date dernière modification : 17/10/02 Chronique du 6 octobre 1997 JEAN-PAUL ABRIBAT ET MAURICE-DAVID MATISSON REPONDENT A MICHEL BERGES...
Pendant la dernière guerre, combien de milliers de français ont-ils joué le double jeu ? Combien ont été à la fois collaborateurs et résistants de la dernière (ou de la 25ème) heure ? En 1997,dans un autre contexte... Michel Bergès, après avoir soutenu les victimes et leurs familles, change de camp et passe dans celui de la collaboration paponesque. Au cours d'un entretien publié dans Sud-Ouest et d'une interview donnée à FR3, Michel Bergès explique ses revirements... Dans un souci d'objectivité, les deux psychanalystes bordelais avaient invité Michel Bergès à discuter avec eux de la validité des arguments et documents utilisés dans leur livre (Psychanalyse de la Collaboration, Le syndrome de Bordeaux). Voici le texte complet de la réponse de Jean-Paul Abribat et de Maurice-David Matisson : Dans l'ouvrage que nous avons publié en janvier 1991 (Psychanalyse de la Collaboration, Le syndrome de Bordeaux), on peut lire p. 254 : "L'historien jeune, qui travaille sur Vichy a été un révélateur d'un drame collectif et individuel. Cela volontairement, puisque j'ai assumé des responsabilités notamment au niveau de l'affaire Papon (...) ma matière première, (...) c'est aussi les actes conscients, les actes responsables d'hommes en tant que fonctionnaires, et hauts fonctionnaires, qui ont des comptes à rendre quels que soient, d'ailleurs, le délai et le décalage avec la période contemporaine".
Plus loin, p. 256, il poursuit..."l'historien a une responsabilité morale considérable au-delà de l'effort qu'il doit faire pour sa méthode (...)" p. 263, il écrit : " (...) en 1983. J'ai posé la question au premier juge d'instruction, le doyen des juges Nicod concernant la responsabilité de Maurice Papon (...) comment pouvez-vous le juger comme une personne ordinaire, comme un criminel ordinaire, alors qu'en servant l'Etat, il s'est dépersonnalisé ? Le juge m'a répondu que, dans toutes les armées du monde, chaque soldat, qui recevait un ordre venant d'une hiérarchie formalisée avait le droit à l'examen de conscience et à la désobéissance. Un fonctionnaire est aussi un citoyen à part entière, un individu qui doit avoir un code de déontologie morale et qui, a-t-il ajouté, vu le niveau d'intelligence et de diplôme de ces hauts fonctionnaires, doit être capable de mesurer les effets de ses actes au-delà de la simple adéquation à l'obéissance à sa hiérarchie (...)". L'auteur de ces lignes est Michel Bergès qui commente ensuite les propos du juge Nicod : "Je crois, personnellement, à la responsabilité, à la conscience." Nous avions convié, le 17 Mai 1990, Michel Bergès à dialoguer (pp. 251 à 313) pour apporter une vision objective à ce qui, dans nos propos - déjà soucieux de rigueur scientifique, - pouvait être voilé par l'émotion des événements évoqués. Il reconnaît, p. 251, "notre effort d'objectivation" et, p. 272, il précise : "je dois introduire une interrogation que vous souhaitez et qui montre d'ailleurs l'objectivité de votre réflexion et de votre démarche". Entre ce texte de 1991 (bien après 1988) et l'interview publiée dans "Sud-Ouest" le 30.09.1997, comment peut-il évoquer "une logique judiciaire qui rejoint celle des porte-parole des parties civiles, qui est, selon lui, forcément manichéenne ?" La science historique a-t-elle été écartée de ce livre puisqu'elle parlait par sa bouche ?
N'a-t-il pas lui-même accompagné le juge Nicod - à la demande de ce dernier lors de la mise sous scellé de tous les documents de l'affaire Papon aux Archives départementales ? N'a-t-il pas remis à ce même juge un remarquable travail de plusieurs centaines de pages concernant l'organisation des rafles par Norbert Techoueyre sur ordre de la Préfecture, travail démontrant la mécanique honteuse de l'établissement des listes des enfants, des vieillards et adultes juifs, quartier par quartier ? Si Michel Bergès détenait des documents depuis 1991, pourquoi ne les a-t-il pas fait remettre aux juges Braud, puis Leotin ? Qu'appelle-t-il être écarté avec la "science historique" de l'instruction depuis 1988 ? Quoi qu'il en soit - et chacun a le droit et le devoir de s'exprimer librement - si Maurice Papon "n'est pas responsable des arrestations", qu'est-ce qui a fait évoluer l'opinion de Michel Bergès ? Est-ce que la "responsabilité morale considérable" de "l'historien jeune" de 1990 a évolué elle aussi ? Si c'est le cas, pourquoi avoir attendu d'être à huit jours du procès pour s'exprimer dans la presse bordelaise ? L'écrire, jusqu'à "preuve historique" du contraire, c'est ce qui lui reste à faire. Pour nous, l'histoire n'a pas changé. Serait-ce Michel Bergès qui aurait "révisé" ses opinions ? Serait-ce Michel Bergès qui aurait "changé" ? © Copyright 1997, J.M. Matisson
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