Radio Londres BBC, 1942-1944
23 Août 1942
21 heures 30 - 22 heures
LES FRANÇAIS PARLENT AUX FRANÇAIS
Louis Roché

 

Images de Varsovie - Le suicide

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Musique

1ère voix : Dans le ghetto de Varsovie, plus d'un demi-million de juifs vivent - si l'on peut dire qu'ils vivent entassés les uns sur les autres. Dans le ghetto de Varsovie, on meurt de faim, on meurt de maladies. L'existence y est un cauchemar. A chaque instant, des hommes, des femmes tombent d'inanition dans la rue. D'autres sont atteints par ce mal redoutable : le typhus.

2ème voix : Les Allemands ont délibérément rempli ce ghetto insalubre de juifs pour qu'ils y meurent. Pas la peine de gaspiller les balles de mitrailleuses : la faim et le typhus feront leur œuvre. Chaque fournée de cadavres qui sort est remplacée par une fournée de nouveaux habitants que les Allemands amènent des villes et des villages de Pologne. Devant la mort qui les guette, les malheureux juifs sont condamnés à serrer les rangs.

1ère voix : Toute cette affreuse misère, nul ne la connaissait mieux que le maire du ghetto, M. Czernerkov. Par tous les moyens, il s'efforçait de venir en aide à toits ceux dont il avait la responsabilité. Il' lui fallait sans cesse discuter avec les autorités allemandes et subir des affronts. Parfois, il lui semblait que sa tâche était vaine. Alors, il tâtait furtivement le gousset de son gilet, comme pour s'assurer que quelque chose y était toujours, qu'il ne l'avait pas perdu...

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2ème voix : Les Allemands durent s'apercevoir qu'ils jouaient avec le feu, qu'il était dangereux d'entretenir dans une grande ville un foyer d'infection. Ils décidèrent tout à coup qu'il y avait 100 000 juifs de trop dans le ghetto. Ils convoquèrent le maire, et lui enjoignirent de préparer lui-même la liste de 100 000 juifs qui seraient déportés " vers une destination inconnue à l'est ", à raison de 7 000 par jour...

1ère voix : " Vers une destination inconnue à l'est ", se répétait le maire en rentrant chez lui, " vers une destination inconnue à l'est ". Cette destination inconnue, c'était la mort, le massacre... Le maire s'assit à son bureau et réfléchit longuement'. Non ! Il ne prendrait pas la responsabilité de désigner lui-même 100 000 victimes aux bourreaux nazis. Il avait fait ce qu'il avait pu jusqu'à présent. Pour sauver des hommes, des femmes, il avait accepté de s'humilier, mais maintenant cela ne servait plus à rien. D'ailleurs, n'avait-il pas toujours pensé qu'un jour viendrait où les Allemands lui demanderaient l'impossible. Ce jour était arrivé.

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1ère voix : Alors, très calmement, le maire glissa deux doigts dans la poche de son gilet. Il en sortit une petite boîte. Il l'ouvrit ; elle contenait une sorte de pilule ou de comprimé qu'il avala sans broncher. Presque aussitôt, il tomba foudroyé. Il s'était empoisonné.

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