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Dernière mise
à jour le 10/11/2002
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Eliane Alisvaks,
elle échappe à la déportation à l'âge de 8 ans, Partie
civile |
Interview de
l'hebdomadaire "La vie"
A Bordeaux en 1942, Eliane avait huit ans...
Justice pour mes parents
C'était le 15 juillet 1942. La première rafle
signée Maurice Papon. Dans leur modeste maison du vieux Bordeaux, les ballots
étaient prêts. Ils ont ouvert en pensant que c'était le passeur qui devait
les conduire en zone libre. La police française les a arrêtés : elle, ses
deux frères, sa mère et son père, depuis peu ouvrier d'usine. Eliane Dommange
avait huit ans, ses frères six et onze ans. Elle portait l'étoile jaune. A
cette époque, les Allemands bottés qui passaient sous ses fenêtres en
scandant des chants nazis la terrifiaient. Pas les policiers français. Conduits
dans une annexe de la prison du fort du Ha, les adultes ont été séparés des
enfants, alignés contre un mur dans une salle poussiéreuse, un écriteau
nominatif autour du cou. Mais Eliane et ses frères ont eu la vie sauve : un ami
de leur père, fonctionnaire de la police est venu les chercher. Des voisins ont
pris des risques pour les cacher, puis les ont aidés à rejoindre leurs
grands-parents à Paris. Leurs parents, eux, ont été déportés à Auschwitz.
Eliane ne les a jamais revus, pas plus que six autres membres de sa famille.
Toute ma vie, je me suis sentie coupable
Du camp de Mérignac et de celui de Drancy, sa mère
avait posté une lettre et une carte postale, précieuses reliques d'un amour
fantôme. "Nous aurons beaucoup de courage. Soignez bien mes enfants chéris,
qu'ils ne souffrent pas de l'absence de leurs parents", écrit la maman d'Eliane
à ses propres parents. A la Libération, Eliane a vécu de faux espoirs. Ses
grands-parents habitaient à côté d'un cafetier équipé d'un téléphone. A
chaque fois que celui-ci frappait un coup sur la cloison pour signifier qu'un
appel était arrivé, la jeune fille croyait à l'annonce du retour de ses
parents. Longtemps, elle les a cherchés parmi les visages décharnés
photographiés dans les camps de concentration.
A sa main, Eliane, aujourd'hui comptable à la
retraite, installée dans la banlieue parisienne, porte depuis cinquante-quatre
ans la bague de sa mère. De sa voix douce, presque enfantine, elle raconte.
Sans larmes. Sa douleur indicible, avouée à son mari mais dissimulée avec
tant d'efforts à ses deux enfants, est enfouie au fond d'elle. Enterrée avec
des souvenirs sur lesquels elle a jeté un voile. "Pour pouvoir survivre,
il faut se forcer à oublier. Je me suis enfermée dans une tour d'ivoire. Mais
toue ma vie, je me suis sentie coupable. Par moments, je devenais dépressive,
anéantie. Mon mari, heureusement, a été très patient avec moi. Je ne voulais
pas transmettre ma souffrance à mes enfants. J'ai dû le faire malgré moi. La
seule fois que j'ai parlé de mes parents avec eux, c'était en mars dernier,
après une interview donnée à la télévision à l'occasion du réquisitoire
de la cour d'appel de Bordeaux."
Du procés de Maurice Papon, Eliane attend
beaucoup. Déjà, il l'a aidée à parler. En mars dernier, elle est retournée
dans son ancienne maison de Bordeaux pour la première fois. "S'il y a une
justice, il ne peut être que condamné. Je le voudrais non par esprit de
vengeance mais pour qu'on reconnaisse à mes parents leur droit à la vie."
C.C.
Lettre
de Gilles Dommange, son fils.
Je m'appelle Gilles Dommange, fils de Eliane Dommange
Alisvaks ma mère, petit-fils de Henri et Antoinette Alisvaks, juifs résistants
et déportés en 1942 dans les camps de la mort.
Jai le même âge, 30 ans, comme mes grand-parents lors de
leur déportation ; comme eux , j'ai des enfants
Même si je n'ai pas vécu ces années-là, je pense
ressentir tout le désespoir qu'ils ont pu connaître à cette époque , lors de
leur arrestation, et la séparation d'avec leurs enfants, ma mère.Ma mère qui
durant toutes ces années à souffert en silence sans rien nous dévoiler, ni à
moi, ni à ma sœur ; jamais durant notre enfance nous n'avons su sa souffrance
et ses espoirs de revoir ses parents. Pour nous ils étaient morts durant la
guerre comme des gens ordinaires qui vivaient à cette époque.
