Aurigny ; un camp de concentration nazi sur une île anglo-normande.
Daprès " Résistance Unie ", le journal de lANACR (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance) en Gironde.
Les îles anglo-normandes ont été occupées par les armées allemandes à partir de 1940.
Dès linvasion allemande, lentière population dAurigny fut évacuée, à lexception dun seul paysan qui préféra rester sur place.
En 1943, deux membres du parti nazi, numérotés 6 et 8 dans la hiérarchie, Adam Adler et Heinrich Evers furent désignés pour commander le camp ; les ordres leur étaient transmis par celui de Neuengamme.
Ainsi, cest un commando lointain dun des premiers camps nazi, créé en 1938 en Allemagne, qui était établi dans lîle. Il était composé de plusieurs milliers de Russes, de Français (dont plusieurs centaines de juifs, maris d "aryennes "), de Républicains espagnols, dAllemands, de Nord-Africains venant de Marseille (dénommés ZKZ), de trois Chinois, dun Italien,
La présence de civils russes dans lîle (la plupart jeunes), semble trouver une explication dans le besoin de main-duvre civile transférée à Aurigny après les conquêtes territoriales de la Wehrmacht jusquen 1942.
Les Allemands condamnés de droit commun ou "associables " portaient tous des pyjamas ; les Républicains espagnols le brassard R.S. (Rott Spanien = Rouge espagnol), les autres, en particulier les Français, une bande de peinture blanche sur les coutures du pantalon, signe qui se révéla, par la suite, lourd de conséquences ("à abattre systématiquement en cas dinsoumission ")
687 Russes moururent dans des conditions atroces : dépaysement, humiliation continuelle, nutrition à peu près inexistante, coups, travaux forcés ; ils furent enterrés sur place. Dautres, Espagnols, Arabes, Français, subirent des sorts analogues.
Il faut signaler que, par manque deau potable, beaucoup de déportés ont été atteints de fortes fièvres ; pour les Russes, notés par les Allemands comme atteints de typhus, la maladie nétait quun prétexte à de très mauvais traitements.
Tour à tour, le cheptel humain était "loué ", par une importante firme de Coblence, aux services de lorganisation Todt, à la Deutschestrasse , doù la diversité de commandos de travail.
Nayant ni chambre à gaz, ni crématoire, ils transformèrent un tunnel où les déportés du camp seraient "murés " en cas de rébellion ou de débarquement des armées alliées.
Celui-ci existait avant la création du camp puisquil permettait laccès à la mer. Un matin, tout au début davril 1944, une équipe fut contrainte, par les SS, de murer lune des extrémités (côté mer) et dobstruer les bouches daération qui sy trouvaient afin de laisser sur le devant (côté camp), une ouverture permettant le passage dun ou deux hommes à la fois. A lintérieur de ce "tunnel ", des ballots de paille avaient été entreposés.
Deux essais sous forme dalerte, ont été expérimentés pour estimer le temps de remplissage avec tous les détenus du camp. Par ailleurs, des socles en ciment armé, pour nid de mitrailleuses, avaient été placés à lentrée, non pas contre un éventuel agresseur mais dirigés vers lintérieur du tunnel. Cétait le lieu de leur extermination !
Heureusement pour tous, un ordre dévacuation précipité survint le 7 mai 1944.
Il sagissait de transférer les déportés en Allemagne, sans doute à Neuengamme, via la France.
Entre Cherbourg, Lille et Hazebrouck, un grand nombre de déportés sévadèrent du train, grâce aux cheminots français (certains repris ont été fusillés) : tous les autres furent internés dans le Nord de la France, à Boulogne-sur-Mer et aux environs, puis libérés à Dixmude grâce à la Résistance belge. Ce transfert avait duré 13 jours, en wagons à bestiaux et plombés.
Ce nest que dans la nuit du 26 au 27 juin 1944, immédiatement après la libération de Cherbourg, que les derniers déportés quittèrent lîle dAurigny (sauf environ vingt déportés Républicains espagnols, affectés à des travaux spécialisés). Ce nest que vers le 10 août 1944 que les 20 Républicains espagnols furent transférés à Jersey au Fort Régent, où ils prirent très vite une part active dans toutes les actions de sabotage contre les nazis. La libération ne vint pour eux que le 9 mai 1945.