentait. Je pensais que mes parents souhaitaient s’assimiler. Nous n’allions pas à la synagogue.

Le 15 juillet, à 20 heures précises, des policiers français sont venus nous arrêter. Nous avons aperçu, par la fenêtre, au même moment, des policiers venant arrêter mon oncle et ma tante(Bernard et Rachel JUNGERWIRTH soeur de ma mère ainsi que leur fils Joël qui habités en face de chez nous, et auxquels nous étions très liés).

Mes parents ont fait rapidement des bagages sommaires et nous avons été conduits au Fort du Hâ où nous avons passé une partie de la nuit, parqués avec les Juifs de Bordeaux arrêtés ce soir-là.

Dans la nuit, il a été décidé que les enfants pourraient être ramenés dans des familles désignées par les parents. Nous nous sommes retrouvés dans un car, les enfants et le mères. Le car s’arrêtait dans la ville, et c’était la séparation. Je ma souviens de pleurs, de cris déchirants à chaque séparation. Pendant très longtemps, je n’ai pas pu parler de ce moment-là, et il m’est encore très difficile de l’évoquer.

L’évocation en général de ces souvenirs et de cette période m’est très douloureuse et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas souhaité me constituer partie civile tout au long de cette procédure.

Cette nuit là, nous avons été remis à une connaissance de mes parents, madame Suzy FONMARTY, cours de la Marne.

Le lendemain, nous sommes allés chez le frère de ma mère, notre oncle Abraham STOLPNER, qui était français et qui habitait Cenon, et était marié à une femme non Juive, Camille STOLPNER.

Nous devions rendre visite à nos parents à Mérignac dans les jours qui ont suivi, mais au jour fixé, nous avons appris qu’ils avaient quitté Mérignac sans plus de précisions.

Mon frère et mon cousin sont restés chez notre oncle Abraham STOLPNER, ma soeur et moi

chacune chez une soeur de Camille ( l’une d’entre elles est madame LAMARCHE à qui est adressée la lettre de ma tante Rachel).

Mon cousin Joël est reparti rapidement chez le Grand Rabbin de Bordeaux Joseph COHEN où il a passé environ un mois. C’est à ce moment-là que mon frère, ma soeur et moi avons fait sa connaissance.

A la rentrée scolaire, les deux garçons Joël GAST et Joël JUNGERWIRTH sont entrés au Lycée Montaigne où ils étaient internés, et où ils ont passé l’année scolaire.

En juillet 1943, Madame GUILLOT, vivant avec son mari à Sainte Bazeilles dans le Lot et Garonne et faisant partie de la résistance a manifesté auprès du Grand Rabbin COHEN le désir de sauver des enfants juifs. C’est ainsi qu’elle a eu notre adresse.

Les deux garçons sont ainsi partis en zone libre chez Monsieur et Madame GUILLOT où ils ont passé les vacances scolaires, puis ont été inscrits au collège de Marmande (Lot et Garonne) pour la rentrée scolaire 1943. Mais ils ont été priés de réintégrer la zone occupée au début du mois de novembre. Madame GUILLOT les a alors placés au collège de Bazas, à la limite de la zone libre.

Lorsque le Grand Rabbin de Bordeaux a dû fuir pour échapper à son arrestation en décembre 1943, Madame GUILLOT, prévenue, est immédiatement venue à Bazas chercher les garçons, leur a fait passer la ligne de démarcation et les a " planqués " dans les fermes du Lot et Garonne avec de faux papiers. Joël GAST est devenu Jacques DESCHAMPS et Joël JUNGERWIRTH, Georges DUBOIS.

Depuis l’arrestation de nos parents, ma soeur et moi avions passé la fin de l’année 1942 et l’année 1943 à Cenon, puis à Yvrac, à une dizaine de kilomètres de Bordeaux me semble-t-il, avec notre tante Camille es ses enfants. Mon oncle, je crois, continuait de travailler à Cenon, mais je ne peux pas l’affirmer.

Madame GUILLOT, après avoir caché les garçons et nous sentant en danger, a décidé de venir nous chercher. Ce devait être vers le mois de janvier ou février 1944. Je me souviens de cette nuit sans fin qui a précédé notre départ. Je me souviens ne pas avoir dormi, guettant le bruit des voitures qui passaient et tremblant de peur que l’on vienne nous arrêter cette nuit-là, alors que nous étions sur le point d’échapper aux allemands ou à la police française.

Madame GUILLOT est enfin arrivée, munie de faux papiers pour nous. Nous avons franchi la zone de démarcation en train et sommes parvenues à Sainte Bazeilles chez monsieur et madame GUILLOT où nous avons retrouvé le fils et la fille du Grand Rabbin COHEN, Michel et Hélène COHEN dont madame GUILLOT s’était aussi occupée.

Dans les jours qui ont suivi, nous avons été " planqués " au collège de Tonneins (Lot et Garonne) sous les noms de Jacqueline GAYRAL (ma soeur) et Annie GAYRAL (moi-même).

Nous avons passé toutes les vacances scolaires à Sainte Bazeilles, puis l’année scolaire 44-45 à nouveau au collège de Tonneins.

