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La libération de Papon La Ligue des droits de l'Homme Les
inexactitudes de Slitinsky et de Klarsfeld La libération de Papon Par Jean-Marie Matisson Un nouveau non-événement Le 12 Janvier 2001 Je me permets de donner ma position sur ce non-événement parce que je tiens à ce qu'elle soit bien comprise par vous et à marquer ma différence vis à vis de certaines parties civiles qui ne sont en rien mes porte-parole et en qui je ne me reconnais pas. Partie civile (une des quatre premières diront les puristes) dans le procès, je dois dire que je ne sens peu concerné par le débat actuel. Le cas personnel de Papon ne m'intéresse plus depuis sa condamnation. Je n'éprouve pour lui ni haine ni esprit de vengeance. Qu'il reste ou qu'il sorte de prison, cela m'est complètement égal. Mais, je trouve l'argument de Varaut et Vuillemin (traitement inhumain et dégradant) comme d'habitude disproportionné : arguer des droits de l'Homme pour un seul individu et pour cet individu-là, c'est risible... Je ne souscris pas non plus à ce que disent certaines parties civiles qui expriment encore un esprit de vengeance qui a mon sens n'est plus de mise. (Oui mais les victimes n'ont jamais eu le temps de vieillir ou oui mais il a fait déporter des enfants et des vieillards). J'adhère d'avantage à l'argument de Badinter et je partage son avis quand il dit que l'humanité doit être plus forte que le crime, surtout dans ce débat-là. C'est tendre la main et tourner la page... Papon n'a jamais été le seul accusé, il a été le seul présent et condamné devant les assises, mais ce n'est pas de notre fait, nous, nous avions porté plainte contre Bousquet, Sabatier, Papon et consorts. Pour moi et ma famille, la réparation est intervenue avec la condamnation de Papon et à travers lui de l'état pétainiste. C'est ce que nous demandions, nous n'avons jamais porté plainte par souci de vengeance mais par souci de justice. Nous voulions la reconnaissance par la République de la participation de l'état français dans ce crime contre l'humanité. Il s'agit bien d'un acte républicain. Avant quoi que ce soit et avant même mes racines, je suis citoyen de la République et c'est en son sein que doit se faire la réparation du crime. De récentes affaires corses montrent bien le danger de mettre ses origines en avant, en avant même que de faire confiance à la République. De pardon, il n'en était pas possible, puisque personne et surtout pas Papon n'a demandé pardon. Et les repentances tardives et "faux-cul" n'y changent rien non plus. C'est le verdict de la justice de la République et lui seul qui fait acte de réparation. C'est lui qui servira de leçon aux générations futures... La douleur est toujours gravée en nous... Eux deux sont les garants d'un véritable devoir de mémoire. Tribune
de Michel TUBIANA, Madeleine REBÉRIOUX et Henri LECLERC :
Michel Tubiana
Fallait-il
se taire et nier nos principes ? La LDH était dans son rôle en étant présente
au procès fait à Maurice Papon en raison de sa conduite durant l'Occupation,
comme elle l'aurait été s'il avait été possible de le poursuivre en raison
de son attitude durant la guerre d'Algérie. Elle était encore dans son rôle
lorsque, durant le procès, elle se refusa à revêtir la robe du parquet en réclamant,
à l'inverse de certaines parties civiles, une peine à l'encontre de l'intéressé.
Elle l'est toujours, aujourd'hui, lorsqu'elle affirme publiquement que « finir
sa vie en prison, y mourir n'est pas acceptable dans une société qui se veut
respectueuse » de principes qui, bien entendu, n'ont jamais guidé Maurice
Papon.
Au
risque de fâcher un peu plus, la LDH ne reviendra pas sur cette affirmation.
Mais elle entend que cette affirmation ne soit pas tronquée ; ce n'est pas le
sort de Maurice Papon qui lui importe, mais, puisque la question est posée,
celle de tous ces vieillards, ces malades qui attendent de finir leurs jours en
prison. Nous ne considérons pas que nos principes s'appliquent de manière
distributive, selon les personnes, les situations ou la nature des crimes. Sauf
à se rapprocher de ceux que nous combattons depuis plus d'un siècle, nous ne
pratiquerons pas une approche sélective des droits de l'Homme.
Il
appartient aux pouvoirs publics qui viennent de découvrir, il n'est jamais trop
tard, la situation d'ensemble des prisons françaises et des conditions d'incarcération
de prendre les mesures nécessaires, y compris législatives, pour que l'on ne
meure plus en prison d'âge ou de maladie. Et nous ne tairons pas cette
revendication au seul motif qu'elle pourrait bénéficier à Maurice Papon.
Réaffirmer
ces principes n'est pas s'associer à la campagne actuelle en faveur de la libération
de Maurice Papon.
Il
n'a jamais émis le moindre regret de ses actes et a manifesté un tel mépris
des victimes, durant les presque 20 ans qu'a duré la procédure, qu'à l'intolérable
de son comportement et de ses conséquences, s'est ajoutée une dimension
symbolique : sa mise en liberté serait ressentie comme un désaveu de sa
condamnation et une nouvelle négation des victimes.