Ni un signe, ni un regard, que des photos jaunies par le
temps. Jamais je ne connaîtrai mes grand-parents, que par des souvenirs de ma mère.
Le temps, ce temps qu'il faut pour juger des hommes qui ont
commis des actes si … Qu'il n'y a pas de mot pour les qualifier. Le temps
qu'il a fallut à ma mère pour assumer ses cauchemars, ses souffrances
d'enfant. Le temps qu'il a fallut pour qu'enfin elle puisse voir l'homme, M
Papon, être jugé, pour rendre finalement toute la dignité à ses parents.
Je me suis porté partie civile, non pas pour juger une période
sombre de notre époque, que je n'ai pas vécu, mais pour rendre justice à mes
grand-parents et à toutes les années de souffrance de ma mère, à la mémoire
des hommes, femmes et enfants de cette époque, et pour dire que, même si le
temps peut effacer les années, il restera toujours des enfants, petits-enfants
pour juger et accuser les hommes qui ont commis des actes criminels.
A ma mère, j'espère qu'enfin après tant d'années de
souffrances, elle pourra, suite à ce procès, connaître le repos de son
esprit. Et je veux qu'elle sache, que ses petits-enfants seront fières d'elle,
comme nous le sommes de nos grand-parents.
A l'aube de l'an 2000, je voudrais finir ma lettre par un
espoir que les hommes puissent enfin se tolérer, se respecter, et cultiver
leurs différences afin de faire avancer l'humanité vers une existence
meilleure pour nos enfants et nous-mêmes.
Lettre
de Gilles Dommange, sa fille
Lue au cours du témoignage
de Jean-Marie Matisson,
Jean-Marie Matisson « Alors,
j'ai une deuxième question corollaire, pourquoi a-t-il retiré sa plainte avant
le procès ? Je voudrais revenir sur un point, je vous ai dit que j'étais
conseil en organisation, je travaille dans les administrations publiques, et je
suis interloqué par la façon dont Papon décrit son propre rôle à la préfecture
de la Gironde. C'est kafkaïen, c'est paponesque. C'est en totale inadéquation
avec la fonction. On se demande s'il a bien mérité son salaire. Il avait moins
de pouvoir qu'un balayeur. Je voudrais lire une lettre que j'ai reçu hier, de
la fille d'Eliane Dommange, Céline qui n'est pas partie civile. Son frère
Gilles par contre l'est. »
[le croquis de Michel Dommange, le père de Céline
et de Gilles]
Le président Castagnède « Vous pouvez lire ce que vous jugez utile à votre témoignage.
»
Jean-Marie Matisson « Cher Jean-Marie, Je fais suite à ton interrogation
concernant ma position sur ce procès. Aujourd'hui j'ai trente ans, soit l'âge
où je dois retrouver mon histoire, où les zones d'ombre concernant mon passé
doivent disparaître pour ne pas vivre dans le regret de ne pas avoir su avoir
en parler avec ma mère, donc ce procès est deux fois plus important. Les
archives, les écrits ou les récits ont fait de moi une spectatrice comme il y
en a tant, mais écouter ma mère citer les faits à elle rend les choses différentes.
Aujourd'hui seulement, j'ai pris conscience que j'étais petite fille de déportés,
que mon grand-père et ma grand-mère faisaient partis de ce convoi de juillet
42 vers Auschwitz pour ne plus en revenir. J'ai eu l'amour de mes grands parents
paternels, mais j'ai eu aussi la frustration de ne pas avoir eu celle de mes
grands parents maternels. On peut entendre aujourd'hui des gens dire que c'était
il y a 55 ans, qu'il faut oublier, c'est trop tard, etc. Mais pour ma mère, moi
et tous les gens qui pensent que non, qui se battent pour que plus jamais cela
existe ni en France ni ailleurs dans le monde, pour que plus jamais des enfants
souffrent de la méchanceté des adultes. Alors osons reconnaître nos torts,
nos bêtises, nos erreurs pour que plus jamais...
Je demande à la justice de reconnaître la responsabilité de Papon dans la
mort de ces personnes pour avoir juste été juifs, résistants ou tziganes.
Céline »
Les témoignages
d'Eliane
Le 17
novembre 1997
L'audience reprend.
