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mise à jour : le 01/11/02
Ils marchaient
obscurs dans la nuit solitaire
Déclaration de Catherine Trautmann
pour l'inauguration du Mémorial
de la Clairière des Justes
Ministre de la
Culture et de la Communication, Porte-Parole du Gouvernementà l'occasion
de la
céremonie d'inauguration du Mémorial
de la Clairière des Justes
à
Thonon-les-Bains dimanche 2 novembre 1997
" Ils marchaient obscurs dans la
nuit solitaire''
Ce vers de Virgile vous est dédié de toute éternité à vous qui avez fait irruption
silencieuse dans la vie publique. Vous n'attendiez aucune reconnaissance de quiconque et
vous ne vous êtes jamais considérés comme des héros. Et beaucoup parmi vous je le sais
éprouvent gêne et pudeur dans cet instant de commémoration. Comme si cette façon trop
visible, trop bruyante de souligner vos actes quelque part portait atteinte à leur
vérité. Sans doute est-ce pour cela qu'il est écrit dans le Talmud ``on n'élève pas
de monument à la mémoire des justes car l'uvre de leurs mains tel est leur
monument véritable''. retenez donc que cette Clairière, cette "irruption de
lumière dans l'ombre des taillis''. Souvenons-nous, c'était il y a 50 ans, et la nature
déjà était si belle et silencieuse, plus belle encore face à l'horreur de ces sombres
temps. -Juste- Jamais terme ne fut plus juste que celui-ci pour désigner ces étincelles,
ces sources de clarté que vous fûtes - justes cachés, de la tradition, grâce auxquels
le monde tient sur ses assises. Ailleurs une autre scène: un homme répond de ses actes
et le Premier Ministre Lionel Jospin a raison de dire: "ce procès est juste''.
L'époque fut douloureuse, elle fut contrastée et nous devons être capables d'assumer
lucidement notre passé. Cette trame faite d'actes de courage - vous en êtes les artisans
- d'actes barbares que la conscience et l'humanité réprouvent, mais surtout d'actes de
lâcheté plus ou moins grands. Le Premier Ministre a appelé au rassemblement des
français, non au prix de l'oubli mais sur des valeurs. Non, la balance n'est pas égale
entre vous et tous les autres, meurtriers, collaborateurs (ils ne furent pas les plus
nombreux) ou simplement majorité silencieuse attendant d'être emportés par le vent de
la victoire quel que soit le vainqueur. C'est sous votre bannière que nous voulons fêter
la République. La France qui est la nôtre elle a votre visage, elle a vos mains: celles
qui se tendaient vers l'exilé et le paria, pour lui offrir secours et assistance. L'acte
d'un juste a toujours à voir avec la vie. Et notre vie est psychique autant que physique.
Obéissant à l'appel intérieur qui vous commandait de dire ``non'' vous sauviez des vies
humaines et vous sauviez la vie même. A ceux que vous cachiez, à ceux que vous faisiez
passer en Suisse, à ceux que vous sauviez vous avez offert infiniment plus que votre
acte. Vous avez donné un visage ami et l'humanité soudain renaissait. A celui, à celle,
qui ne pouvait plus répondre à la question ``qui es-tu'' que par ces mots "je suis
un juif, je suis un communiste, un résistant'' vous permettiez de répondre à nouveau
"je suis un homme''. Vous redonniez figure à l'espoir et à la communauté humaine.
Non tout ne se vaut pas et W. Benjamin qui n'eut pas la chance d'une main secourable
lorsqu'il se suicida à la frontière espagnole avait raison de dire "que les choses
continuent simplement ainsi voilà la catastrophe''. Un pouvoir politique s'affirme avant
tout dans le choix de ses valeurs et en assumant des actes - tel l'ouverture des archives
- en accord avec ses valeurs. Il ne s'agit pas de raviver de vieilles querelles, mais
simplement d'affirmer qu'à ne pas s'interroger sur leur passé, les sociétés sont
condamnées à le revivre. La devise de la République, la devise de la France est celle
de ``Liberté Egalité Fraternité''. Cette dernière couronne les deux autres. Qui mieux
que vous en serait le porteur, vous qui illustrez l'idéal des lumières. L'ouverture à
l'autre, la tolérance prennent leur sens dans l'engagement. Il n'est d'humanité que de
courage. Toujours il nous faut répondre à cette injonction: ``là où il n'y a pas
d'homme, il t'appartient d'être un homme''.
Texte aimablement communiqué par Monsieur Gérard Blum
dont le rôle a été fondamental dans l'organisation et la réussite de cette
cérémonie. Ce texte a été trouvé sur le site de Jacques Goldberg, que nous
remercions pour son approche à la fois juste et joyeuse de cette époque.
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