On
conviendra que tel est d'ailleurs le sens que Jean-Marc Varaut a donné à sa démarche
en qualifiant son client de « bouc émissaire » et de « condamné pour crime
d'appartenance à l'administration française ».
La
situation de Maurice Papon n'a d'exceptionnelle que l'idée qu'il se fait de
lui-même et de ses actes. Rien ne peut justifier qu'il soit une nouvelle fois
une exception.
Michel
TUBIANA
Président
de la Ligue des droits de l'homme
Madeleine
REBERIOUX
Présidente
d'honneur de la Ligue des droits de l'homme
Henri
LECLERC
Président
d'honneur de la Ligue des droits de l'homme
Texte
adopté par le conseil national du MRAP le 27 janvier 2001
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L'Ultime défi du complice de crimes contre l'humanité : Les droits de l' homme
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Il
appartient aux défenseurs des droits de l'homme de dénoncer sans répit le
sort aujourd'hui réservé dans les prisons de la République à toutes les
personnes fragilisées et affaiblies dans leur corps comme dans leur esprit,
pour qui la prison n'est plus qu'un
lieu d'expiation.
Il
est intolérable pour la défense de droits de l'homme, par essence universels
et indivisibles de voir maintenus en prison aujourd'hui les détenus malades en
phase terminale, les malades mentaux laissés à la solitude de leur souffrance,
les femmes qui accouchent, seules ou non, derrière les barreaux, les jeunes
incarcérés dans les quartiers disciplinaires qui se suicident, les vieillards
qui meurent seuls en cellule sans le soutien de leurs proches ou doivent
partager de force cette dernière épreuve avec un co-détenu qui en restera
marqué à vie...
Parmi
les détenus de France, Maurice Papon, condamné pour complicité de Crime
contre l'Humanité, marqué à jamais du sceau du déshonneur et l' indignité,
est de ceux qui portent la responsabilité des crimes parmi les plus odieux et,
à ce titre, mériterait plus que tout autre de les expier jusqu'au bout.
Tel
est le défi et le redoutable paradoxe auquel nous renvoient le recours en grâce
pour raisons médicales et la requête présentée en son nom à la Cour Européenne
des Droits de l'Homme, pour « traitement inhumain et dégradant ». Ainsi, pour
la France, signataire de la CEDH, l'expiation ne peut prévaloir sur la
reconnaissance de l'universelle et indivisible dignité humaine. S'il en allait
autrement, le MRAP, renoncerait à son engagement pour les droits fondamentaux
de tous. Le MRAP lutte pour qu'à travers le monde, il soit mis un terme à la
barbarie de la peine de mort : cette lutte inclut le refus de la « prison à
mort ».
Pour
autant, tout au long de 17 années de procédure, Maurice Papon n'a cessé
d'opposer aux familles des victimes arrogance et mépris, sans la moindre
expression de remords ni demande de pardon pour les arrestations, séquestrations
et déportations d'enfants, de vieillards, de femmes et d' hommes qu'il a
orchestrées lorsqu'il était secrétaire général de la Préfecture de
Gironde. Malgré des complaisances infâmes, des complicités et des appuis
politiques de tous bords, malgré l'habilité de ses conseils qui firent tout
pour retarder, voir empêcher, ce procès, l'ancien préfet de la Gironde,
ancien préfet de police du Général de Gaulle, ancien ministre du budget de
Giscard d'Estaing, fut condamné à l'automne 1998 par la Cour d' Assises de
Bordeaux à dix années de réclusion criminelle pour « complicité de crimes
contre l'humanité » et, après une brève « cavale », incarcéré. L' ouvre
de justice est passée, seule susceptible de clore le tragique dossier et
d'apporter réparation.
Encore
faut-il ajouter que cette « cristallisation » sur Maurice Papon fait un peu
trop rapidement litière d'autres responsabilités qui n'ont pas été relevées
et que le MRAP a le devoir de stigmatiser dans un souci de justice et de vérité.
N'aura-t-il pas fallu attendre cinquante ans pour que la France reconnaisse
enfin la responsabilité de l' « État français » comme collaborateur des
Nazis, et donc complice de leurs crimes contre l'Humanité ?
N'y a-t-il pas eu des responsables politiques à tous les niveaux et de
tous bords qui ont contribué à masquer cette période sombre de l'histoire de
France et, pour certains, à freiner les poursuites contre les Papon, Touvier ou
Bousquet ?
Les
familles de victimes ou des rescapés des déportations et de la Shoah, à
jamais habitées par une indicible et inextinguible souffrance, ont porté avec
obstination, en tant que parties civiles au procès, cette exigence de justice
et de vérité historique. Nombre d'entre elles ne peuvent accepter aujourd'hui
la pensée que Maurice Papon puisse bénéficier d'une mesure d' élargissement
pour raison médicale ou parce qu'il est un vieillard.