Le président Castagnède « Nous constatons l'absence
de l'accusé. J'indique que j'ai été destinataire d'un fax d'Alain Choussat.
Il certifie avoir examiné Papon. Cet examen clinique met en évidence
l'aggravation pneumo pleuropathique, rend son hospitalisation nécessaire
pendant 10 jours au minimum. »
Le procureur général Desclaux « Cette bronchite et le
certificat médical remet en cause la validité de ce procès à un moment
important, celui où nous allions enfin, évoquer les faits et entendre les
parties civiles. Je demande que soit nommée une contre expertise. »
Maître Boulanger « Nous sommes encore obligés de constater
la situation avec beaucoup de tristesse nous arrivions à un moment important,
celui où nous allions enfin aborder les faits. J'ai deux observations et une
requête à déposer. La première observation est que Papon est victime de sa
propre stratégie de défense. Les faits pour lesquels il est poursuivi sont
gravissimes et il avait intérêt à ce qu'ils soient retardés au maximum.
Heureusement, sur les 80 témoins demandés par la défense, nous n'en avons
entendus que 25. Nous avons tous l'impression que le procès piétine, aussi
bien les parties civiles, la cour, le public. Mais cette tactique a eu pour
effet d'épuiser tous les participants. Et de cet épuisement, Papon en a été
victime lui-même. Je tiens à le dire, je ne veux pas entendre dire que c'est
de la faute des parties civiles que le procès piétine. Au contraire, elles ont
été exemplaires de dignité et de patience.
Deuxième observation, nous avons été placé devant une situation difficile
avec une organisation des débats et des témoins qui ne connaissaient même pas
l'accusé au moment des faits ou seulement après 1945. On a abordé des points
sur lesquels Papon s'exprimait en toute liberté. Il fallait bien que nous réagissions,
nous ne pouvions pas laisser dire n'importe quoi. Nous avons été placés
devant une situation exceptionnelle de la faute de la défense.
Enfin, j'ai une requête à déposer qui émane des parties civiles. Elles sont
touchées par cet événement. Une des parties civiles veut s'exprimer pour vous
le dire. Elles n'ont pas pu parler, elles ne savent pas si elles pourront
parler. Elles ne savent pas si elles pourront le faire un jour... »
Le président Castagnède, après une très longue hésitation,
« De qui s'agit-il ? Levez-vous»
Maître Boulanger « Il s'agit d'une partie Civile, Jackie
Alisvaks »
Le président Castagnède « Monsieur Alsivaks, approchez-vous
»
Je suis assis entre Jackie et Eliane, Jackie se lève, Eliane a mes côtés
hésite, me dit tu crois que je peux y aller le président n'a parlé que de
Jackie, Je lui dit que oui, il faut qu'elle y aille et quand Jackie passe devant
nous, elle se lève et le suit. Les autres parties civiles, comme nous l'avions
décidé auparavant, nous nous levons pendant leur témoignage.
Jackie Alisvaks « Merci, monsieur le président de me
donner la parole, chaque fois que l'accusé se retrouve devant ses responsabilités,
il replonge dans une nouvelle maladie. Nous avons besoin de nous exprimer... Il
y a 55 ans qu'on a besoin de parler, nous aussi, nous avons des gens malades,
par exemple Maurice Matisson a la même maladie que Papon. Mais aussi, nous
voulons exprimer notre indignation, je viens de Lyon, ma soeur Eliane vient de
Paris. C'est intolérable. La deuxième raison, nous vous demandons qu'il y ait
une contre expertise tous les jours pour que Papon revienne le plus tôt
possible. »
Eliane Dommange « Je voudrais dire quelque chose, monsieur le
président »
Le président Castagnède d'un geste lui donne son accord.
Eliane Dommange « Nous en avons assez que Papon se dérobe.
Mes parents sont Henri et Antoinette Alisvaks. Papon a pris la vie de nos
parents et maintenant, il nous empêche de parler, c'est intolérable. Il ne
faut pas qu'il nous empêche de parler, cela fait 55 ans que nous voulons
parler. Nous voulons nous exprimer depuis 55 ans et aujourd'hui, on nous en empêche.
»
Jackie Alisvaks « Je voudrais ajouter quelque chose. C'est
nous les victimes, on nous joue la comédie. Nous faisons entière confiance aux
avocats des parties civiles et à la cour. »
Maître Varaut « Ce procès est une commémoration, je rends
hommage à la douleur des parties civiles. Je me plains aussi de la longueur des
audiences ... » dit que ce n'est pas volontaire si Papon est malade, etc...
