Radio Londres BBC, 1942-1944
21 heures 30 - 22 heures
LES FRANÇAIS PARLENT AUX FRANÇAIS
Jean Marin
Jean-Louis Crémieux-Brilhac

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" Réveillez-vous, la mort est déjà à cheval. On entend son galop dans l’écho du journal (…). Réveillez-vous, c’est moi fantôme des radios. Je vous prête ma voix qui frappe dans le dos . "
Jean cayrol

 

Dans une note officielle, le gouvernement polonais a fait connaître que 700 000 juifs ont été massacrés en Pologne depuis le début de l'occupation allemande.

Ainsi, 700 000 hommes, femmes et enfants ont été mis à mort, par des hommes qui avaient froidement décidé ces exécutions massives. Pourquoi ? Ces 700 000 êtres humains ont été abattus peur une seule raison, c'est qu'ils étaient juifs.

On se trouve donc amené à considérer ces assassinats collectifs comme la solution adoptée par le Reich pour résoudre le problème de l'antisémitisme.

 

La note polonaise raconte comment se t pratiquement les massacres des populations condamnées, les détails sont terribles, n'en citons qu'un :

Les Allemands utilisent des chambres à gaz qu'on appelle même en Allemagne les chambres de Hitler, montées sur roues. Les condamnés d'un village, d'une ville sont séparés par groupes de 80 à 90 et chaque groupe, à son tour. est enfourné dans la chambre roulante. Songez que des fonctionnaires nazis organisent le détail de cette tuerie, préparent les horaires de la sinistre voiture, veillent tranquillement au fonctionnement de leur odieux service d'ordre et, le soir venu, leur besogne faite, rédigent un rapport et vont se coucher.

Voilà une image de l' Ordre Nouveau qu'on voudrait imposer à l'Europe.

Jamais, dira-t-on, de telles atrocités n'ont été commises en France. C'est vrai, mais jamais non plus elles n'avaient été commises en Allemagne. aux pires heures des persécutions antijuives. A cette époque, juste après l'arrivée de Hitler au pouvoir, le Reich en était au stade de la déportation et des sévices.

Voilà aujourd'hui, la France en est au même point, et nous voyons qu'en zone occupée le Parti Populaire Français de Doriot imite le national-socialisme de la première heure et enjoint aux patrons d'hôtels ou de cafés d'interdire l'accès de leurs établissements aux juifs, porteurs ou non de l'étoile jaune. N'oubliez pas que c'est peu à peu qu'on essaie d'habituer un peuple à considérer une partie de la population comme sacrifiée d'avance, les étapes sont ensuite vite franchies. Et un homme, dans le gouvernement de Vichy, se trouve, de par ses fonctions, collaborer avec les instigateurs des nouvelles persécutions, c'est Darquier de Pellepoix, le commissaire aux Affaires juives.

Ce qu'est ce personnage ? Un officier des Forces Françaises Libres évadé d'Allemagne et qui s'est trouvé en captivité avec lui, vous l'a déjà dit. Il va vous parler à nouveau ce soir de Darquier de Pellepoix. Ecoutez-le :

 

Jean-Louis Crémieux-Brilhac :

L'autre jour à Vichy, au bar du Majestic, Darquier de Pellepoix a fait une scène parce que j’avais osé rappeler quelques souvenirs de notre captivité commune à l' Oflag II D.

Cet homme n'est ni un grand escroc, ni un grand grand bohème comme l'a dit de Monzie, ni même un traître romantique, c'est le type du tripoteur vulgaire qui, traqué par ses créanciers, a trouvé refuge dans la trahison.

Chacune de ses promotions dans la carrière dite des honneurs n'a été pour lui qu'un moyen de camoufler sa dernière infamie. S'il s'est jeté dans l'a politique en 1934, c'est parce qu'ayant épousé une grosse dot britannique et l'ayant dilapidée, il en était réduit à vivre à l'hôtel et à déménager tous les quinze jours à la cloche de bois. Le 6 février le sauva ; il s'improvisa président des blessés du 6 février et, à ce titre, fut engagé comme secrétaire général du Jour.

Pourquoi se présenta-t-il aux élections ? Pour vivre, c'est-à-dire pour trafiquer. Sa carrière de secrétaire général du Jour avait été en effet malencontreusement interrompue. Non seulement Darquier avait puisé dans la caisse, mais encore et surtout il s'était livré dans les salons d'attente du Jour à des facéties tellement inconvenantes sur les visiteuses qui s'y trouvaient que M. Bailby, toujours respectueux de la vertu féminine, l'avait mis à la porte. Topaze était alors à la mode- Darquier crut se sauver en devenant le conseiller municipal du 17@ arrondissement de Paris. Son succès ne fit qu' aggraver une situation financière désespérée car, le lendemain du scrutin, Darquier avait un découvert de 50000 francs dans les cafés des Ternes et notamment à la brasserie " La Lorraine ". Ce n'était pas les cotisations de 10 francs pour le rassemblement antijuif de France qui pouvaient solder sa dette, ni les 25 francs que coûtait l'abonnement à La France Enchaînée (8, rue Laugier, 17'). Darquier était depuis un certain temps en relations avec le Service Mondial, organe secret de propagande allemande, dirigé d'Erfurt par le colonel Fleischauer. Par le détour de la politique, et de l'ivrognerie, il devint l'agent à gage de l'ennemi.

Naturellement, il s’en est toujours défendu : " Moi, toucher de l'Allemagne, jamais, de Brinon, oui, mais pas moi. "

Dans le n° 14 de La France Enchaînée, datée d'octobre 1938, il écrivait :

" Il est déjà bien connu que, par le truchement d'organisations comme le comité France-Allemagne (vice-président, M. de Brinon marié avec une juive), ce sont les judaïsants, les maçonnisants, les démocratisants, en un mot les pourris qui sont " personae gratae " auprès des Grands Allemands et en particulier de son Excellence Herr Ribbentrop. "

Oui, vous avez bien entendu, l'agent de l'Allemagne au dire de Darquier, c'était Brinon. Seulement, ce que Darquier Se gardait bien d'avouer, c'est qu'à l'heure où Brinon touchait ses mensualités sur le fond de propagande de Carlsruhe, l'organisation de Darquier était aidée par le fond de propagande d'Erfurt. S'il faut, pour le confondre, lui apporter des précisions supplémentaires, je dirai que le colonel Fleischauer payait au moyen de chèques postaux internationaux adressés au compte courant dont voici les numéros : Paris. 2242 - 63, et 2242 - 64. Je répète lés numéros des comptes courants de Darquier : 2242 - 63 et 64. M. Darquier de Pellepoix, buvez encore un cognac à la victoire allemande et dites-vous que vos anciens camarades de captivité sont satisfaits de vous. Oui, ils sont heureux pour la France que les Allemands en soient réduits à confier leurs basses œuvres à des aventuriers et des traîtres de votre acabit.

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