Le MRAP, pour sa part, comme d'autres associations qui se sont donné pour vocation
de défendre les droit de l'homme, a contribué, à sa place, à ce travail de
justice et de vérité qui a permis non seulement la condamnation de
Maurice Papon mais aussi celle de l'État français et, surtout, la
reconnaissance par la France de sa responsabilité dans la commission de ces
Crimes contre l'Humanité.
De
même devrait-il en être pour l'odieuse nuit du 17 octobre 1961 qui vit l'
interpellation violente et l'acharnement meurtrier de policiers sous les ordres
du préfet de police de Paris Maurice Papon contre une manifestation d ' Algériens
pacifiques qui avaient osé braver le couvre-feu pour défendre leur droit à la
dignité. Pour la mort de quelque deux cents d'entre eux qui périrent noyés
dans la Seine, Maurice Papon doit
encore répondre de ses actes, restés à ce jour niés et impunis, devant la
Justice de la République et la France reconnaître, là encore, sa
responsabilité. Papon n'en a pas terminé avec l'Histoire que les silences
complices de l'État couvrent encore.
S'il
réaffirme inlassablement l'indivisibilité et l'universalité des droits de
l'homme, le MRAP refuse singulièrement que la violation de ses droits
fondamentaux transforme aujourd'hui Papon en martyr. Le MRAP refuse aussi avec
force de se voir détourner de ses valeurs originelles au prétexte de la requête
des défenseurs de Maurice Papon. C'est le travail de vérité et de mémoire,
au nom des droits de l'homme universels et indivisibles, qui permettra au MRAP
de rester fidèle au serment de ses fondateurs, il y a un peu plus de cinquante
ans au Cirque d'Hiver : « Plus jamais ça ».
--
MRAP Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples http://www.mrap.asso.fr
"Libéré,
il prétendrait que sa grâce est due à son innocence. Papon, le prétexte de
l'âge Par SERGE KLARSFELD Les inexactitudes de Slitinsky et de Klarsfeld Accusent Tubiana d'avoir demandé dans sa plaidoirie la perpétuité, alors qu'au contraire Michel Tubiana rappelait qu'un avocat n'a pas à se substituer au ministère public. Accusent le MRAP et la LDH d'être entrer tardivement dans la procédure. Fin 1980.
Lors
d’une réunion à l’Aiglon, le MRAP au vu de pièces présentées par Michel
Slitinsky, décide de se constituer Partie civile. La plainte n’est pas
recevable, parce qu'à l'époque les associations constituées après l'époque
des faits ne peuvent se constituées parties civiles. 25 avril
1983. Serge Klarsfeld commence à faire
bande à part car sans consulter les hommes à l'origine de l'Affaire, il déclare
: ".. si Papon avait été prêt à reconnaître ses torts dans une lettre
publique de regrets aux victimes, celles-ci s’en seraient contentées.. ".
Cela bien sûr ne concerne que Serge Klarsfeld, et en tout cas pas les
Bordelais. Même, parmi les plaignants qu'il représente, certains ne sont pas
d'accord avec lui. Cela ne concerne pas non plus les 17 nouvelles plaintes qui
se constituent le lendemain. Extrait de la plaidoirie
de Maître Blet avocat de l' A.N.A.C.R. le 11 Mars 1998 Je me souviens du dossier
"PAPON", ce qu'il en était à l'époque. En décembre 1980, j'ai été
contacté par un ami, Monsieur CAVIGNAC, qui travaillait aux Archives Départementales;
que je connaissais pour avoir fondé avec lui en 1967 l'Institut d’Études
Sociales. Nous avons à l'époque travaillé sur la Commune de 1870 à BORDEAUX
et le mouvement ouvrier local. Un jour, CAVIGNAC me dit qu'il avait des
documents intéressants. J'étais alors membre d'une association, le MRAP. Avec
certains confrères, dont Maître BOULANGER, nous formions le Comité juridique
de cette association. Je me souviens précisément
de décembre 1980 ; car à l'époque j'ai quitté ce mouvement, car étant en désaccord
avec l'intervention des troupes soviétiques en AFGHANISTAN. Je me souviens d'une réunion
dans les salons de "l'AIGLON" à laquelle participait Michel SLITINSKY. Il nous était demandé
d'examiner les quelques pièces du dossier ; Michel SLITINSKY voulait que le
MRAP dépose plainte pour crime contre l'Humanité. Nous étions une
association, un mouvement de lutte contre le racisme et pour l'amitié entre les
peuples ; à l'époque ces associations ne pouvaient se constituer parties
civiles.
Ces pièces, nous les
avons vues et examinées. Ce n'était pas entre les deux tours des élections présidentielles
de 1981. Nous avons suggéré de les publier dans la presse, notamment par le
biais du "Canard Enchaîné". Puisque Maurice PAPON était impliqué
dans le processus, il fallait que cela se sache. On nous a accusé d'être, dans cette affaire, l’œil de Moscou, l’œil de Pékin ; mais je crois que ce serait plutôt celui de Caïn que l'accusé devrait rechercher. Il n'y a pas de complot. Il y eut la plainte des parties civiles, personnes physiques ; et l'intervention du jury d'honneur composé à la demande de Maurice PAPON.
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