Etc...
Maître Jacob « La ligue des droits de l'Homme continuera dans
ce procès avec la même volonté. J'entends dire que nous ne sommes pas épuisés,
que nous continuerons le combat jusqu'au bout. »
Le président Castagnède « J'ordonne une contre expertise médicale
du professeur Pariente, les deux délibéré qui devaient être rendus demain
sont remis au 27 Novembre. L'audition de Madame Hippolyte est remise au 27
novembre. »
Le 17 décembre
1997
Eliane Dommange née Alisvaks,
retraitée, 63 ans.
Eliane Dommange " Monsieur le président, avant de faire ma déposition, je
vous demanderai la permission de rendre hommage à tous les morts dans les camps
de déportation. Ils ne sont pas morts ni couchés, ni comme des brebis à
l'abattoir. Ce sont des gens qu'on a fait souffrir moralement et physiquement à
la limite du supportable. Il suffit de regarder les photos et les documents des
camps de la mort pour comprendre. Je suis la fille d'Antoinette Alisvaks, arrêtée
et déportée à 30 ans. Je suis la fille d'Henri Alisvaks, arrêté et déporté
à 33 ans. Si on les avait laissés vivre, ils auraient l'âge de Papon. Avant
leur arrestation, j'étais une petite fille épanouie et heureuse avant ce 15
juillet, j'étais heureuse avec mes frères Jackie, 5 ans et mon frère aîné
Claude, 10 ans. On a interdit à mon père de travailler son métier de commerçant.
On lui avait interdit de gagner sa vie, notre vie. Avant ce 15 juillet, j'avais
peur des allemands, pas des français. Quand on les entendait, on se cachait au
fond de l'appartement. Avant ce 15 juillet, mon père était anti allemand. Ils
ont caché des français et des résistants qui n'avaient pas de papiers. Ce 15
juillet, tout se bouleverse dans ma vie et dans ma tête. Mes parents avaient préparé
les baluchons pour nous trois. On devait passer la ligne de démarcation à
Libourne. On était à table, quand on entend frapper à la porte. J'ai cru que
c'était le passeur, mais c'était la police. Je ne sais plus comment on a
descendu les trois étages, comment on est arrivé au fort du Hâ, on était séparés
de nos parents. Ce que je me rappelle, c'est qu'il y avait d'autres enfants, sur
deux ou trois rangées. Je ne sais pas comment on nous a mis des pancartes
autour du cou. Cela a duré très longtemps. Quand on nous a servi des petits
pois, j'ai eu du mal à les avaler. Très longtemps après, j'ai encore du mal
à les avaler. Ce que je me rappelle, ce ne sont pas des images, ce sont des
sensations. Quand je voyais un uniforme de la police, j'ai du mal à le
supporter. Je me rappelle que quand j'ai été convoquée par le juge Nicod avec
Maître Boulanger, il y avait une femme gendarme qui faisait les cent pas, elle
passait, elle repassait. Même l'odeur de son uniforme, je ne pouvais pas le
supporter, sans Maître Boulanger je serais repartie. Même plus tard, j'ai
toujours eu beaucoup de mal à aller dans un commissariat de police. Je ne me
remettais qu'après plusieurs jours. Je voudrais dire à Papon qu'il a pris la
vie de mes parents mais aussi ma vie. C'est vrai, je m'en suis sortie. Je suis
heureuse avec mon mari, mes enfants, mes petits-enfants. Je suis avec deux
faces. Je fais toujours le même cauchemar. Une petite fille de huit ans , elle
court après sa mère et quand elle se retourne, elle voit plein de mères, dans
un état épouvantable, avec les images des rescapés des camps de la mort.
C'est aussi quand mes enfants partaient, mon mari me retrouvait accroupie en
pleine dépression. Je revivais la séparation avec mes parents et je la
projetais sur mes enfants. Quand j'ai porté plainte contre Papon, je me suis
arrête voir un membre de ma famille. Je ne savais plus où j'en étais.