Après la libération, Le Grand Rabbin COHEN a repris contact avec nous, nous a manifesté une grande affection et a suivi avec beaucoup d’intérêt nos différents parcours. C’est grâce à lui et à madame GUILLOT, au risque de sa vie, que nous avons été sauvés. Madame GUILLOT plusieurs années après, s ’est vue décerner la Médaille des Justes par l’Etat d’Israël.

Je joins au présent témoignage :

1) une lettre de ma mère adressée à madame LADOIRE, la propriétaire de notre appartement. Ma mère se trouvait alors dans le train quittant Drancy. Cette lettre m’a été remise il y a une quinzaine d’années.

2) une lettre de ma tante Rachel, adressée à son frère Abraham, sa belle soeur et à monsieur et madame CAMARCHE ( soeur de Camille) écrite du camp de Mérignac.

Je délivre la présente attestation en sachant qu’elle sera produite devant la Cour d’Assises de Bordeaux à l’occasion du procès contre Maurice PAPON, et que tout faux témoignage de ma part pourrait m’exposer à des poursuites pénales.

Fait à Paris, le 14 décembre 1997

Vers la fin de son témoignage, Papon intervient et demande au président Castagnède "j’ai cru comprendre que vous me reprochiez d'avoir dit que le grand Rabbin Cohen avait rendu les enfants aux Allemands ? "

Le président Castagnède " J'ai vérifié pendant la pause, vos propos ne sont pas très nets, c'est Bergès qui l'affirme. "

Papon "oui Bergès, ce n'est pas Papon. "

Le président Castagnède " Oui, mais vous l'avez dit vous même. "

Papon cite la déclaration du grand Rabbin Cohen, au cours du procès Dehan, au sujet de Garat (Garat jouait le double jeu.) Alype lui a fermé sa porte, mais Sabatier lui a ouvert la sienne ".

Côté parties civiles, on entend "oui, surtout la porte de Mérignac ".

Papon conclut "le grand Rabbin Cohen et la préfecture avait une marge étroite. "

Enfin l'audience se termine par la tentative infructueuse de nos avocats, Jakubowicz, Levy, Daigueperse et Klarsfeld de faire reconnaître à Papon qu'il a bien dit que le grand Rabbin Cohen avait ramené les enfants aux Allemands, mais Papon n'en démord pas. Il nie, conteste malgré l'insistance du président qui lui rappelle ses propos. On en revient à ce que disait Gérard Boulanger, Papon construit des séquences isolées où sa position tient mais quand on les met en cohérence, le tout vacille. De toute façon, Papon n'avouera jamais, comme André Frossard l'a dit pour Barbie, il a laissé sa conscience un jour de 1942 dans l’État vichyste. Les habitués de nos chroniques trouveront facilement les lieux où Papon a effectivement sali la mémoire du grand Rabbin Cohen et pas seulement une fois... Maître Varaut a même déclaré lors de sa demande d'annulation du procès que si le grand Rabbin Cohen avait été vivant, il serait venu témoigner en faveur de Papon.

Le dernier témoin du jour est Marie Madeleine Pinhras, quatre-vingt-quatre ans "mon mari [ David Pinhras, né le 20 septembre 1902 à Akissan ] a été arrêté le 20 décembre 1943 et déporté le 30 décembre. Nous habitions à Pessac, dans une ferme. Il a été arrêté et déporté avec mon père et ma mère, mais à Drancy, mes parents ont été conduits à l'hôpital Rothschild et ils ont pu regagner leur pays. A six heures du matin, un Français et un Allemand sont venus nous arrêter et dans la traction, il y avait mon beau-père, mon père et ma mère et mon mari, il n'y avait pas de place pour moi. Ils ont dit : "on va revenir à huit heures, préparez vos affaires. " Mais quand ils sont revenus, j'étais partie. "

Le président Castagnède " Vous vous souvenez de la date ? "

Marie Madeleine Pinhras "le 20 décembre "

Le président Castagnède parle de son fils David, il était dans le convoi et finalement, on découvre que c'était le voisin de Daniel Schinazi dans le train, ils étaient menottés ensemble quand Daniel s'est évadé. Maître Touzet cite les autres personnes arrêtées en même temps : Monsieur et Madame Pekaran [ Nessine, né le 10 septembre 1877 à Akissan et Cadina, née en 1874 à Kirkayac ]. Il cite une lettre de David envoyée le 24 décembre 1943 de Mérignac.

Il cite un autre document de Rousseau qui interdit l'entrée du camp à Madame Schinazi

Puis, Michel Touzet et Alain Levy interrogent Papon sur sa connaissance de l’État déplorable du camp de Mérignac et sur les efforts que Papon prétend avoir fait pour sauver les Juifs. Mais à son habitude, Papon nie, conteste. Seul Maître Jean Chevais, avocat de Macabbi Inter, parvient à faire reconnaître à Papon qu'il connaissait les mauvaises conditions de vie du camp de Mérignac. Le comble est atteint lorsque Maître Chevais fait noter à Papon qu'il dit avoir connu les mauvaises conditions du camp de Mérignac et que maintenant qu'il vient d'avouer, il les nie. Le comble est atteint quand Papon lui répond "c’est de la mauvaise foi. "


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Page mise à jour le 14 octobre, 2002

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