Pourquoi moi et pas mes parents. [ Eliane doit vouloir dire : pourquoi mes
parents et pas moi ]. J'ai failli commettre l'irréparable, heureusement, mon
mari était à côté de moi. J'allais commettre l'irréparable. Aujourd'hui
pourquoi ne pas pardonner. Je ne peux pas pardonner car Papon a agit méthodiquement
et froidement pour que mes parents se retrouvent à Mérignac puis Drancy et
Auschwitz par le convoi N° 7 départ de Drancy le 17 juillet 1942. Il y a eu
990 hommes et femmes. 375 gazés dès leur arrivée. 17 survivants. Pour moi
tout a commencé ce 15 juillet. A la libération des camps, j'attendais les
coups de fil pour qu'on me dise d'aller chercher mes parents à la gare. Je
n'avais pas le téléphone, et le voisin me prévenait en tapant sur le mur.
Moi, petite fille, j'attendais l'appel de mes grands parents. Et à chaque coup
au mur, j'étais déçue. Je me suis dis, ils sont malades. En ne les voyant pas
revenir je ne pouvais pas supporter qu'ils ne soient pas revenus. Ils avaient du
perdre la mémoire. Ils sont heureux quelque part. Ils ont vécu des moments
atroces. Je ne peux pas pardonner. Je ne peux pas pardonner. J'ai oublié de
vous dire comment j'ai quitté le fort du Hâ. On en est sorti parce que
quelqu'un nous a sorti. Un ami de mon père parce qu'il a désobéi aux ordres.
J'ai été chez mes voisins, monsieur et madame Desclaux. Quand il y avait de la
visite, on se cachait dans un cagibi. Je pensais qu'on était resté cachés des
jours et des jours. Mon oncle Maurice m'a dit que non ce n'étaient que des
heures. Je suis très reconnaissante à ces gens d'avoir désobéi et de m'avoir
sauvée. J'ai une photo de mon père, une photo de ma mère. Elle est froide, ça
fait 55 ans qu'elle ne parle pas, qu'elle est froide, qu'elle ne console pas. Je
voudrais montrer la photo de ma mère et moi je prendrai la voix de ma mère
pour lire cette lettre.
Le président Castagnède " Pas de difficulté à ce que les photos soient
diffusées. "
Eliane Dommange " Merci, monsieur le président
La lettre des parents d'Eliane Alisvaks [pour
revenir cliquez sur précédent]
Drancy le 18 juillet 1942
Mon petit papa maman
Lili Maurice chéris. Ce soir à 6 heures, nous sommes arrivés et demain matin
nous repartons. Nous ne savons pas pour où. Si tu ne reçois pas de lettre tout
de suite. Ne nous inquiete pas le nord est très loin [ l'émotion, Eliane se
trompe, la lettre dit le moral est très bon.]. Nous aurons beaucoup de courage.
Soigner bien mes enfants cheri qu'il ne souffre pas de l'absence de leurs
parents. Affectueux baisers a tous nous vous oublirons jamais vos enfants qui
vous aime. Nenette et Henry. [ c'est dur, très dur, surtout que cette carte
postale avec au verso l'effigie de Pétain et le cachet du bureau de la censure
du camp de Drancy, ne me quitte pas depuis des années. Quand Eliane finit sa
lettre, elle ne peut prononcer les noms de ses parents, fond en larmes, un
huissier s'approche pour la soutenir lui proposer une chaise.] Non je veux
rester debout, comme les déportés sont restés debout. Tout ... "
Personne ne dit plus rien. Puis au bout de longues secondes.
Le procureur général Desclaux. " Votre souffrance est une marque de
respect et d'hommage pour tous ceux qui ont souffert et qui ont disparu. "
Papon " Avec tout la pudeur qui s'impose et sans mésestimer l'émotion, je
vois dans la déclaration, l'illustration de la notion de symbole et ce symbole
vous voyez qui je veux dire. "
Le président Castagnède " Vous parlez du fort du Hâ. Vous aviez à peine
8 ans. Cette personne qui vous a sauvée était un gendarme français et il vous
a permis de vous échapper ? "
Eliane Dommange " Si on est là aujourd'hui, c'est parce ce qu'on ne fait
pas partie des 22 enfants dont on a parlé parce que sinon je serais partie en
août avec les autres enfants. "
Le président Castagnède " Vous avez également parlé de votre grand mère
maternelle Anna Rawdin et de Bernard Fogiel, 6 ans. "
Eliane Dommange " Pour mon cousin, sa soeur est là, elle en parlera. J'ai
8 personnes de ma famille qui sont mortes. "
3 orphelins,
survivants par miracle :
son frère Claude (décédé en 1993)
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Ses parents
ont été déportés au moment de la rafle du 15 juillet 1942 |
Jackie (Partie civile)
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